The Innocent : Critiques

On ne l'attendait pas, et pourtant il est venu comme surgi de nulle part : voici The Innocent, projet ambitieux à la frontière entre manga, manhwa et... comics ! Après Stan Lee et son Karakuri Dôji Ultimo, voici qu'Avi Arad s'immisce à son tour sur le marché japonais. Ce célèbre producteur américain de la Marvel, à la source de nombreuses adaptations cinématographiques des dernières années (Spiderman, X-men, Les 4 Fantastiques,...), supervise le scénario de ce one shot atypique, scénario relégué à Junichu Fujisaku. Au graphisme, nous retrouvons une dessinatrice coréenne, Ko Yasung, que l'on peut connaitre pour quelques séries tombées dans l'oubli. Pour parachever l'aspect international du titre, voilà qu'il s'autorise même un lancement simultané au Japon, aux Etats-Unis et en France... avant finalement d'en offrir l'exclusivité à l'hexagone, avancée même de juin à avril ! Veinard que nous sommes... à moins qu'il ne s'agisse d'un cadeau empoisonné ?

Si le titre intrigue avant tout par son trio d'auteurs et son accouchement très original, il est à présent temps de s'intéresser au fond des choses. Si, de loin, le graphisme et le synopsis pouvaient séduire, on pouvait ressentir un léger mauvais pressentiment quant au véritable contenu à l'annonce d'un format en one shot. Hélas, ces craintes ne tarderont pas à se confirmer...

"L'innocent" s'appelle Ash. Condamné à la chaise électrique pour un meurtre qu'il n'a pas commis, Ash se voit offrir une seconde chance après sa mort et confié à un ange gardien du nom d'Angel (au moins, ce sera facile à retenir...), lui annonçant qu'il devait maintenant servir le Ciel en tant qu'Agent : il devra offrir de bonnes actions afin de purifier son âme pour accéder au paradis... ou redevenir humain. Pour Ash, qui a perdu la mémoire après sa mort, c'est l'occasion de rassembler les fragments de son passé et de démanteler le complot qui s'est refermé contre lui...

Un héros taciturne aux pouvoirs redoutables, un ange androgyne pour le seconder et le contrôler, un ennemi charismatique,... au début, on y croit, le concept séduit et les bases de l'intrigue sont prometteuses. Mais au fur et à mesure des pages et des chapitres, le doute nait, les évènements se brouillent, et le risque de déception grandit. La raison principale ? Un rythme narratif beaucoup trop rapide, précipité, jusqu'à en devenir totalement bordélique. Les scènes d'actions sont particulièrement confuses, les évènements s'enchainent sans que l'on ait le temps de souffler, et de nombreux concepts passent rapidement au-dessus de la tête du lecteur. A quels moments Ash est-il visible ou non ? A quels moments a-t-il le droit d'utiliser de son pouvoir ? A quoi sert Angel, à part se lamenter constamment de son impuissance ? Est-il vraiment amnésique, puisqu'il reconnait tout le monde du premier coup ? Au final, on arrive au bout du volume avec une profonde fatigue, et l'impression de n'avoir compris que la moitié des péripéties. On se contente de suivre, bêtement, un produit de consommation basique uniquement là pour faire parler l'action pure, et lancer des répliques répétitives comme "Laisse-moi faire à ma façon !" ou "Vous voulez jouer avec moi ?". L'ambiance des films Marvel n'est pas si loin, finalement...

Pour en rajouter une couche, le dessin, très agréable au départ, se révèle rapidement être une coquille vide. Outre la mauvaise lisibilité des séquences de combat précédemment évoquée, les personnages souffrent d'un design beaucoup trop stéréotypé, et sont réduits à quelques expressions permanentes. Ash lui-même est particulièrement monolithique, avec sa mine renfrognée et sa clope au bec. Quant aux personnages féminins, ils sont tellement ressemblants qu'on pourrait croire qu'ils ne font qu'un au début de l'histoire ! Seuls les décors s'en sortent sans trop de dommages, mais ce n'est pas suffisant pour épargner à nos yeux une surcharge graphique des plus désagréables. L'édition de Ki-oon est en revanche impeccable, mais c'était le seul point sur lequel il n'y avait pas trop de soucis à se faire.

On ne l'attendait pas... et il ne fallait pas en attendre grand chose. Ce coup d'essai ambitieux aura finalement tourné au coup d'épée dans l'eau. La déception est à la hauteur de tout ce que laissait présager le titre, qui aurait sans doute mérité un meilleur traitement, tant dans sa préparation que dans l'étalage de l'intrigue. Autant d'idées ne pouvaient décemment pas tenir dans un seul tome sans que la narration n'en pâtisse. Avec quelques tomes de plus, The Innocent aurait pu être une très bonne licence, mais pour l'heure, la série laisse l'impression d'un beau gâchis, ne gardant de ses cultures d'origines que les pires stéréotypes. Mais qui sait ? Peut-être qu'un jour, Ash aura une nouvelle chance de salut...