Tant que nous serons ensemble Vol.1 - Actualité manga
Tant que nous serons ensemble Vol.1 - Manga

Tant que nous serons ensemble Vol.1 : Critiques

Saraba yogi hi

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 18 Octobre 2019

Chronique 2

Jusqu'à présent, Yuki Akaneda était une mangaka que nous ne connaissions que par le prisme de la série Hidamari ga Kikoeru qu'elle a publié sous le nom de plume Yuki Fumino. Les éditions Akata étant toujours soucieuses d'étoffer les thématiques abordées dans leur catalogue, elle proposent aujourd'hui un récit bien différent de l'artiste : Saraba, Yoki Hi, proposé chez nous sous le titre Tant que nous serons ensemble. Toujours en cours avec quatre tomes, la série est un seinen publié au Japon chez ASCII Mediaworks.
Un manga que l'éditeur présente rapidement comme délicat de par le sujet abordé : l'amour, avec un grand A, entre un frère et une sœur...

Jeunes adultes, Ken et Aki viennent d'emménager ensemble, loin de leurs parents et de leurs proches. Pour l'entourage, les deux individus partageant le même nom, il s'agit sans doute d'un jeune couple de mariés. Mais la réalité est toute autre : ils sont frère et sœur, et partagent une relation fusionnelle et platonique peu courante.
Une relation qui tient sa solidité de la jeunesse des deux individus qui, enfants, étaient déjà très attachés l'un à l'autre...

Il est assez délicat de se lancer dans une œuvre comme Tant que nous seront ensemble, quand on connait son pitch initial. Le premier chapitre révèle cet état d'esprit, puisqu'il nous amène à découvrir le binôme central, un frère et une sœur, adulte, qui s'entendent à merveille, jusqu'à échanger parfois des gestes affectifs qui n'ont pas lieu d'être. Car si l'information sur leur lien de parenté n'était pas communiquée, Aki et Ken nous paraitraient comme un couple authentique. Dès lors, dès ce premier chapitre, difficile de ne pas être un peu mal à l'aise, mais la suite de ce premier opus va vite confirmer que Yuki Akaneda ne cherche pas à glorifier l'inceste mais à dépeindre une relation complexe dont on connaitra toute la richesse à l'issue de l’œuvre.

Car si le premier chapitre s'oriente sur la vie de jeunes adultes du binôme, tout le reste du tome explorer leur jeunesse, de l'enfance jusqu'aux années collège voire lycée. Et c'est à partir de là que la richesse du récit nous est présentée. Il apparaît ainsi un frère et une sœur particulièrement liés, tandis que le récit rend explicite l'anormalité des sentiments des deux individus. La mangaka opère alors un bien joli contraste, celui entre la tranche de vie pleine de douceur du titre (magnifié par la couverture, d'ailleurs), et la saveur amère des sentiments qu'éprouvent Ken et Aki. Quelque chose ne tourne pas rond, et c'est un fait qui marquera notamment Aki dans son comportement et ses actions sur la deuxième partie du tome. Il en résulte une relation complexe, peut-être même un peu toxique à certains égards, qu'on découvre avec un certain intérêt, notamment parce que l'autrice raconte habilement cet intéractions.

Et au fil du tome, on remarque aussi que Tant que nous serons ensemble ciblera d'autres personnages en parallèle. Des noms sont évoqués dès le premiers chapitre, et le retour sur l'adolescence des deux protagonistes permet de mettre ces individus en lumière, parfois même en développant leurs histoires à eux, quitte à s'éloigner de la trame principale. On remarque alors que Yuki Akaneda aborde la richesse des interactions humaine dans son ensemble, chacun étant marqué par un statut social bien distinct. Sans que la série cherche à dépeindre ces portraits avec sensationnel d'ailleurs, au contraire même. Ces gens existent, et ils ne sont pas anormaux pour autant. Mais peut-on en dire autant pour Ken et Aki ? C'est ce que la suite de la série développera sans nuls doutes.

Visuellement, la patte subtile et légère de Yuki Akaneda colle à merveille avec le ton du récit. Par des personnages expressifs aux designs bien marqués, et des planches assez bien fournies, le rendu de ce premier tome est aussi propre qu'empli de quiétude, ce qui sonne peut-être comme un paradoxe étant donné le propos de la série. L'autrice a en tout cas un style dense et particulièrement agréable, ce qui en fait une force.

Du côté de l'édition, Akata nous offre une très bonne copie. L'éditeur ayant renouvelé sa charte graphique, le tome s'offre un nouveau style par rapport aux précédentes séries du catalogue, ce qui pourra en surprendre quelques uns, mais dont le rendu s'avère efficace.
La fabrication de l'ouvrage est exemplaire avec page couleur et papier bien épais, tandis que la traduction d'Aurélie « Vega » Lafosse-Marin sonne comme pertinente, notamment par son ton très conforme à l'ambiance globale du récit.

Il en résulte un premier volume plus que séduisant, notamment pour son ambiance et la complexité de ses personnages. Loin de légitimer les relations incestueuses, qu'elles soient platoniques ou non, Tant que nous seront ensemble offre une tranche de vie qui a son atmosphère, et dont l'audace est de présenter des personnages qui sortent des sentiers battus, souffrant parfois de leurs propres sentiments paradoxaux. On attend de voir ce que la suite nous réserve, mais c'est un très bon départ que nous offre Yuki Akaneda.


Chronique 1

Keiichi et Akira Hirose ont tout du jeune couple plein d'avenir, du moins an apparence. En venant emménager dans un nouveau quartier paisible, ils sont accueillis par une propriétaire qui les voit comme de ravissants jeunes mariés. Et dans leur nouvelle habitation, chacun d'eux deux s'adonne à son travail, lui dans une maison d'édition pour la jeunesse où il supervise des auteurs, et elle en tant que puéricultrice dans un jardin d'enfants. Rien ne vient brusquer ce quotidien... ou presque rien. Les nerfs d'Aki qui manquent de lâcher au début, des coups de téléphone alors qu'ils ont décidé de partir en ne prévenant personne, un autre coup de fil alarmiste de la famille, leur demandant où ils sont passés et leur sommant de rentrer au plus vite. Alors qu'ils cherchent simplement à vivre heureux l'un auprès de l'autre, quelque chose semble clocher les concernant, comme une secrète douleur qu'il vaut mieux ne pas dévoiler. Car si les deux amoureux portent le même nom de famille, ce n'est aucunement car le mariage les unit. Ce mariage, ils ne pourront d'ailleurs jamais y avoir droit...

Les éditions Akata ont un don pour dénicher des oeuvres abordant des sujets de société assez sensibles avec pertinence, et nul doute qu'avec Tant que nous serons ensemble il en sera de même. De son nom original Saraba, Yoki Hi, cette série est en cours de parution depuis 2015 aux éditions ASCII Mediaworks / Kadokawa, et il s'agit de la quatrième oeuvre publiée par Akata à être issue du très intéressant label IT comics, après Whispering - les voix du silence, Goodnight, I love you... et Entre Deux. Akata a d'ailleurs présenté cette série l'oeuvre comme étant la plus remarquée du label IT comics, et on la doit à Yuki Akaneda, une mangaka pas tout à fait inconnue chez nous, puisqu'elle poursuit aussi une carrière dans le boy's love sous le nom de Yuki Fumino, et que dans ce domaine on lui doit la perle Hidamari ga kikoeru, merveille de tranche de vie aux visuels léchés et poétiques et au sujet très bien traité.

D'ailleurs, le ton adopté dans Tant que nous serons ensemble est, d'emblée, assez similaire, avec un rendu posé, tout en subtilité, voire poétique dans le quotidien. Ne brusquant jamais son récit, Akaneda démarre ici une tranche de vie nous invitant assez à observer les petits riens, afin de nous faire comprendre sans avoir besoin de le dire haut et fort la situation. Une situation tabou parmi les tabous, puisque l'oeuvre aborde l'amour qu'un frère et une soeur ressentent l'un pour l'autre, au point de tout abandonner derrière eux pour aller vivre ensemble là où on ne les connaît pas. Les amours frère/soeur, ce n'est pas forcément nouveau dans les mangas parus en France, mais dans quasiment tous les cas il s'agit juste de faux rebondissements traités par dessus la jambe et sans traitement sérieux. Ici, Akaneda ne tombe aucunement dans cette voie et a bel et bien l'intention de décortiquer avec crédibilité et attention la situation de Kei et d'Aki, ainsi que l'amour qu'ils se portent, amour purement platonique. C'est donc en les observant au plus près que l'on comprend ce qui les lie, et très vite bien des paroles prennent un double-sens poignant, comme lorsqu'ils évoquent l'impossibilité de se marier ou d'avoir des enfants, ce à quoi ils se répondent par la plus belle des choses: tant qu'ils sont simplement ensemble, l'un à côté de l'autre, ils sont heureux. Et la magie d'Akaneda, en plus d'une narration sobre, subtil et parfois en sous-entendus, c'est de ne poser absolument aucun jugement de valeur sur ses deux héros: ne se montrant ni pour ni contre, l'autrice croque tout simplement Aki et Kei posément, en présentant sans parti pris leur vie, leur quotidien, leur décision, et leurs sentiments. Sentiments ayant eu tout le temps de se se peaufiner et de s'affirmer, comme nous le montrera ce récit alternant entre les époques (des flashbacks sur l'époque du collège et du lycée, entre autres) mais aussi entre les points de vue. Sur ce dernier point, la mangaka prend vraiment soin de s'attarder sur chacun de ses deux principaux personnages, notamment beaucoup Aki dans le deuxième chapitre, et on a alors tout le loisir de cerner le ressenti de chacun des deux. Mais Akaneda ne s'arrête pas là, et son récit prend même des allures un peu chorales à partir du chapitre 3, où elle nous fait vivre une période du collège du point de vue de Tamaki Mori, la meilleure amie d'Aki, qui a elle-même des problèmes sentimentaux et surtout familiaux difficiles qui sont traités avec sobriété, tandis qu'on a à nouveau l'occasion, à travers les yeux de cette jeune fille, d'observer sous un autre angle Aki, toute l'importance que son amie a pour elle, et son lien exclusif avec Kei.

C'est ainsi que l'on découvre le plus naturellement du monde le parcours et la relation entre un grand frère maladroit et une petite soeur paraissant bien souvent plus mûre, le tout étant servi par le trait ravissant de la mangaka. Tout comme dans Hidamari ga kikoeru, Akaneda soigne énormément ses décors, ses jeux de lumière, ses angles de vue souvent très photographiques avec des angles de vue qui ont du sens, ainsi que les expressions tout en nuance et souvent en retenue de ses personnages.

Abordant une thématique souvent considérée comme tabou mais existant bel et bien, l'autrice s'en sort pour l'instant à merveille, en offrant un récit subtilement construit, narré et dessiné, promettant d'être construit sur plusieurs points de vue et époques, et restant on ne peut plus sobre dans son abord. Il s'agit d'un très bon démarrage, pour une oeuvre qui a tout pour gagner encore en intérêt sur la longueur.

Concernant l'édition, Akata nous offre une jaquette sobre et poétique, fidèle à la japonaise. A l'intérieur, le papier est bien épais, souple et sans transparence, l'impression possède quelques moirages mais reste dans l'ensemble très bonne, le travail sur les onomatopées et autres textes "visuels" est soigné, et la traduction d'Aurélie Lafosse-Marin n'a aucun mal à retranscrire la subtilité des textes.
  


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs