Shiori et Shimiko - La tête décapitée Vol.1 - Actualité manga

Shiori et Shimiko - La tête décapitée Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 16 Janvier 2008

Avec Shirori et Shimiko, Morohoshi nous plonge dans un univers sombre, macabre et complètement déjanté dans lequel rêves et réalité se côtoient plus ou moins harmonieusement sous fond d'humour noir.

La ville d'I-no-Atama a tout d'une petite ville normale de la province nippone: Une école, des commerçants...
C'est ainsi que nous découvrons Shirori et Shimiko, héroïnes éponymes de ce manga. Elles sont différentes mais pourtant complémentaires, et de leurs échanges naissent tout l'aspect comique de ce manga.
La première, Shiori, est une jolie demoiselle un peu tête en l'air, superficielle et superstitieuse. C'est souvent à elle qu'arrive les phénomènes étranges: elle est donc bien souvent le moteur du récit. Sa comparse Shimiko se veut plus intellectuelle, plus cartésienne et incarne l'esprit pratique: appelée à la rescousse par Shiori, elle mène l'enquête à l'aide de ses livres et de son incommensurable culture.

Le récit des aventures de Shiori et Shimiko se veut épisodique. A raison d'une dizaine de chapitres avec autant de faits étranges abordés, il sera possible au lecteur d'aborder cette série par n'importe lequel des quatre volumes sortis à ce jour. On peut quand même relever une infime continuité dans l'agencement des épisodes, car certains personnages secondaires finissent par devenir récurrents, et pour mieux les découvrir, il convient de commencer par le commencement. En effet en plus des deux héroïnes, le lecteur aura le grand plaisir de faire la connaissance de Boris, le chat de Shiori capable de se transformer en humain, de la famille Itchi composée de Dan, le père (éditeur de romans SF), de la mère (une sorte d'alien) et de leur fille Cthulhu, qui ne tient jamais en place.

Il ne faut pas oublier que ce manga est prépublié dans le magazine japonais Nemuki, destiné à un public féminin adepte de l'horreur (il prépublie notamment le cortège des cents démons, toujours chez Doki doki). Le lecteur se retrouve donc face à des histoires d'horreur et devra donc s'attendre à des passages plutôt gore (nous sommes néanmoins très loin des oeuvres de Junji Ito).
Mais la manière dont Morohoshi aborde ce thème rend, à mes yeux, cette oeuvre tout simplement cultisssime.
En effet l'univers de Shiori et Shimiko est unique. S'inspirant de multiples références pour la construction de son récit, notre auteur s'applique à rendre hommage à tout un pan de la culture littéraire et cinématographique japonaise, mais aussi occidentale. La ville d'I-no-Atama devient, avec sa morphologie changeante et ses habitants monstrueux et bizarroïdes, la méthaphore cauchemardesque de l'univers d'Alice au pays des merveilles. Certaines histoires empruntent aux légendes urbaines. La petite Cthulhu est une référence au roman "L'appel de Cthulhu" (1924), écrit par Howard Phillip Lovecraft. Le duo Shiori/Shimiko fait un peu penser au tandem Sherlock Holmes/Watson d'Arthur Conan Doyle. On peut aussi relever des clins d'oeil au film Alien de Ridley Scott. Avec les lectures de Shimiko, notre auteur ne cesse de promouvoir la richesse de la littérature nippone.
Mais le thème dont l'auteur s'inspire le plus est celui des Yokaï, qui sont des monstres ou des esprits issus des contes folkloriques et des légendes bouddhiques et shintoïstes japonaises. Le bestiaire de la ville d'I-no-Atama se veut ainsi particulièrement exhaustif: gobelin, esprit vengeur, torii agressifs, fantômes...

La manière dont Morohoshi traite ses histoires ou imagine sa narration est assez spéciale. Refusant les poncifs et les contraintes établies dans l'édition, ces histoires reflètent une certaine pensée bordélique... L'auteur fait ce qu'il veut!
Ne vous attendez donc pas à avoir l'explication d'un phénomène paranormal. Ces derniers surviennent sans crier gare sur nos deux héroïnes, et repartent comme ils étaient venus: notre conteur n'est pas un narrateur omniscient, il se calque derrière le regard de nos deux comparses, et ne peut donc pas concevoir l'inconcevable. Cet aspect de Shirori et Shimiko m'a beaucoup plu, mais pourrait malheureusement décontenancer les lecteurs les plus rationnels, donc prudence pour ces derniers.
Cet aspect destructuré voulu par l'auteur se retrouve également dans le scénario. En effet les dialogues sont très savoureux et donne un aspect très rafraîchissant à l'oeuvre. Tout en restant d'une grande simplicité, ils toucheront assurément le lecteur en créant des situations particulièrement burlesques.

S'il devait y avoir un point faible à Shirori et Shimiko, on pourrait citer le dessin. Il se veut la plupart du temps simple et épuré, ayant un aspect assez vieillot alors que l'oeuvre a à peine dix ans. Il n'empêche que notre auteur a l'art et la manière de retranscrire sur papier les décors psychédéliques et tortueux de la ville d'I-no-Atama. Il est vrai qu'on peut trouver beaucoup mieux, mais le but est rempli car le dessin parvient à donner cette petite sensation de malaise chez le lecteur découvrant certains lieux ou quartiers particulièrement angoissants...

En définitive, Shiori et Shimiko fait partie de cette petite catégorie de manga inclassables. Il est le savant mélange entre horreur, fantastique et humour noir. Pourtant destructuré, le récit marque un réel travail de Morohoshi, qui tient à insérer de multiples références parfois difficiles à relever. La paire formée par Shiori et Shimiko est très atypique, drôle et attachant, nous changeant des duos habituels. Une oeuvre à découvrir absolument.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur

19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs