The Moon on a Rainy Night Vol.1 - Actualité manga
The Moon on a Rainy Night Vol.1 - Manga

The Moon on a Rainy Night Vol.1 : Critiques

Amayo no Tsuki

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 15 Décembre 2023

Alors qu'on peine toujours à faire le deuil de sa sympathique série Inu & Neko (laissée en plan par les éditions Ototo depuis 2017 à deux tomes de la fin, sans explication), la talentueuse mangaka Kuzushiro fait son retour dans notre langue en cette fin d'année 2023, pour notre plus grande joie, en intégrant la jeune collection Yuri des éditions Meian avec sa dernière série en date Amayo no Tsuki (littéralement "La Lune par une Nuit pluvieuse"), proposée chez nous sous le titre international/anglais The Moon on a Rainy Night.

Comptant à ce jour 5 volumes au Japon, cette oeuvre suit son cours là-bas depuis le 12 juin 2021 sur le site Comic Days des éditions Kôdansha, un site très majoritairement orienté seinen (c'est de là que proviennent les mangas Parasite Reversi, Manchuria Opium Squad ou encore L'Oxalis et l'Or, entre autres) mais proposant aussi quelques séries plus inclassables comme celle-ci. Jouissant d'une belle notoriété, ce manga est déjà publié dans plus d'une vingtaine de pays dans le monde (dont la France désormais), est régulièrement classée première dans le classement de son site de prépublication, et a été est nominée aux Next Manga Awards pendant deux années de suite.

"Je n'aspire à rien de spécial. C'est bien, la normalité. Je veux trouver mon bonheur dans celle-ci. Je ne demande rien d'autre."

Tout commence par la découverte d'une jeune fille du nom de Saki Kindaichi, lors des vacances de printemps précédant son entrée au collège. Pratiquant le piano depuis qu'elle est à l'école primaire, elle semble quelque peu chamboulée lorsque sa professeure de piano, à ses côtés depuis des années, lui annonce qu'elle va cesser ses activités car elle est enceinte. Saki n'avait rien remarqué, et était même persuadée que la jeune femme était célibataire. Dans le fond, peut-être, alors, qu'elle ne connaissait pas réellement celle qui était présente à ses côtés depuis son enfance. Reproduira-t-elle la même "erreur" avec la nouvelle rencontre qui s'apprête changer sa vie ?

En effet, sur le chemin pour rentrer chez elle, Saki, la tête dans la lune, bouscule une fille qui semble avoir son âge et qui, quand elle s'excuse, reste mutique en se contentant de ramasser ses affaires avant de partir. Comme hypnotisée par la classe de cette beauté aux longs cheveux noirs, au regard profond et aux traits fins, Saki se dit qu'elle aimerait bien la revoir... mais ne s'attendait pas à ce qu'elle soit sa voisine de classe lors de son entrée au lycée ! Mais cet événement cache une information possiblement plus délicate: non seulement la professeure principale de la classe déclare à tout le monde que cette belle fille du nom de Kanon Oikawa est sourde, mais en plus Kanon affirme elle-même qu'elle préfère qu'on ne la dérange pas afin de rester seule. Après ces paroles froides, et aussi par crainte de ne pas l'aborder correctement, tout le monde garde alors ses distances avec Kanon... sauf Saki, qui essaie tant bien que mal de l'approcher pour mieux la comprendre et la connaître, au risque de se faire rejeter au départ.

Jamais assez représenté dans le domaine du manga, le sujet du handicap auditif a néanmoins déjà été au coeur de certaines très belles oeuvres: on pense évidemment à A Silent Voice côté shônen, A sign of affection côté shôjo, Hidamari ga kikoeru côté yaoi... et c'est donc au tour de Kuzushiro d'aborder cette thématique au travers de l'histoire commune naissante entre Saki et Kanon. Et par rapport aux séries citées précédemment citées, The Moon on a Rainy Night parvient assez vite à trouver sa propre unicité via son héroïne sourde qui, en ayant perdu l'audition quand elle était en CE1, a tout de même eu le temps, dans sa plus tendre enfance, d'obtenir la capacité à comprendre ce qu'on lui dit en lisant sur les lèvres (la lecture labiale étant alors son principal moyen de comprendre les autres quand ils lui parlent) et de répondre normalement à l'oral. Dans ce contexte, Kuzushiro, en s'appuyant sur une documentation précisée en fin de tome (et où Meian a eu l'excellente idée d'ajouter quelques conseils de lecture en français sur le sujet), prend soin de distiller quelques informations générales sur la surdité: le fait que seules 2% des personnes japonaises atteintes de surdité maîtrisent la langue des signes au Japon (selon une enquête réalisée en 2006 par le Ministère de la santé nippon), le classement des différents troubles auditifs, les différentes solutions (langue des signes, lecture labiale, appareil auditif, écriture)... mais c'est évidemment par la découverte plus personnelle de Kanon par Saki que d'autres choses se dessinent, puisque Saki ne veut pas connaître la situation des sourds de manière générale, mais plutôt connaître Kanon en particulier : sa difficulté à distinguer les sons dans un contexte bruyant malgré le port d'un appareil auditif, son angoisse d'interagir avec quelqu'un dont elle ne peut pas voir les lèvres pour pratiquer la lecture labiale... et, surtout, des aspects plus psychologiques. Pourquoi Kanon reste-t-elle au départ si froide,solitaire voire un peu cynique ? Qu'est-ce qui la pousse à affirmer qu'elle a toujours plus le sentiment au fil des années qu'elle ne peut pas comprendre ce que les entendants ressentent ? D'où vient ce désir de distance ? Entre peur de reproduire des "erreurs" passée en étant trop dépendante d'autrui et harcèlement, on le découvrira à petites doses, au fur et à mesure que Saki parviendra à briser le mur que sa camarade a bâti entre elle et les autres.

Car l'autre qualité de ce début de série provient évidemment de Saki, en tant qu'héroïne désireuse par dessus tout de cerner cette fille et de comprendre le monde qui peut être le sien. Se renseignant, voulant éviter les clichés sur les handicapés, tâchant de nouer contact avec Kanon quitte à faire des petites erreurs au départ, voulant s'adapter à la jeune fille sourde et cerner ce qu'elle peut faire et ne peut pas faire, Saki dégage quelque chose d'assez lumineux dans son genre, en poussant alors naturellement la belle brune à ouvrir petit à petit son coeur. On prend alors plaisir à découvrir peu à peu,en me^me temps que Saki, une Kanon capable d'être profondément enjouée et passionnée sur différentes choses, pour un résultat d'autant plus chaleureux que la dessinatrice, dans des décors classiques mais soignés, prend beaucoup de soin à dépeindre l'allure et les émotions tour à tour contenues, nuancées ou très expressives de ses héroïnes.

On pardonnera alors facilement les quelques grosses coïncidences de départ (le fait que Saki et Kanon soient comme par hasard voisines de classe, l'identité de la nouvel prof de piano de Saki) pour véritablement se plonger dans un très beau début d'histoire, où la mangaka trouve un bon équilibre entre la mise en avant de deux adolescentes naturellement attachantes, les débuts de leur relation sans doute vouée à évoluer au fil du temps, et l'abord du handicap auditif à grande et à petite échelles. Il y a de quoi avoir hâte de replonger dans ce petit univers, et ça tombe bien puisque le tome 2 est sorti en même temps que le premier volume en France !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs