Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 25 Février 2020

Début janvier, les éditions Mana Books ont bien commencé l'année 2020 en accueillant dans leur catalogue un autre grand nom du jeu vidéo japonais: Steins;Gate, avec son adaptation manga !

A l'origine de l'oeuvre, on trouve un visual novel devenu culte, un jeu sorti pour la première fois au Japon en 2009, et qui a été acclamé pour son écriture. Mais la saga est également bien connue pour sa série animée, une adaptation léchée et aboutie initialement diffusée en 2011, et qui avait fait décoller sa popularité à l'international. Depuis, le succès de Steins;Gate ne s'est jamais démenti, au point que le jeu est devenu un des plus emblématiques représentants du genre visual novel et qu'il a connu des dérivés comme Steins;Gate 0 (lui aussi décliné en manga et en anime), va avoir droit à une série live américaine prochainement, et a connu bon nombre de version manga entre adaptation fidèle, spin-off et histoires alternatives.

Le manga que Mana Books nous propose de découvrir ici est, très logiquement, l'adaptation fidèle du jeu vidéo. Finie en trois volumes, elle a été dessinée au Japon de 2009 à 2013 pour le magazine Comic Alive de Media Factory par Yomi Sarachi, mangaka jusqu'à présent inédite en France. Steins;Gate fut la deuxième série de sa carrière, et depuis cette mangaka a participé à quelques autres projets, souvent pour des anthologies d'oeuvres déjà existantes (Danganronpa, Touken Ranbu, Uta no☆Prince-sama♪, Bungô Stray Dogs...).

Le récit de Steins;Gate nous plonge au coeur du quartier otaku et moe de Tokyo, Akihabara, aux côtés d'un homme pour le moins original, Rintaro Okabe, qui a fondé le "laboratoire des gadgets futuristes" avec ses deux plus fidèles comparses: son amie d'enfance l'adorable Mayuri, et son bon pote Daru, otaku jusqu'au bout des ongles. Bourré d'une imagination débridée, il se fait appeler Kyoma Hooin, se considère lui-même comme un savant fou, et a des lubies comme le fait qu'il est persuadé d'être poursuivi par ce qu'il appelle "L'Organisation". C'est ainsi qu'au sein d'Akihabara, entre deux sorties ou visites dans des conférences scientifiques, il poursuit inlassablement ses expériences farfelues, jusqu'au jour où son destin et celui de ses proches est voué à basculer après qu'il a eu l'idée saugrenue de brancher un téléphone portable sur un micro-ondes défectueux. Lors d'une conférence scientifique où il ne manque pas de se faire remarquer avec son franc-parler et sa personnalité barrés, il se frite quelque peu avec Kurisu Makise, une jolie mais froide surdouée de 17 ans... qu'il retrouve morte quelques minutes plus tard. Une fois sorti de la conférence, quelle n'est pas sa surprise de retomber nez à nez sur une Kurisu bien vivante ! S'incrustant chez lui car elle est intriguée par ses élucubrations, la jeune scientifique en vient à participer, elle aussi, aux expérimentations du trio, et plus spécifiquement concernant le micro-onde-téléphone, qui semble à l'origine des étranges événements qu'Okabe vient de vivre... car le groupe ne tarde pas à comprendre que tout objet placé dans ce micro-ondes voyage dans le temps ! Le groupe d'Okabe viendrait-il de créer la toute première machine spatio-temporelle ? Quoi qu'il en soit, avoir un tel pouvoir entre ses mains, cela implique forcément de grandes responsabilités, mais les premières expérimentation du groupe avec cet objet risquent bien d'avoir plus d'une conséquence...

Tout en jouant sur des gimmicks purement otaku (le café félin, les goûts des héros, la façon qu'a Mayuri de parler d'elle à la 3e personne ou de pousser ses cultissime "tut-tu-luuu", les "El psi congro" d'Okabe tout aussi cultes, etc etc...) auxquels il sera possible d'accrocher ou non mais qui retranscrivent avec immersion une certaine part d'Akihabara, Steins;Gate est une oeuvre qui a surtout été remarquée pour son scénario à l'écriture aussi profonde et complexe que jusqu'au-boutiste, les scénariste originaux ayant poussé leur concept à fond autour de la machine spatio-temporelle et de ses conséquences, quitte à multiplier des références parfois assez pointues, allant de l'énigmatique personnage de John Titor (un homme apparu sur internet en 2000 et qui se présentait comme un voyageur temporel venu du futur) au fameux ordinateur IBM 5100 (renommé ici IBN), en passant par le rôle du SERN ou différentes notions autour du concept de dimensions parallèles... Dans ce premier volume, au gré des différentes expérimentations d'Okabe, des changements étranges et difficiles à expliquer survenant dans son monde/présent à chaque utilisation, et des différents personnages s'installant autour de lui, Sarachi s'applique à retranscrire toute cette richesse ayant fait de Steins;Gate une oeuvre unique, si bien que l'on se sent plutôt facilement immergé... quand bien même tout est très rapide.

Car cette rapidité, c'est sûrement la principale limite de ce premier tome, et ce le sera probablement pour toute la série. Quiconque a joué au visual novel d'origine sait à quel point l'histoire est longue, complexe, alambiquée, pointue, très référencée, si bien que dès l'annonce de l'acquisition du manga, il y avait de quoi avoir un peu peur face à la brièveté de cette adaptation, car 3 tomes c'est assurément peu pour un scénario de ce type. Au final, Yomi Sarachi le dit elle-même dès sa préface sur le rabat de la jaquette: l'histoire avance à un rythme accéléré, et ça se ressent. Néanmoins, l'application de l'autrice est tout aussi visible: les grands axes sont tous là, l'intrigue est fidèle et reste limpide même si tout est rapide... sans doute manque-t-il juste un peu plus d'ambiance.

Visuellement, on note par-ci par-là diverses petites inégalités dans les designs et anatomies, des visages parfois trop peu expressifs, ainsi que certaines cases un peu vides, témoignant probablement de la jeune carrière de Sarachi. Néanmoins, le désir de bien faire est évident: la dessinatrice cherche à retranscrire fidèlement l'aspect visuel du jeu d'origine au niveau des looks des personnages et même de leur caractère, jusqu'aux petites piques que se lancent régulièrement Okabe et Kurisu, pour un résultat globalement honnête.

Comme on pouvait s'y attendre, cette version manga, de par sa brièveté, nous fait suivre l'intrigue du jeu de manière accélérée, ce qui pourra éventuellement décontenancer certains lecteurs, peut-être surtout les néophytes d'ailleurs. Pourtant, pour le reste, la mangaka livre une copie suffisamment soignée et a à coeur de retranscrire en un minimum de pages toute la complexité du récit d'origine. Bien que limitée par son format, l'oeuvre promet donc d'être tout de même une adaptation très honnête, au vu de ce l'on suit dans ce premier volume.

Concernant l'édition, on a droit à une bonne copie: premier page en couleurs sur papier glacé, papier souple, épais et sans transparence, qualité d'impression très honnête, choix de lettrage et d'adaptation graphique convaincants, et traduction emballante de Sarah Boivineau qui parvient à toujours reste fluide tout en restant fidèle aux expressions typiques des personnages. Soulignons aussi les différentes pages de glossaire parsemant le volume, des pages toujours utiles pour quiconque voudrait y voir plus clair sur certains termes et thèmes spécifiques.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.5 20
Note de la rédaction