Sex Education 120% Vol.1 - Actualité manga
Sex Education 120% Vol.1 - Manga

Sex Education 120% Vol.1 : Critiques

Seikyouiku 120%

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 24 Septembre 2021

En ce mois de septembre, Ototo manga évolue ! L'éditeur lance effectivement sa très prometteuse collection Mues, une collection non-genrée, vouée à s'écarter des habituelles classifications shônen/shôjo/seinen etc (dépassées depuis de nombreuses années), et visant ainsi à explorer des sujets importants de notre propre monde, qui concernent n'importe qui, en se penchant hors des normes de notre société. L'éditeur a d'ailleurs eu la bonne idée, pour cette collection, de rester sobre et neutre dans son logo qui ne change pas, avec juste des points violets, ce qui est en adéquation avec la collection.

Il pourra s'agir de récits aussi bien autobiographiques que fictionnels, qui parleront de sujets modernes et ouverts mais qui ne sont pas toujours aussi bien évoqués ou mis en avant qu'ils le devraient. Avec, à la clé, un désir de souligner l'importance d'apprendre les un(e)s des autres quelles que soient les différences. Et pour entamer cette collection, quoi de mieux que de parler de sexe sous toutes les coutures, sans tabou mais avec humour et, surtout, un esprit éducatif ?

C'est ce que se propose de faire Sex Education 120%, une série bouclée en trois volumes, qui fut initialement prépubliée au Japon en 2020 dans le magazine numérique @Vitamin de l'éditeur ASCII Mediaworks/Kadokawa sous le titre Seikyouiku 120% (littéralement "Education sexuelle 120%"). On y découvre au dessin Hotomura, une mangaka dont ce fut la toute première série. Celle-ci met en images une histoire éducative imaginée par Kikiki Tataki, autrice donc ce fut a priori le premier manga, mais qui a auparavant proposé à compte personnel (notamment sur twitter) des récits qui parlaient déjà de sexe.

Le concept est assez simple: professeure d'EPS de son état, et donc également chargée de donner des cours sur le corps humain (car au Japon, ce sont souvent les profs de sport qui s'occupent de ça), Naoko Tsuji arrive dans le lycée pour filles Sakuragaoka avec un objectif clair: l'éducation sexuelle étant très mal et très peu enseignée, elle est déterminée à changer ça, ne serait-ce que pour préparer au mieux les adolescentes à ce qui les attendra forcément (ou presque) un jour ou l'autre, pour les renseigner au mieux sur les questions du sexe mais aussi sur leur propre corps. Elle s'offre même, d'emblée, un premier cours fracassant en distribuant à ses élèves des préservatifs, puis en leur expliquant même les besoins de se protéger ainsi que des techniques alternatives de protection (comme les digues dentaires). Entre le proviseur qui exige qu'elle s'en tienne aux manuels scolaires si pauvres, et l'infirmière Nakazawa qui veut régulièrement la reprendre mais se retrouve embarquée dans ses "délires", la jeune femme est parfois proche de se faire taper sur les doigts... mais qu'importe ! Car l'enseignement qu'elle veut prodiguer est bel et bien d'utilité publique, d'autant plus que l'éducation sexuelle concernant le sexe féminin reste encore trop en retrait par rapport au sexe masculin. Et dans son désir d'enseigner des choses essentielles sur ce que l'on considère à tort comme trop tabou, l'enseignante pourra compter sur l'intérêt de ses élèves. A commencer par Matsuda, une fan de boy's love, Kashiwa, une adoratrice des animaux, et Moriya, jeune fille en couple avec sa camarade Sumire mais ayant peur de devoir faire un jour son coming out.

Riche d'un peu plus de 120 pages, ce premier volume suit un schéma assez simple, avec six chapitres (plus un chapitre spécial sympathique car présentant l'adolescence de Tsuji) mettant chacun en avant un thème. Certains chapitres pourront apparaître un peu moins riches en enseignements mais tout de même assez intéressants, à l'image de celui consacré à l'entrée des love hotels et au moyen d'oser y pénétrer, qui parvient quand même à évoquer rapidement la discrimination pouvant subsister à l'encontre des couples homosexuels malgré les lois (et face à cette discrimination, Tsuji ne se dégonfle pas en ayant la bonne réaction, histoire de mettre le propriétaire du love hotel en stress). Mais très souvent, les sujets mis en avant sont véritablement pertinents: la protection, le plaisir solitaire (évitons les mots "masturbation" et "onanisme", Tsuji nous explique joliment pourquoi), les petits complexes souvent inutiles que l'on peut avoir sur son corps, les appréhensions face au coming out... Mais Kikiki Tataki est très loin de se limiter à ces grandes thématiques, car elle en profite à chaque fois pour apporter nombre de petites précisions à côté, par exemple (pour citer quelques exemples) sur les gros manques de l'enseignement sur le sexe au collège/lycée (période pourtant fondatrice), sur les tabous beaucoup plus persistants concernant le plaisir solitaire féminin, sur a réalité des positions par rapport aux fantasmes qui peuvent être véhiculés dans les pornos et les hentai, etc, etc... Mieux, l'autrice est loin de se limiter uniquement au sexe côté féminin, et se montre capable d'évoquer un paquet d'autres choses qui pourraient presque apparaître comme des apartés, à l'image de tout le chapitre 6 abordant des anecdotes sur le sexe chez certains animaux.

Pas de tabou, donc, mais l'oeuvre trouve toujours le bon ton en évitant les plus gros pièges de ce genre d'oeuvre, entre autres une sexualisation des héroïnes qui aurait pu faire tâche, un ton trop lourd ou trop vindicatif, ou un rendu érotique. Ici, aucun érotisme: Sex Education 120% est vraiment tout public et peut être lu dès le collège. Les héroïnes sont tout au plus mimis mais sont tout à fait normales, sans sexualisation outrancière, et c'est un aspect que rend très bien le style visuel clair, tout doux et rond, sans esbroufe de Hotomura. Enfin, la lecture a pour elle un humour omniprésent, lui conférent une atmosphère légère qui désacralise parfaitement les tabous. Il n'est même pas rare que certains passages soient de simples moments gentiment comiques, afin de toujours entretenir la légèreté. Un côté "apprendre en s'amusant et en s'ouvrant", en somme.

Les autrices trouvent ainsi très souvent le bon ton pour désacraliser les vieux tabous en rapport au sexe, pour démystifier différents préjugés, pour tout simplement parler directement et très bien de choses qui concernent tout le monde. Y compris les garçons qui, eux aussi, ont sans doute un paquet de choses à apprendre au travers de cette lecture.

Concernant l'édition, si le prix de 9,99€ pourrait sembler d'abord cher pour un livre d'à peine 130 pages, il se justifie assez bien dans la qualité éditoriale. Il y a bien sûr le grand format de 15x21cm, mais aussi la première page en couleurs, la très bonne qualité de papier et d'impression, le lettrage très soigné, la jaquette extrêmement proche de l'origine japonaise, et surtout une traduction très appliquée de Yoan Giraud qui est suffisamment pointu sur les termes spécifiques, sert bien l'aspect humoristique et léger, et propose aussi quelques notes apportant certains détails assez importants. On appréciera également les pages bonus avec, notamment, des notes de fins de la responsable éditoriale de la collection, ayant la bonne idée de conseiller une chaîne youtube française abordant des questions sexuelles que nombre de personnes pourraient peut-être se poser.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs