Shigahime Vol.5 : Critiques

S'étant accroché jusque-là pour protéger Chika, Osamu fut à deux doigts de céder pleinement à la monstruosité, mais a retrouvé une part d'humanité au contact de son adorable petite mie. Et pourtant, c'est précisément la jeune fille qui va le replonger dans le spires affres de cruauté: tuée par Soichi, ressuscitée par Miwako, elle fait désormais partie de la Lignée du Sang, et sous l'influence de Miwako cela lui fait miroiter de nouvelles possibilités. Tout en rejetant un Soichi qui en souffre au point de voir ses plus noires pulsions revenir au galop, Chika reste déterminée à s'approprier son petit ami adoré... mais est-ce par amour, ou par un sentiment de possessivité si fort que la "vampire" souhaite faire de lui son familier, quitte à devoir essayer de le voler à Miwako ? Dans tous les cas, l'adolescente dit adieu à sa vie normale sans le moindre déplaisir, là où Osamu s'y raccrochait pour elle. Elle se dit heureuse d'avoir rejoint le monde de son bien-aimé, mais son comportement aura des conséquences particulièrement sanglantes, en entraînant nombre de morts, et en précipitant l'histoire vers une inévitable issue tragique...

S'il était déjà certain, en particulier depuis le tome précédent, que Shigahime ne pourrait se finir que très mal pour nos jeunes personnages, cela n'empêche pas Hirohisa Sato de mener convenablement son oeuvre en nous prenant régulièrement aux tripes, de par la teneur dramatique de cette conclusion où aucun des personnages ne peut sortir de sa condition, chacun d'eux étant alors précipité vers la mort ou vers un enfer éternel de par leur condition quasiment immortelle, ce qui est également le cas pour Miwako qui vit depuis si longtemps et qui peine alors à comprendre ce que c'est qu'être en vie, avec son lot de souffrances et de peines.

Le principal intérêt est bien là: voir la façon dont les personnages sont les jouets de leur propre condition, une condition cristallisant leurs émotions humaines dans des affres de noirceur: l'extrême solitude de Soichi qui s'est toujours senti rejeté de tous, l'amour au départ pur puis devenu ultra-possessif d'une Chika s'étant raccrochée à Osamu pour fuir un quotidien banal dont finalement elle se fichait (il y a, d'ailleurs, un assez saisissant contraste dans ce tome entre les horreurs qu'elle commet et son désir innocent de vivre comme une princesse au manoir avec "son" Osamu), les prises de conscience d'Osamu sur la valeur de la vie au fil des tomes (lui qui trouvait cette vie si banale et ennuyeuse dans le tome 1), la longévité de Miwako et de Tamaki qui ne les rend pas forcément heureuses puisqu'il y a beaucoup de valeurs qu'elles peinent à saisir (ce qui poussera même Tamaki à une décision radicale à la fin)... Ce n'est pas foncièrement original, mais sous le dessin riche, intense et puissant de l'auteur ça fait son effet. Et cela, même si certains élans de surenchère graphique ne convaincront pas forcément tout le monde.

En effet, il faut bien avouer que, plus encore dans cet ultime opus, Hirohisa Sato se lâche dans certaines représentations de gore, de cruauté et d'érotisme malsains. Evidemment, cela colle avec la volonté de faire un final en coup d'éclat, avec une montée de tension dramatique et gore logique. Mais une partie du lectorat trouvera sûrement que l'auteur en fait parfois trop, avec même certaines scènes ayant alors un côté plus grotesque qu'autre chose (Soichi qui s'arrache l'organe en enfonçant son bras dans sa gorge, mouais).

L'avis sur ce dernier aspect dépendra vraiment du ressenti de chacun (personnellement, ça m'a pas mal plu dans l'ensemble). Mais pour le reste, le mangaka offre un final classique dans ses avancées, forcément assez prévisible (vraiment, ça ne pouvait que très mal finir), mais suffisamment abouti et toujours porté par un dessin qui, en lui-même, est maîtrisé. Et pour celles et ceux qui souhaiteraient tenter l'expérience, signalons que Shigahime ressort justement chez Mangetsu cette semaine, sous la forme d'un coffret réunissant l'intégralité des 5 tomes !