Te dire merci - Actualité manga

Te dire merci : Critiques

Arigatou tte Ieta nara

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 22 Avril 2020

Née en 1980, mangaka depuis 2005 à qui l'on doit notamment le comédie mature Rinshi!! Ekoda-chan (adapté en un animé diffusé en France sur Crunchyroll), mais également illustratrice, essayiste et femme de radio, Yukari Takinami est, depuis déjà plusieurs années, une figures assez originale et importante de la bande dessinée alternative japonaise, au travers de récits puisant souvent, avec humour, dans son quotidien et dans des sujets de société actuels. Et pourtant, il aura fallu attendre un bon moment avant d'enfin pouvoir la découvrir dans notre langue. En début d'année 2020, on a pu l'apprécier avec l'histoire courte qu'elle a conçue pour l'anthologie collective Neo Parasite sortie chez Glénat, mais sa toute première publication française date de l'année précédente, avec la publication fin mai 2019, aux éditions Rue de l'échiquier, de son récit le plus personnel, narrant ce qui fut sûrement l'une des périodes les plus éprouvantes de la vie de l'artiste.

Prépublié au Japon de 2016 à début 2018 sous le nom Arigatou tte Ieta nara aux éditions Bungei Shunju, Te dire merci se compose de 18 courts chapitres pour un total d'un peu moins de 180 pages, et commence en nous plongeant au printemps 2014, lorsque Yukari reçoit un appel de sa soeur aînée Nao, infirmière à Osaka: apparemment, leur mère de 63 ans a un "truc" au pancréas. Cette dernière est alors transportée jusqu'à Ôsaka pour à subir des examens plus poussés, et bientôt le doute n'est plus permis: il s'agit bel et bien d'un cancer du pancréas, déjà en phase terminale donc impossible à soigner, et leur mère n'en a sans doute même plus pour un an à vivre. Voici déjà quelques années que leur père est décédé, donc Yukari, Nao et leur frère vivant plus loin devront avant tout compter sur eux-même pour soutenir autant que possible leur mère... Mais comment faire pour bien s'occuper de cette mère et pour lui faire passer ses sentiments, quand celle-ci a toujours été une maman très sévère et cassante, en plus d'être depuis toujours une femme au "sale caractère" ?

Les tranches de vie autobiographiques parlant de la maladie, du cancer, de la mort d'un proche, c'est très loin d'être nouveau, y compris dans le milieu du manga. Mais Yukari Takinami a une manière bien à elle de compter ce qu'elle a elle-même vécu ici, en faisant en premier lieu le portrait d'une mère qui a toujours été très "difficile": vache, souvent acariâtre, n'étant pas du genre à féliciter ou à remercier mais plutôt à poser ses exigences sans détours... l'autrice le dit elle-même: sa relation avec sa mère n'a pas forcément été idéale ou même "normale" depuis son enfance, et à l'heure où ce cancer est détecté, tout ce qui va suivre est alors très contrasté. Cela passe par plein d'étapes que Yukari Takinami (et parfois Nao qui devient narratrice) présente vite et bien: première réaction en apprenant la nouvelle, explications rapides sur les particularités du redoutable cancer du pancréas, interrogations sur la manière dont la principale concernée doit apprendre la nouvelle, dernières sorties en famille ou en voyage, relais entre soeurs et moments épuisants pour surveiller cette mère à partir du moment où elle intègre définitivement l'hôpital, dégradation de plus en plus forte de son état (aussi bien côté physique que côté esprit), puis tout ce qui sera de l'ordre de l'après disparition (organisation des funérailles, accueil des proches...)... mais tout ceci, la mangaka l'aborde sans la moindre trace d'idéalisation ou de pathos, et narre également de front tous les à-côtés. Ses contraintes de travail faisant qu'elle ne peut pas être toujours là pour sa mère, son côté embêté face à divers soucis notamment "techniques", le côté intransigeant de cette mère qui, jusqu'au bout, reste elle-même, c'est-à-dire avec son caractère rarement facile à appréhender... Dans tout ceci, apparaît souvent, derrière la simplicité de ton et de style visuel, un étonnant humour qui permet souvent au récit de ne pas sombrer dans la déprime, notamment grâce à ce fameux caractère de la mère. Mais au fil de tout ça, il y a aussi les observations que Yukair fait sur cette mère certes pas facile mais qui reste courageuse et digne jusqu'au bout, lui montrant alors un vraie force. Et puis, il y a toutes les petites interrogations ne pouvant que traverser l'autrice: à quel moment dire à cette mère ce qu'elle souhaite lui transmettre, ne serait-ce qu'un simple merci d'avoir montrer tant de courage jusqu'au bout et de l'avoir mise au monde ?

Servi dans un grand format de qualité (papier bien blanc et assez épais, traduction convaincante de Jean-Louis de la Couronne...), Te dire merci est alors un témoignage sincère, réaliste mais aussi ponctué d'humour, évitant toute surenchère émotionnelle, et frappant donc on ne peut plus juste.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction