Silence Vol.1 : Critiques

Les éditions Kana ont lancé bon nombre de créations originales d'auteurs français, ces dernières années. Pourtant, voilà depuis Oneira que la maison franco-belge ne semblait pas avoir autant misé sur une œuvre francophone, avec le lancement de Silence. Présenté en grande pompe début 2023, pour une sortie en ce mois d'octobre, le manga fut teasé, tandis que son premier tome a droit à une offre promotionnelle pour son arrivée en librairies. Un effort bienvenu pour un manga d'auteur français, dont le potentiel commercial est par conséquent en dessous d'une œuvre japonaise, du fait des regards trop sceptiques quant à ce type de créations originales.

Yoann Vornière, l'auteur de Silence, fait partie de cette génération des années 90, tombée dans la BD et le manga relativement tôt. Dès son enfance, il sait que la bande dessinée sera son crédo, ce qui se concrétisera des années plus tard suite à sa rencontre avec Tony Valente, à une expérience en auto-édition ("Sois heureux ou meurs en essayant"), et enfin par une collaboration avec Jim Bishop, via Jill & Sherlock aux éditions Ankama. À cette époque, c'est sous le pseudonyme Yo-One que l'artiste publie. Mais cette fois, on le découvre sous son nom véritable.

Dans Silence, le monde est aujourd'hui plongé dans une nuit incessante. Le soleil ne se lève plus, et des créatures hostiles se sont mises à errer. Dans ces conditions, impossible pour l'humanité de vivre sereinement à la surface. Ainsi, Lame et son village vivent dans une cité souterraine, à l'abri des prédateurs, mais sans jamais faire le moindre bruit afin de ne pas attirer la menace. Une exigence encore plus forte quand il s'agit de partir à la surface pour récupérer des denrées alimentaires. Plus qu'une vie, le jeune homme et les siens mènent une survie de tous les instants. Mais tout change lorsqu'il fait la rencontre de Lune, une humaine venue d'ailleurs, et aguerrie en ce qui concerne la lutte contre les monstres de l'extérieur...

Par son plot de départ, le manga de Yoann Vornière joue la carte de l'horreur couplée à une aventure ponctuée d'action et de mystère, tant d'éléments qui tiennent en haleine tout en créant un sentiment de curiosité chez le lecteur. Il ne faut donc pas ranger ce début de Silence dans le carcan des titres angoissants, puisque celui-ci joue dans plusieurs catégories et amène différentes ambiances à même de nous marquer, selon le moment.

Pourtant, le manga coche les cases du titre d'aventure jouant sur un climat d'effroi, en plantant l'épopée du jeune Lame et les siens qui, sans trop en dévoiler, verront leur destin évoluer. De leur crainte inéluctable de l'extérieur, il leur faudra justement embrasser ce monde hostile et en découvrir ses secrets, à commencer par les "dons" que peuvent offrir les monstres aux humains, sources de pouvoirs qui confèrent à Silence sa portée action-fantastique. Mais ces éléments classiques sont dilués dans une véritable aventure qui s'appuie tant sur notre inquiétude de ce monde de l'extérieur que sur les ressentis des divers protagonistes, des personnages loin d'être unilatéraux tant chacun amène sa sensibilité. Le casting se complète indéniablement et correspond à tant de visions qu'on peut se faire de l'univers de Silence, de la peur à la curiosité de découvrir les secrets des monstres, en passant par la mélancolie.

Petit à petit, ce premier volume construit une véritable richesse et diverses promesses, par un scénario qui prend le temps de s'installer, quitte à jouer quelques cartes importantes sur les toutes dernières pages, et donner l'envie d'y revenir. En ce sens, ces débuts sont particulièrement séduisants et immersifs, ce qui passe aussi par la patte de Yoann Vornière, particulièrement fournie, surtout quand il s'agit de représenter l'atmosphère sinistre du monde de l'extérieur, ou encore le bestiaire inspiré du folklore de nos contrées. C'est d'ailleurs cet aspect qui apporte une autre unicité du titre en termes d'univers. Et sachant que l'auteur offre des planches inspirées, aux scènes de combat bien dynamiques, il se créer quelque chose de particulier au cours de notre lecture du premier tome de Silence. La série étant prévue sur 4 tomes, on espère qu'elle rencontrera son succès afin d'éventuellement prolonger sa durée. Car dans un tel cocktail, tout porte à croire qu'il y a matière à aller largement plus loin.

Du côté de l'édition, Kana offre une belle copie, affirmant ses fortes attentes sur le manga de Yoann Vornière. La couverture mate et ses effets de vernis sélectif sont d'un bel effet, tandis que le papier souple offre un bon confort de lecture. Aussi, l'auteur distille différents petits suppléments dans l'ensemble de l'ouvrage, pour se dévoiler sur la création de Silence.