Somali et l'esprit de la forêt Vol.1 - Actualité manga
Somali et l'esprit de la forêt Vol.1 - Manga

Somali et l'esprit de la forêt Vol.1 : Critiques

Somali to Mori no Kami-sama

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 10 Novembre 2016

Au fin fond de la forêt dont il est le gardien protecteur, un golem sans nom découvre une fillette humaine de peut-être 6 ou 7 ans, mystérieusement enchaînée. Instinctivement, celle-ci lui sourit et l'appelle "père". Intrigué, l'être fantastique choisit de la prendre sous son aile et de partir à la recherche de ses parents. Commence pour ces deux êtres mal assortis un voyage dans un monde aux mille richesses, où l'humanité semble avoir quasiment disparu, ayant laissé la place aux nombreuses races de non-humains qui continuent malgré tout de les traquer. Ce voyage invitera autant à la découverte d'un univers incroyable, qu'une invitation pour le golem à découvrir des émotions qu'il ne soupçonnait pas en lui.

Première oeuvre paraissant en France de Yuko Gureishi et seulement deuxième titre de l'artiste au Japon, Somali et l'esprit de la forêt s'ancre dans un registre qui semble cher aux éditions Komikku. On pourrait situer cette nouvelle oeuvre à mi-chemin entre The Ancient Magus Bride pour son récit de deux êtres dépareillés qui vont apprendre à se connaître et à s'aimer, et minuscule pour l'univers en forme de tranche de vie riche et fantastique. Si vous aimez les deux titres cités ici, il y a de fortes chances pour que vous appréciiez le voyage de Somali et du golem. Mais qu'on ne s'y trompe pas : l'oeuvre de Yako Gureishi a sa propre personnalité, qui se dévoile au fil des chapitres en en mettant souvent plein la vue et en enrichissant petit à petit son récit.

Le manga se construit autour des différentes rencontres que les deux personnages centraux sont amenés à faire, et l'on pourrait considérer que chacune de ses rencontres, que chaque halte dans un nouveau lieu est plutôt indépendante des autres. En adoptant ce schéma, Gureishi peut prendre le temps de se focaliser sur les spécificités de chacun des endroits visités et de ses habitants, pour un résultat qui très vite parvient à fasciner.
En effet, l'artiste dévoile petit à petit une impressionnante diversité dans les espèces, qui vont d'être vivant de notre monde (humains bien sûr, mais aussi oiseaux, lapins normaux...) à des êtres bien connus du folklore fantastique (golems, magiciennes, fées, nymphes, démons...), en passant par de pures trouvailles plutôt imaginatives (lapins à cornes, poissons dévoreurs de livres, femme-crapaud... sans compter toutes les espèces apparaissant dans le premier chapitre). Gureishi invente autant qu'elle reprend à sa sauce nombre de races cohabitant toutes ensemble, et cela se traduit par de grandes variétés dans les designs, y compris dans celui du golem qui s'avère plutôt original.
Mais cette diversité ne se limite pas aux espèces, et se ressent aussi pleinement dans chaque lieu visité, aucun ne se ressemblant. Le golem et Somali vont de forêts en villes en passant par des villages et la campagne, et chacun de ces recoins possède ses spécificités en termes de paysage et d'architecture. Certains endroits comme le village humain du flashback sont classiques, mais riches, tandis que d'autres tels le village du début ou le hameau des magiciennes et leur bibliothèque regorgent de petites trouvailles qui sont un régal à observer. Les lieux plus naturels, comme la forêt du néant avec ses troncs gris, ses feuilles blanches et ses arbres éteints, sont eux aussi des modèles de détails et d'ambiance.
Enfin, chaque halte est aussi l'occasion de découvrir quelques éléments de coutumes typiques des différents peuples croisés : les cultures de l'ermite, le vin des nymphes dans le hameau des magiciennes, l'herboristerie du mini-démon ... sont autant de petits éléments rendant plus crédible un univers où chaque espèce semble avoir sa culture spécifique et son propre style vestimentaire. Ce n'est pas forcément ce sur quoi la mangaka insiste le plus, mais cela rend clairement l'oeuvre encore plus immersive et dépaysante.
Si l'on ajoute aux cultures et à l'herboristerie des éléments comme le fait que les forêts ont des gardiens protecteurs, que les peuples semblent respecter la nature et qu'ils cherchent à tirer le meilleur de cette nature pour survivre sans la détruire, on peut aussi trouver en Somali et l'esprit de la forêt un aspect un peu écologique pas déplaisant.

Bien que chaque halte, que chaque rencontre se construise de façon un peu indépendante, il y a une trame de fond qui se dessine au fil des pages, et celle-ci ne se limite pas à la recherche des parents de Somali ou aux questions que l'on peut se poser sur cette fillette (que faisait-elle enchainée seule au beau milieu de la forêt ? Pourquoi appelle-t-elle d'instinct le golem "père" ?).
Evidemment, un intérêt certain vient de la douce découverte des deux personnages centraux, et chaque chapitre amène ses petites précisions. Yako Gureishi fait le choix de nous plonger directement dans son univers dès les premières pages sans rien expliquer tout de suite, ce n'est que petit à petit que l'on cerne les choses, et le résultat entretient évidemment bien l'intérêt. Il y a en premier lieu la compréhension de l'univers : on nous explique assez vite que dans ce monde les humains sont traqués, notamment pour être mangés, ce qui explique le choix du golem de camoufler la nature de sa protège sous une capuche à cornes, la faisant passer pour un Minotaure. Mais il ne s'agit là que d'une première étape avant que Gureishi n'aborde de façon concise, les origines du conflit entre humains et non-humains et la chute des premières faces aux deuxièmes. Petit à petit, nous sommes aussi amenés à cerner les spécificités de ce mystérieux golem, pouvant analyser la composition des objets grâce à son oeil qu'il n'ouvre que rarement, pouvant parler aux animaux, ne connaissant pas les gardiens des autres forêts, ayant une très longue vie... On découvre en lui une méconnaissance du monde due au fait qu'il est auparavant toujours resté dans la forêt qu'il protège, et son voyage avec Somali est alors autant une occasion pour lui que pour le lecteur de découvrir le monde... et de découvrir des émotions que jusque là cet être ne connaissait pas. Au contact de Somali, attachante petite fille dans son innocence, ses moments amusants (comme quand elle mange) et sa petite frimousse, le golem va peu à peu découvrir les sens des mots affection et amour, faisant naître en lui des émotions encore timides, mais bien présentes.

Que ce soit à travers les origines bêtes du confit entre humains et non-humains ou le désir du golem de protéger et de comprendre cet être d'une autre espèce qu'est Somali, on voit également se dessiner à la lecture une douce ode à la tolérance entre les peuples, à la découverte et à la compréhension des différentes espèces. Mais se dessinent également au fil des pages d'autres interrogations, en tête celle liée à l'âge du golem et à l'avenir de Somali si elle en arrivait à se retrouver seule dans un monde où les humains n'ont quasiment plus leur place... Voilà qui a le mérite d'accentuer encore la curiosité, tandis que l'on peut d'ores et déjà tenter quelques hypothèses sur ce que deviendra la jeune fille...

Servi dans les habituels standards de qualité de Komikku (papier épais et souple, qualité d'impression impeccable, traduction soignée de Ryoko Akiyama, première page en couleur, jaquette bénéficiant d'un vernis), Somali et l'esprit de la forêt commence d'excellente manière, nous immisçant dans un voyage à la fois fascinant, dépaysant et initiatique, à la découverte de multiples recoins et espèces ayant leurs propres richesses et spécificités.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs