Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 05 Mai 2021
Chronique 2 :
Sanzô Tsugaru, la petite-fille de la matriarche de l'institution, a été envoyée au bidonville avec une mission claire, ramener Reihô, dont la condition d'homme fécond a été découverte, tout ceci dans le but d'en faire un autre sujet masculin tout juste bon à voir sa semence prélevée. Quand bien même Sanzô sent qu'elle tombe amoureuse, elle sait que cette mission doit être accomplie, et c'est après avoir partagé la couche du beau jeune homme qu'elle entreprend de l'emmener, en essayant d'abord la douceur, avant que les forces de l'institution ne débarquent pour l'emmener de force. Le tout, sous les yeux colériques mais impuissants des femmes entourant Reihô... Pourtant, Sanada et ses compagnes d'infortune peuvent-elles si facilement se résigner à voir Reihô fait prisonnier pour le reste de sa vie ? la réponse est évidemment non, et ne concerne plus le désir de ces femmes de voir l'entrejambe de l'homme, mais bien de protéger sa liberté. C'est ainsi que, toutes ensemble, elles entreprennent de se rendre jusqu'à la ville...
Après un premier volume particulièrement intrigant et qui posait des bases très prometteuses sur nombre d'aspects, on attendait le deuxième opus de la dystopie d'Akane Torikai avec autant de curiosité que de crainte, de par le fait que l'oeuvre soit déjà vouée à s'achever avec le présent volume, chose qui semblait difficile à accomplir convenablement de par toutes les pistes évoquées. Et concrètement, c'est alors une deuxième moitié de série laissant comme une pointe de frustration qui nous attend.
Il faut pourtant commencer par signaler qu'une fin, il y en a bel et bien une, et que dans l'essentiel elle est vraiment suffisamment aboutie: on a les principales informations attendues dans ce tome (notamment sur la manière dont ce monde a tourné au matriarcat en n'accordant plus qu'une place de reproducteurs aux rares hommes), une résolution existant bel et bien, et même un bref "épilogue" fort bien tourné de par sa note positive cachant pourtant une réalité plus douce-amère à grande échelle, dans la mesure où ce monde court à sa perte. Mais c'est plutôt dans les avancées globales que le bât blesse: tout va vite, très vite, trop vite, d'une façon assez précipitée qui est en total contraste avec le rythme plutôt posé du tome 2.
Difficile de dire si ce changement de rythme est volontaire de la part de l'autrice pour mieux marquer, ou s'il a été fait pour des raisons éditoriales. Mais dans tous les cas, ça donne lieu à deux grosses limites.
D'un côté, des facilités qui s'accumulent un peu trop, entre la rencontre fortuite du groupe avec Mirai, la façon dont tout le monde s'infiltre beaucoup trop facilement dans le bâtiment (alors que seule Mirai aurait pu être autorisée, et qu'en prime il s'agit quand même du bâtiment sur lequel repose tout le système de ce monde, donc il est étonnant que la garde ne soit pas plus vigilante et plus nombreuse), ou même la manière étonnamment aisée dont le code est trouvé.
De l'autre, la sous-exploitation d'un paquet d'éléments qui, finalement, ne semblent devoir être que des fonctions. Les personnages en tête, aucun n'est développé en profondeur (les différentes compagnes installées auprès de Sanada et de Reihô dans le tome 1 étant même assez inutiles). Mais on pense également à certaines concepts comme le Sceau.
Il faut alors accepter de voir l'univers dystopique si prometteur et se bien installé dans le tome 1, que comme le moyen pour Torikai de distiller un paquet de sujets de réflexion... et de ce côté-là, l'autrice brille vraiment, tant on la sent constamment alerte sur la société, au travers de ces personnages-fonctions dont chaque parole semble devoir avoir un sens, devoir apporter une idée. La mangaka peut alors pousser à nous interroger sur un paquet de choses, à commencer bien sûr par les rapports homme-femme, les méfaits d'une domination de l'un des deux sexes, le besoin d'une égalité, les fonctions de l'amour, du sentiment amoureux ou de la reproduction, voire même les limites d'une recherche de justice personnelle, ou tout simplement l'importance de la liberté. Le fait que notre vie, notre temps, notre corps ne doivent appartenir qu'à nous-même.
Alors, Le Siège des exilées est typiquement le genre d'oeuvre que l'on aurait adoré voir s'étirer sur bien plus de volumes, tant l'univers et les pistes de réflexions y sont prometteuses et pertinente. Mais le fait est qu'Akane Torikai ne fait qu'esquisser les contours de tout ceci... ce qui n'empêche pas d'y prêter une oreille attentive, tant ce qu'elle a à dire est intéressant, et tant il y a de quoi poursuivre soi-même les réflexions en partant de ces bases. Qui plus est, le parti pris visuel choisi par la mangaka reste un régal artistique jusqu'au bout, et l'édition reste soignée, y compris dans l'effet brillant de sa jaquette (argentée, cette fois-ci).
Chronique 1 :
Le pouvoir en place découvre l'existence de Reihô, cet homme vivant libre dans le bidonville, et capable de féconder. Se faisant passer pour une simple cliente, Sanzô Tsugaru parvient à partager un moment intime avec le bel éphèbe. Mais lorsque ses camarades se mettent à douter du piège, il est déjà trop tard : Les forces de l'institution sont là, et Reihô sera ramené de force dans la société, afin d'accomplir son devoir de géniteur.
Seulement, Sanada et son groupe n'ont pas dit leur dernier mot, aussi elles comptent bien ramener leur ami. Non pas seulement par curiosité de voir ce qu'il a entre les jambes, mais au nom de sa liberté.
Le Siège des Exilées touche déjà à sa fin avec ce second volume. Le constat du caractère conclusif de cette deuxième partie peut alors surprendre tant la série d'Akane Torikai avait le potentiel pour évoluer sur le plus long termes afin de développer de manière dense cette dystopie, l'univers et ses thématiques. Le choix d'une série courte contraint alors un dernier tome au rythme beaucoup plus expéditif que le précédent : Après une introduction qui prenait son temps pour créer une atmosphère, planter des personnages et nouer des problématiques, la mangaka passe clairement à la vitesse supérieure avec cette suite.
La cadence du récit constitue alors une force comme une faiblesse pour l’œuvre. Le premier opus était garni de belles idées qui nous poussaient à nous questionner, mais sa progression assez ralentie pouvait rebuter le lectorat. L'effet est inverse dans ce deuxième et dernier tome, aussi l'intrigue s'assure d'une dimension divertissante certaine. Pas le temps de trainer, l'arrestation de Reihô met le feu aux poudres de l'aventure de Sanada et de son groupe, déterminé à récupérer leur ami. Dès lors, Akane Torikai passe très rapidement sur les parcours de personnages et chamboule son univers, afin de mener à un point final le plus rapidement possible. Et de ce côté, il n'y a rien à dire : La fin est présente et est synonyme de conclusion ferme pour l’œuvre. Douce-amère, elle narre une liberté obtenue contre un grand sacrifice, à savoir la Société. Si l'autrice donne l'impression d'une note positive pour achever son récit, c'est tout de même un monde sans grand espoir qui est offert aux personnages. Mais étant donné l'allure dystopique du manga, le contraire était-il possible sans abandonner une quelconque crédibilité ?
L'histoire a donc une fin, mais le temps manquait indéniablement pour développer tout ce qui gravite autour. Ce deuxième tome n'accorde que peu de temps aux personnages, ce qui est bien dommage étant donné l'accent mis sur ces protagonistes qui, au final, n'occupent parfois qu'un rôle fonction. Le constat est assez similaire concernant les thématiques : Akane Torikai est une autrice qui fourmille d'idées et qui a énormément de choses à dire sur la société, le patriarcat, la notion d'Amour, et la Liberté en général. Chaque dialogue est l'occasion pour elle d'amener de petites réflexions, ce qui contribue souvent à légitimer l'univers mais manque régulièrement de cohésion. Sur plus de chapitres et de volumes, il ne fait nuls doutes que l'artiste aurait pu développer cet ensemble et établir un tout plus dense et à même de nous pousser à la réflexion. Mais n'enlevons pas à l’œuvre ses atouts pour autant : Les thématiques soulevées interpellent, mais elles auraient gagné à être développées d'avantage.
Alors, Le Siège des Exilées est sans doute un titre au trop fort potentiel par rapport au format visé. Si l'histoire est impeccablement menée à terme, ce qui l'entoure demeure souvent en surface, ce qui est bien dommage étant donné le propos du récit, le nombre d'idées qu'Akane Torikai cherche à mettre en exergue, et sa conclusion à la tonalité audacieusement tragique. Reste que le titre est une petite pierre à l'édifice d'une mangaka qui cherche à communiquer via ses œuvres, mais prouve qu'il lui faut parfois des récits plus longs pour aller au bout de ses idées.
Sanzô Tsugaru, la petite-fille de la matriarche de l'institution, a été envoyée au bidonville avec une mission claire, ramener Reihô, dont la condition d'homme fécond a été découverte, tout ceci dans le but d'en faire un autre sujet masculin tout juste bon à voir sa semence prélevée. Quand bien même Sanzô sent qu'elle tombe amoureuse, elle sait que cette mission doit être accomplie, et c'est après avoir partagé la couche du beau jeune homme qu'elle entreprend de l'emmener, en essayant d'abord la douceur, avant que les forces de l'institution ne débarquent pour l'emmener de force. Le tout, sous les yeux colériques mais impuissants des femmes entourant Reihô... Pourtant, Sanada et ses compagnes d'infortune peuvent-elles si facilement se résigner à voir Reihô fait prisonnier pour le reste de sa vie ? la réponse est évidemment non, et ne concerne plus le désir de ces femmes de voir l'entrejambe de l'homme, mais bien de protéger sa liberté. C'est ainsi que, toutes ensemble, elles entreprennent de se rendre jusqu'à la ville...
Après un premier volume particulièrement intrigant et qui posait des bases très prometteuses sur nombre d'aspects, on attendait le deuxième opus de la dystopie d'Akane Torikai avec autant de curiosité que de crainte, de par le fait que l'oeuvre soit déjà vouée à s'achever avec le présent volume, chose qui semblait difficile à accomplir convenablement de par toutes les pistes évoquées. Et concrètement, c'est alors une deuxième moitié de série laissant comme une pointe de frustration qui nous attend.
Il faut pourtant commencer par signaler qu'une fin, il y en a bel et bien une, et que dans l'essentiel elle est vraiment suffisamment aboutie: on a les principales informations attendues dans ce tome (notamment sur la manière dont ce monde a tourné au matriarcat en n'accordant plus qu'une place de reproducteurs aux rares hommes), une résolution existant bel et bien, et même un bref "épilogue" fort bien tourné de par sa note positive cachant pourtant une réalité plus douce-amère à grande échelle, dans la mesure où ce monde court à sa perte. Mais c'est plutôt dans les avancées globales que le bât blesse: tout va vite, très vite, trop vite, d'une façon assez précipitée qui est en total contraste avec le rythme plutôt posé du tome 2.
Difficile de dire si ce changement de rythme est volontaire de la part de l'autrice pour mieux marquer, ou s'il a été fait pour des raisons éditoriales. Mais dans tous les cas, ça donne lieu à deux grosses limites.
D'un côté, des facilités qui s'accumulent un peu trop, entre la rencontre fortuite du groupe avec Mirai, la façon dont tout le monde s'infiltre beaucoup trop facilement dans le bâtiment (alors que seule Mirai aurait pu être autorisée, et qu'en prime il s'agit quand même du bâtiment sur lequel repose tout le système de ce monde, donc il est étonnant que la garde ne soit pas plus vigilante et plus nombreuse), ou même la manière étonnamment aisée dont le code est trouvé.
De l'autre, la sous-exploitation d'un paquet d'éléments qui, finalement, ne semblent devoir être que des fonctions. Les personnages en tête, aucun n'est développé en profondeur (les différentes compagnes installées auprès de Sanada et de Reihô dans le tome 1 étant même assez inutiles). Mais on pense également à certaines concepts comme le Sceau.
Il faut alors accepter de voir l'univers dystopique si prometteur et se bien installé dans le tome 1, que comme le moyen pour Torikai de distiller un paquet de sujets de réflexion... et de ce côté-là, l'autrice brille vraiment, tant on la sent constamment alerte sur la société, au travers de ces personnages-fonctions dont chaque parole semble devoir avoir un sens, devoir apporter une idée. La mangaka peut alors pousser à nous interroger sur un paquet de choses, à commencer bien sûr par les rapports homme-femme, les méfaits d'une domination de l'un des deux sexes, le besoin d'une égalité, les fonctions de l'amour, du sentiment amoureux ou de la reproduction, voire même les limites d'une recherche de justice personnelle, ou tout simplement l'importance de la liberté. Le fait que notre vie, notre temps, notre corps ne doivent appartenir qu'à nous-même.
Alors, Le Siège des exilées est typiquement le genre d'oeuvre que l'on aurait adoré voir s'étirer sur bien plus de volumes, tant l'univers et les pistes de réflexions y sont prometteuses et pertinente. Mais le fait est qu'Akane Torikai ne fait qu'esquisser les contours de tout ceci... ce qui n'empêche pas d'y prêter une oreille attentive, tant ce qu'elle a à dire est intéressant, et tant il y a de quoi poursuivre soi-même les réflexions en partant de ces bases. Qui plus est, le parti pris visuel choisi par la mangaka reste un régal artistique jusqu'au bout, et l'édition reste soignée, y compris dans l'effet brillant de sa jaquette (argentée, cette fois-ci).
Chronique 1 :
Le pouvoir en place découvre l'existence de Reihô, cet homme vivant libre dans le bidonville, et capable de féconder. Se faisant passer pour une simple cliente, Sanzô Tsugaru parvient à partager un moment intime avec le bel éphèbe. Mais lorsque ses camarades se mettent à douter du piège, il est déjà trop tard : Les forces de l'institution sont là, et Reihô sera ramené de force dans la société, afin d'accomplir son devoir de géniteur.
Seulement, Sanada et son groupe n'ont pas dit leur dernier mot, aussi elles comptent bien ramener leur ami. Non pas seulement par curiosité de voir ce qu'il a entre les jambes, mais au nom de sa liberté.
Le Siège des Exilées touche déjà à sa fin avec ce second volume. Le constat du caractère conclusif de cette deuxième partie peut alors surprendre tant la série d'Akane Torikai avait le potentiel pour évoluer sur le plus long termes afin de développer de manière dense cette dystopie, l'univers et ses thématiques. Le choix d'une série courte contraint alors un dernier tome au rythme beaucoup plus expéditif que le précédent : Après une introduction qui prenait son temps pour créer une atmosphère, planter des personnages et nouer des problématiques, la mangaka passe clairement à la vitesse supérieure avec cette suite.
La cadence du récit constitue alors une force comme une faiblesse pour l’œuvre. Le premier opus était garni de belles idées qui nous poussaient à nous questionner, mais sa progression assez ralentie pouvait rebuter le lectorat. L'effet est inverse dans ce deuxième et dernier tome, aussi l'intrigue s'assure d'une dimension divertissante certaine. Pas le temps de trainer, l'arrestation de Reihô met le feu aux poudres de l'aventure de Sanada et de son groupe, déterminé à récupérer leur ami. Dès lors, Akane Torikai passe très rapidement sur les parcours de personnages et chamboule son univers, afin de mener à un point final le plus rapidement possible. Et de ce côté, il n'y a rien à dire : La fin est présente et est synonyme de conclusion ferme pour l’œuvre. Douce-amère, elle narre une liberté obtenue contre un grand sacrifice, à savoir la Société. Si l'autrice donne l'impression d'une note positive pour achever son récit, c'est tout de même un monde sans grand espoir qui est offert aux personnages. Mais étant donné l'allure dystopique du manga, le contraire était-il possible sans abandonner une quelconque crédibilité ?
L'histoire a donc une fin, mais le temps manquait indéniablement pour développer tout ce qui gravite autour. Ce deuxième tome n'accorde que peu de temps aux personnages, ce qui est bien dommage étant donné l'accent mis sur ces protagonistes qui, au final, n'occupent parfois qu'un rôle fonction. Le constat est assez similaire concernant les thématiques : Akane Torikai est une autrice qui fourmille d'idées et qui a énormément de choses à dire sur la société, le patriarcat, la notion d'Amour, et la Liberté en général. Chaque dialogue est l'occasion pour elle d'amener de petites réflexions, ce qui contribue souvent à légitimer l'univers mais manque régulièrement de cohésion. Sur plus de chapitres et de volumes, il ne fait nuls doutes que l'artiste aurait pu développer cet ensemble et établir un tout plus dense et à même de nous pousser à la réflexion. Mais n'enlevons pas à l’œuvre ses atouts pour autant : Les thématiques soulevées interpellent, mais elles auraient gagné à être développées d'avantage.
Alors, Le Siège des Exilées est sans doute un titre au trop fort potentiel par rapport au format visé. Si l'histoire est impeccablement menée à terme, ce qui l'entoure demeure souvent en surface, ce qui est bien dommage étant donné le propos du récit, le nombre d'idées qu'Akane Torikai cherche à mettre en exergue, et sa conclusion à la tonalité audacieusement tragique. Reste que le titre est une petite pierre à l'édifice d'une mangaka qui cherche à communiquer via ses œuvres, mais prouve qu'il lui faut parfois des récits plus longs pour aller au bout de ses idées.