Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 19 Octobre 2012
Deux ans ! Il aura fallu près de deux ans pour voir enfin arriver en France la suite de Shigurui. Le peu de lecteurs assidus de la série avait sans doute perdu espoir, avant que Panini ne nous amène finalement sur un plateau trois tomes d'un coup, puisque ce tome 10 est en réalité un triple volume réunissant les opus 10, 11 et 12 de la plus gore et cruelle des sagas de samouraï.
C'est d'ailleurs sur un contenu on ne peut plus sordide et malsain que s'ouvre ce pavé de près de 600 pages : enragé par la défaite de son compagnon, Gonzaemon Ushimata, pris d'une rage folle, s'est dressé face à Seigen Irako, massacrant tout ce qui passe à portée de ses sabres géants. Les tripes volent de toutes parts, retouchent le sol violemment, s'envolent de nouveau au gré des techniques parfois fourbes utilisées par les deux combattants. En se basant sur son coup de crayon ultra-réaliste dès qu'ils s'agit dessiner des viscères, Takayuki Yamaguchi nous rappelle d'emblée que son oeuvre ne fait pas semblant, et nous offre ici une ambiance plus étouffante, morbide et poisseuse que jamais, sublimée par des dialogues quasiment absents. Le dessin suffit.
Entre quelques flashbacks revenant toujours plus sur les personnages, ici Seigen et Gonzaemon, le duel se poursuit et s'achève donc dans une ambiance plus sombre et violente que jamais... Mais une fois le duel terminé, le combat est-il fini pour autant ? Pas si sûr, car le colossal Gonzaemon n'est pas un humain normal : il a tout du monstre, effrayant... Quand on pense les choses finies, l'auteur en remet une couche pour le plus grand plaisir du lecteur amateur de cruauté et de personnages qui en imposent. Pourtant, il faudra une fin, et un nouveau tournant qui arrivera avec un point culminant dans l'horreur : une séance d'amputation à soulever les coeurs, car le mangaka, dans son souci de réalisme et d'ambiance, n'épargne absolument rien. Les détails et gros plans sont là, et plus que jamais, que les âmes sensibles s'abstiennent...
Devenus pauvres suite à leur défaite, Gennosuke et Mie souhaitent repartir sur des bases modestes, faire table rase du passé, mais tout le monde ne l'entend pas ainsi : l'heure est venue pour Tadanaga d'entrer réellement en scène, ne laissant pas le choix aux deux jeunes gens quant à leur destin. Après tous ces événements ayant permis de cerner pleinement les sentiments animant les personnages, l'heure du fameux tournoi présenté dans le tome 1 approche, et Takayuki Yamaguchi va alors nous proposer de découvrir différents participants et leurs motivations, au fil de différents flashbacks plus ou moins longs, parfois un peu trop longs, à l'image de celui centré sur Gannosuke, l'homme hideux à physique de crapaud. Surtout, c'est l'occasion pour l'auteur de mettre en avant des choses toujours plus extrêmes : après le coup de l'homme-crapaud qui pouvait déjà en laisser certains circonspects, voici la femme hermaphrodite, que chacun jugera différemment. Mais quoi qu'il en soit, l'ambiance reste là, le dessin conserve ses qualités, la violence et la cruauté sont partout dans l'univers de Shigurui, dont on a hâte de découvrir la fin via un dernier volume triple prévu pour février 2013.
En attendant, retour gagnant pour la série de Takayuki Yamaguchi, malgré des éléments pouvant en laisser certains circonspects, des flashbacks sur des personnages secondaires parfois un peu trop longs.