Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 21 Mars 2025

Quelques années après le sympathique manga tout en couleurs et à destination des enfants Momo et le messager du Soleil, Marie Sasano est de retour dans le catalogue des éditions Ki-oon en ce mois de mars avec une nouvelle création original: Switch Family. Et pour cette nouvelle oeuvre prévue pour totaliser quatre volumes et cette fois-ci en noir & blanc, la mangaka n'est pas seule puisqu'elle est épaulée au scénario par son propre époux Ryôsuke Tanno, un auteur ayant déjà quelques courtes histoires à son actif au Japon. Cette série est donc une affaire de famille, et ça tombe plutôt bien au vu de son thème principal ! Mais cela peut-il suffire à faire un début de récit vraiment emballant ? C'est ce que nous allons voir.

Switch Family démarre d'emblée sur une scène assez insolite: en se regardant dans un miroir des toilettes du lycée, un adolescent est complètement abasourdi en voyant qu'il est un garçon et qu'il 'na aucune idée de qui il est ! Et pour cause: Oki, le lycéen en question, vient de voir sa défunte mère Tsumugi s'emparer de son corps comme par magie. Voici quinze ans que celle-ci est décédée, en protégeant son enfant lors d'une chute dans un long escalier, et en émettant avant de s'éteindre un seul souhait: elle aurait tant aimé voir son enfant devenu grand. Bien des années plus tard, son souhait est donc réalisé, mais d'une drôle de façon puisque son esprit et celui d'Oki partagent désormais le même corps, à savoir celui du jeune garçon... Cette drôle de cohabitation peut alors commencer, non sans heurts puisque l'adolescent est évidemment loin d'être heureux à l'idée que sa mère prenne parfois possession de son corps, en risquant alors de semer la pagaille dans son entourage. Mais qui sait, peut-être que cette situation sera aussi l'occasion pour la mère et le fils de rattraper un petit peu les années ensemble qu'ils n'ont jamais connues, voire pour Tsumugi de veiller à ce qu'Oki, sans repères familiaux pendant trop longtemps, ne s'écarte pas du droit chemin ?

Si l'idée de l'échange de corps n'a rien de nouveau, le fait qu'ici cela concerne une mère décédée depuis longtemps et son fils devenu adolescent a naturellement de quoi intriguer, et globalement le couple de mangakas parvient petit à petit à tirer son épingle du jeu en distillant suffisamment d'éléments à développer, à la fois autour du contexte familial d'Oki et de son intégration en société. Car au fil des pages, on découvrira en notre héros un adolescent qui cache certaines douleurs, entre son père Soichiro qui le mésestime et qui le tient pour responsable de la mort de Tsumugi quinze ans plus tôt, et son tempérament qui en devient alors un peu marginal puisqu'il joue un peu les racailles et a très peu d'amis hormis le jovial Kazuki et la posée Iroha (enfin, "posée", sauf quand elle se montre régulièrement maladroite ! ). L'esprit de Tsumugi comprend alors vite que son idéal familial a volé en éclats avec sa mort, et qu'il y a des pots cassés à réparer, chose qu'elle va sans doute commencer à tenter de faire... quitte à commettre quelques bévues. Car étant donné sa personnalité très spontanée et avenante, Tsumugi ne manquera pas, parfois, de mettre son fils dans l'embarras quand c'est elle qui contrôle son corps, donnant ainsi lieu à des moments assez légers et rigolos dans cette complexe situation. Situation d'autant plus délicate que, forcément, des questions se posent: quelle est la cause de ce transfert spirituel et comment y mettre fin ? Combien de temps exactement cette situation va-t-elle durer ? Et si celle-ci dure trop longtemps, ne risque-t-elle pas de faire disparaître l'esprit d'Oki au profit de celui de sa mère ?

Dans un mélange d'éléments amusants, de sujets plus sérieux et de moments naturellement touchants où la mère montre tout son amour pour son fils, il y a donc suffisamment de choses à-même de nous maintenir accrochés à la lecture pour les trois volumes suivants... et cela, même si au départ il peut être un peu difficile de bien se plonger dans le récit, la faute à deux choses. Tout d'abord, une écriture parfois maladroite dans l'exposition des éléments de base: non seulement les auteurs cèdent à certaines grosses facilités pour exposer rapidement les personnages dans le premier chapitre, mais en plus on pourra s'étonner de certains détails comme la chute dans l'escalier invraisemblable (l'escalier est beaucoup trop grand pour une chute pareille) ou la façon dont Oki ne s'étonne finalement pas plus que ça de l'irruption de sa mère dans son corps, si bien que pendant les premières dizaines de pages on a un petit de mal à y croire car pas grand chose n'apparaît naturel dans les interactions. Ensuite, le rendu visuel qui, sans être déplaisant, se révèle généralement très lisse. Malgré un certain peps dans les designs assez expressifs, on a souvent des décors basiques, aseptisés et au rendu trop numérique, et un gros manque de finitions dans des détails, ce qui à force se remarque trop et nous fait un peu sortir de la lecture (exemple typique: les trames des pantalons, toujours trop simplistes et pas du tout crédibles). Peut-être que les limites de la dessinatrice ressortent plus dans le noir & blanc (car rappelons que Momo et le messager du Soleil était un manga en couleurs), chose qu'on peut encore plus se dire en voyant la très jolie illustration en couleur qu'elle nous offre pour inaugurer le premier chapitre.

A l'arrivée, on a un premier tome qui a ses maladresses mais où, petit à petit, il y a de quoi s'attacher à ce qui nous est raconté, d'autant plus que ce genre de sujet autour de la famille est toujours facilement parlant. A voir, donc, comment Marie Sasano et Ryosuke Tanno géreront la suite de cette courte série. On leur souhaite de parvenir à bien mener leurs idées, car dans les faits Switch Family est typiquement le genre de projet qu'on a envie d'aimer.

Enfin, côté édition, Ki-oon est fidèle à ses habitudes: le papier est à la fois souple, assez épais et suffisamment opaque, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sot appréciables, l'impression est très bonne, la traduction de Damien Guinois est claire, l'adaptation graphique de Quentin Matias est convaincante... Soulignons aussi un chouette bonus pour le premier tirage, à savoir une jolie jaquette alternative réversible.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12.75 20
Note de la rédaction