The Voices of a Distant Star - Actualité manga
The Voices of a Distant Star - Manga

The Voices of a Distant Star : Critiques

Hoshi no Koe

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 26 Mai 2021

Après Your Name., 5cm per second et Les Enfants du Temps, et en attendant en septembre Elle et son chat, Pika Edition continue d'explorer les oeuvres du cinéaste reconnu Makoto Shinkai à travers leurs adaptations manga, en accueillant en ce printemps un one-shot longtemps attendu dans notre langue: The Voices of a Distant Star.

De son nom original Hoshi no Koe, ce court-métrage de 25 minutes a une place tout à fait spéciale dans la carrière de Shinkai, dans la mesure où il a largement contribué à le faire connaître à l'international auprès des férus d'animation japonaise. Mais pour mieux le comprendre, il convient de revenir brièvement sur les premières années de carrière de l'artiste dans l'animation, ses débuts étant assez atypiques. C'est, à l'âge de 24 ans, en 1997, et pour s'émanciper de son travail de créateur d'animations dans l'univers des jeux vidéo où il ne se sentait pas totalement à son aise, que Shinkai réalisa son premier court métrage, d'une durée de 5 minutes: Kanojo to Kanojo no Neko (She and her Cat/Elle et son chat, dont l'adaptation manga sortira donc en France en septembre), qui connaît un vif succès d'estime et remporte même quelques prix. Face à ce succès, il décida de poursuivre dans cette voie, en sortant en 2001 Voices of a Distant Star, métrage ayant la particularité d'avoir été entièrement conçu par Shinkai: en effet, il y a tenu tous les rôles (sauf la musique), de réalisateur à animateur en passant par character designer, scénariste... La qualité visuelle et narrative de l'ensemble n'en étant alors que plus bluffante. Cette nouvelle oeuvre rencontra à nouveau un succès qui accrut la notoriété de Shinkai, les prix s'enchaînèrent à nouveau, et les ventes des DVD furent excellentes à l'époque au Japon. C'est suite à ce succès que le réalisateur décida de concevoir son premier long métrage pour le cinéma. D'une durée d'1h30, La Tour au-delà des Nuages (Kumo no Mukou, Yakusoku no Bacho), projet plus long et pour lequel Shinkai a donc dû s'entourer d'un staff pour l'animation, le character design et les décors, sortit sur les écrans nippons en 2004, lui valant de nouveaux prix et des sélections dans des festivals étrangers, avec là aussi quelques prix à la clé. Le succès populaire fut ensuite grandissant, et on connaît souvent mieux la suite jusqu'au rayonnement international de Your Name. puis des Enfants du Temps.

L'adaptation manga, elle, fut prépubliée au Japon d’avril 2004 à février 2005 dans le magazine Afternoon de Kôdansha, pour un total de 10 chapitres qui furent ensuite compilés en un unique volume d'environ 230 pages. La mangaka ayant dessiné cette adaptation est loin d'être une inconnue dans notre pays puisqu'il s'agit de la très talentueuse Mizu Sahara, que l'on connaît bien pour les oeuvres My Girl, Un bus passe... et Les Chant des Souliers rouges parus chez Kazé Manga, ainsi que pour le by's love A l'unisson publié sous son autre nom d'autrice Sumomo Yumeka, et que l'on retrouvera en août aux éditions Noeve Grafx avec le sublime Okashiratsuki, sa dernière série en date. Le lien de Mizu Sahara avec Makoto Shinkai ne s'est d'ailleurs pas arrêté là puisque, en 2006 et toujours pour le magazine Afternoon, la mangaka a signé la version manga de La Tour au-delà des nuages, que l'on espère forcément beaucoup voir également un jour dans notre langue.

Voices of a Distant Star nous plonge dans les années 2040. En 2039, la première mission spatiale envoyée pour coloniser Mars a permis de découvrir les preuves d'une vie extraterrestre, les Tharsiens, mais les premiers contacts furent houleux, si bien que désormais les humains traquent ces extraterrestres dans l'espace. C'est dans les années qui ont suivi que Noboru et Mikako, deux simples collégiens, ont commencé à devenir inséparables, jusqu'à entretenir l'un(e) pour l'autre un amour profond et véritable, sans avoir forcément besoin de se le dire, tant il culait de source. Ils ne s'attendaient alors pas à être séparés quelques années plus tard... En 2046, Mikako fut enrôlée dans une mission spatiale de traque des Tharsiens devant l'emmener, en compagnie de nombreuses autres personnes engagées, jusqu'aux confins du système solaire, là où aucun humain n'est encore allé. Pour la jeune fille, pas vraiment le choix: de par ses capacités, elle a été sélectionnée selon les critères d'un ordinateur qui serait apparemment à l'étranger. Ne pouvant se résoudre à cette séparation, la jeune fille et Noboru vont entamer, après le départ de Mikako, des communications régulières par l'envoi de messages. Mais au fil du temps, Mikako est amenée à s'éloigner de plus en plus de la Terre, et les messages des deux jeunes gens mettent de plus en plus de temps à arriver à leur destinataire...

Le métrage d'origine nous offre une histoire simple, sublimée par la réalisation de Shinkai. Si l'on excepte quelques vagues scènes de combat, pas d'action folle contre les aliens ou quoi que ce soit du genre: ce n'est pas le style du réalisateur, qui aborde ici l'un de ses thèmes de prédilection, à savoir les difficultés de l'amour à distance, et les conséquences du temps qui passe sur celui-ci. Tout passe avant tout par deux éléments: les dialogues très nombreux, et la beauté des décors. A travers leurs communications et leurs pensées, le spectateur découvre en Mikako et Noboru deux êtres profondément touchants. Chaque dialogue de l'anime sonne avec une sincérité bouleversante mettant en exergue l'amour des deux jeunes gens, qui ne parviennent pas à s'oublier malgré le temps qui passe, et malgré l'immensité spatiale qui les sépare. Une immensité parfaitement rendue par l'aspect visuel de l'ensemble. Pour un métrage faite par une seule personne, Voices of à Distant Star est visuellement absolument magnifique. Les vastes décors étoilés ou pas s'enchaînent paisiblement, et ne sont troublés que par des jeux de lumière animés de manière saisissante, ou par une 3D plutôt bien intégrée et présente principalement pour l'animation des éléments de technologie futuriste, comme le vaisseau que pilote Mikako. Il ressort de l'ensemble une infinie poésie contemplative qui nous émerveille et nous touche.

Pour sa version manga, Mizu Sahara reste évidemment fidèle au fond de l'oeuvre, à son déroulement, à ses thématiques, mais elle le fait à sa manière afin de ne pas offrir une adaptation toute simple. Encore en début de carrière à cette époque (le présent ouvrage ayant d'ailleurs été sa toute première série un petit peu longue hors boy's love, Mizu Sahara tâtonne un peu, on le sent bien parfois, et ça se confirme via ce qu'elle dit dans sa petite postface. Ainsi, elle a dû corriger quelques petites choses sur demande de son éditeur, elle s'attarde largement moins sur les décors et sur les paysages célestes que Shinkai... mais, déjà, sa patte est bel et bien là: les designs de personnages sont sensibles et dégagent ce côté doux-amer typique des oeuvres de l'autrice, ce qui colle à merveille aux échanges par messages des deux jeunes personnages principaux, ainsi qu'à la mélancolie et à la douleur qui découlent forcément de leur séparation toujours plus grande à travers l'espace et le temps. Qui plus est, pour lesquelques passages où on les voit, la mangaka a pu offrir des designs de machines satisfaisants, en ayant pu s'appuyer sur des maquettes réalisées par les membres du club de modélisation d'une université d'électro-communication. Mais c'est surtout dans le fond que Sahara brille, ce format manga de quasiment 230 pages lui permettant d'évoquer de manière un peu plus prégnante nombre de sujets esquissés dans l'anime. Il y a les questionnements de nos héros bien sûr: Noboru se demande depuis quand Mikako était au courant pour son enrôlement, ce qui donne lieu à différents flashbacks où il se rappelle certains moments passés avec la jeune fille et où ses paroles avaient peut-être un sens plus profond pour elle. Puis il y a le fait que les messages soient de plus en plus longs arriver du fait de la distance toujours plus grande (si bien qu'ils peuvent mettre des mois à parvenir), la peur quand il s'agit d'évoquer la possibilité qu'a la jeune fille de rentrer sur Terre un jour, les brefs instants de la vie spatiale de l'adolescente qui peuvent lui rappeler ce quotidien simple sur Terre qu'elle aimerait retrouver (avec, donc, une jolie petite mise en valeur de cette vie simple), la crainte de l'oubli au fil du temps qui passe, de la distance et du peu de nouvelles, les aspects absurdes des conflits et de leurs sacrifices, le décalage temporel creusant inévitablement l'âge... En somme, autant de choses que la mangaka peut se permettre d'aborder vite et bien, avec une certaine force émotionnelle en partie retenue et qui n'a donc pas besoin d'en faire trop, jusqu'à un final proche de l'anime de part son côté assez ouvert juste comme il faut.

Cette adaptation manga du chef d'oeuvre de Makoto Shinkai, au-delà de quelques tâtonnements, s'avère dont très réussie, Mizu Sahara mettant déjà à profit son style unique et encore balbutiant au profit d'un récit auquel elle parvient à apporter pas mal de choses, le tout dans une atmosphère douce-amère touchante et typique de ses mangas. Une réussite servie dans une édition française honnête, où l'on regrettera juste le papier crème de moyenne qualité, ne permettant pas une impression impeccable (entre autres, on peut voir facilement quelques moirages). A part ça, on appréciera la présence de 12 pages en couleurs (8 au début et 4 au milieu), ainsi que la traduction soignée de Hana Kanehisa, désormais habituée des oeuvres de Shinkai puisqu'elle a auparavant traduit le manga de 5cm per second.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs