Sorcières de la fin du monde (les) Vol.1 - Actualité manga

Sorcières de la fin du monde (les) Vol.1 : Critiques

Sekai no Owari to Majo no Koi

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 16 Novembre 2021

Chronique 2 :

La mangaka Kujira est devenue une véritable autrice vedette des éditions Akata. Après le court mais poignant Entre Deux, nous avons découvert de l'artiste Switch Me On, tranche de vie sentimentale adulte. En septembre 2021, la maison a renoué avec Kujira avec une œuvre d'un autre registre : Les Sorcières de la Fin du Monde.

Manga en trois volumes, le récit fut publié dans le Comic IT des éditions ASCII Mediaworks entre 2018 et 2020, sous l'intitulé original Sekai no Owari to Majo no Koi. Akata en fait une traduction presque littérale, excluant l'un des termes du titre, possiblement pour un effet de style dans notre titre français et pour ne pas trop en dire de l'intrigue.

Dans notre monde existent les sorcières, des humaines dotées de pouvoirs magiques qui furent autrefois persécutées, jusqu'à ce qu'elle deviennent des outils de l'ombre pour les dirigeants du monde. Elles existent aujourd'hui de manière discrète mais cherchent à se venger des autres humains pour les sévices d'autrefois.
Les jeunes recrues côtoient une académie secrète, et c'est le cas d'Alice Keating, étudiante modèle et descendante de la fondatrice des lieux. Dans sa classe, Mari Mugurama est sa parfaite opposée. Elle dort en classe, n'a que peu de connaissances et ne semble même pas disposer de dons particuliers. Pour tirer l'élève vers le haut, la direction confie à Alice le soutien de Mari. Bien que différentes, toutes deux vont se découvrir mutuellement. Leur entente prendra une toute autre forme quand Alice découvrira le don caché de sa camarade...

Toujours dans le registre romantique, Kujira nous offre cette fois une tranche de vie fantastique en milieu scolaire, où la relation entre les deux héroïnes a autant d'importance que l'environnement magique dépeint. L'artiste s'appuie sur la chasse aux sorcières survenue au Moyen-Âge pour forger cette intrigue, emplie de mystères et qui prend soin de connecter chaque élément à d'autres, dès ce premier volume. En ce sent, cette amorce forge un fil rouge assez pertinent, non sans petites facilités par moment pour permettre une progression rapide, permettant à l'histoire de ne pas avancer à l'aveuglette. Pour le lecteur, il y a un réel plaisir à découvrir ce monde tantôt féérique tantôt cruel, en parallèle à la relation entre les deux protagonistes qui s'avèrera de plus en plus forte.

Mais il est encore trop tôt pour se faire une idée de l'intrigue globale, ce premier volume faisant basculer le récit à un moment charnière après avoir planté ses premières graines. Ce qui nous envoute davantage, c'est la relation entre Alice et Mari, deux sorcières opposées en caractères, ambitions et talents. D'un point de départ un poil conflictuel, Kujira mène cette amitié vers une douceur sentimentale évidente mais appréciable. Toute cette atmosphère est ponctuellement sublimée par les planches de la mangaka, parfois épurées pour montrer la légèreté des situations, mais aussi visuellement contemplatives quand il s'agit de mêler la magie aux premiers sentiments qui traversent les héroïnes. En ce sens, ce début d'histoire est particulièrement joli et mignon, certes parcouru par quelques tonalités plus amères tandis que l'intrigue se lance peu à peu, montrant néanmoins un certain potentiel.

C'est pourquoi on attendra de voir comment Kujira exploitera cet ensemble dans les deux prochains tomes. Car le programme est particulièrement intéressant tant il y a à décortiquer, que ce soit la romance principale, les enjeux vis à vis des personnages secondaires, cette histoire de vengeance des sorcières qui s'appuiera sur les dons de Mari, la propre destinée d'Alice qui pourra difficilement refouler ses sentiments éternellement... L'introduction est efficace, et la suite de la série est prometteuse.

Côté édition, Akata reste sur ses standards, avec un ouvrage de bonne facture. Papier fin, adaptation graphique cohérente par rapport à l'univers, lettrage bien calibré... A noter que l'ouvrage affiche le format seinen, aussi il est aux dimensions d'Entre Deux. Seul Switch Me On jurera un tantinet sur une étagère, de par son format plus réduit.
On saluera aussi la très bonne traduction signée Claire Olivier de Black Studio, qui a su croquer l'univers et l'ambiance de l’œuvre par son texte.


Chronique 1 :

En deux petites années, KUJIRA est devenue une mangaka assez importante pour les éditions Akata. Cela à commencer par la découverte, entre septembre et novembre 2019, de la série en deux volumes Entre Deux, qui décortiquait avec simplicité et justesse nombre de choses autour de l'amour à l'époque de la puberté et des apparences. Puis dans la foulée, l'éditeur a lancé une sorte de pendant plus adulte à Entre Deux: Switch Me On, récit de couple lui aussi plein de justesse, d'abord arrivé en avant-première numérique à partir d'octobre 2019 avant de débarquer en version papier l'année suivante, et suivant toujours son cours à l'heure où ces lignes sont écrites (mais qui se finira au tome 8 ). Et à présent, Akata poursuit son exploration de la bibliographie de KUJIRA en nous proposant de découvrir, en ce mois de septembre, une courte série en trois volumes qui a vu le jour au Japon la même année que Switch Me On, au sein du label Comic It d'ASCII Mediaworks/Kadokawa, la bel nous ayant déjà offert Whispering, Goodnight I Love You ou encore Tant que nous serons ensemble.

De son nom original Sekai no Owari to Majo no Koi (littéralement "La Fin du Monde et l'Amour de la Sorcière"), Les Sorcières de la Fin du Monde fut prépublié entre 2018 et fin 2020, et nous immisce, comme le laisse deviner le titre, dans un monde où les sorcières existent. Plus précisément, KUJIRA reprend tout d'abord la sombre réalité de la chasse aux sorcières du XVIIE siècle, mais à sa sauce. Face à des phénomènes inexpliqués qui terrifiaient les humains à cette époque, ces derniers se sont mis à accuser les sorcières, et les ont exécutées en masse, alors qu'auparavant l'entente entre humains et sorcières était bonne, et que ces dernières rendaient même plus d'un service de façon paisible. Au XVIIIe siècle, cette chasse aux sorcières a petit à petit pris fin, car ces dernières ont pu invoquer la protection des dirigeants de leurs pays respectifs, sous condition d'exercer en coulisses leurs pouvoirs au profit des dirigeants en question, comme une force cachée. Face au besoin grandissant de sorcières toujours plus puissantes, un établissement spécialisé dans leur formation a même été érigé: l'hexenschule (littéralement "école de sorcières" en allemand) "Sternenlichtl" (signifiant "Lumière des étoiles"), caché au fin fond d'une forêt.

C'est dans cette école que brille la nouvelle étoile des sorcières: Alice Keating, élève sérieuse et surdouée, suscitant l'admiration de toutes. Petite, son aïeule (la fondatrice de l'école) lui affirmait que son pouvoir rendra un jour le monde des sorcières plus puissant que jamais, si bien qu'elle n'a jamais vraiment douté d'elle. Et à l'école, elle ne doute aucunement des cours de Madame Dolly, affirmant que si les sorcières prêtent leurs pouvoirs aux humains, c'est pour mieux se venger d'eux à l'avenir.

Non, Alice n'a jamais douté... tout du moins, jusqu'au jour où elle se retrouve obligée de se rapprocher de Mari Musuruma, camarade de classe qui est la risée de toutes. Mari vient étonnamment du monde des humains, dort en classe, contredit avec candeur les dires de Dolly concernant la vengeance future des sorcières qu'elle ne trouverait pas très bien, affirme tout aussi naïvement qu'il serait préférable d'humains et sorcières retrouvent leur entente d'autrefois pour que tout le monde soit heureux, n'excelle dans absolument aucun domaine (elle ne sait même pas faire décoller son balai magique, c'est dire), est rejetée par les autres élèves à cause de tout ça, à tel point qu'elle se demande souvent pourquoi on l'a faite venir dans cette école.

Et pourtant, Mari semble bel et bien posséder en elle quelque chose de tout à fait unique, expliquant son admission dans l'école, et poussant même bientôt Madame Dolly à lui imposer Alice comme tutrice et camarade de chambre afin de l'aider à progresser. Au fil de cette progression, la façon d'être de Mari va surtout éveiller de la curiosité en Alice, voire plus encore... mais à quel prix ? Car, paraît-il, l'amour entre sorcière est un tabou qui pourrait provoquer la fin du monde.

Ce premier volume constitue une lecture qui défile somme tout très vite, dans la mesure où il ne compte que 140 pages environ, et que les choses défilent rapidement à grands renforts de grandes cases et de textes allant à l'essentiel. Cela pourrait frustrer un peu, et il faut même avouer que cela donne à la mise en place un côté un peu expéditif. Et pourtant, tout est là pour susciter la curiosité, en premier lieu parce que KUJIRA parvient malgré tout à distiller toutes les grandes lignes de son petit univers et de son passé, mais aussi parce que son économie de textes lui permet de se focaliser sur l'essentiel, à savoir le rôle futur d'Alice et de Mari, le début de leur relation, la jalousie qu'elle peut susciter chez d'autres élèves, leur passé, et leurs différences (Alice est une surdouée issue de la plus noble lignée de sorcières et promise au plus brillant avenir, là où Mari apparaît aux yeux des autres comme une cancre arrachée au monde des humains et ne sachant pas ce qu'elle fait là) voire leurs oppositions de valeurs (Alice n'aime pas les gens ne maîtrisant pas leur vie comme Mari, alors que Mari n'aime pas les gens qui, comme Mari, se contentent d'apprendre et d'obéir selon les ordres qu'on leur dicte sans afficher de volonté propre) dont elles tireront peut-être pourtant beaucoup.

En somme, la lecture est plutôt brève, mais dans l'ensemble la mangaka maîtrise sa narration pour nous offrir un récit suffisamment intrigant, surtout dans ses deux héroïnes. Et l'ensemble est accompagné par un dessin soigné, un poil différent de celui d'Entre Deux ou de Switch Me On avec des designs un peu plus marqués ainsi que la part de fantastique. Un début d'histoire assez immersif, donc, dont on attendra avec intérêt la suite.

Concernant l'édition, Akata nous livre une belle copie avec un papier assez épais et souple permettant une bonne qualité d'impression, une traduction limpide de Claire Olivier, un lettrage soigné (y compris pour les onomatopées traduites) de Tom "spAde" Bertrand, et une jaquette fidèle à l'originale japonaise tout en bénéficiant d'un joli logo-titre conçu par Clémence Aresu.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

15 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs