Satoko et Nada Vol.1 - Actualité manga

Satoko et Nada Vol.1 : Critiques

Satoko to Nada

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 03 Juin 2025

Via des mangas comme Les Nuits d'Aksehir ou Goodnight, I Love You..., les éditions Akata ont déjà montré, au fil des années, leur volonté de publier des oeuvres véhiculant de belles idées sur la manière dont la découverte d'autres cultures sans préjugés peut nous permettre de s'ouvrir et d'évoluer. Et à la fin du mois de mai, l'éditeur a récidivé en proposant en librairies et en format numérique le premier volume de Satoko & Nada (qui porte le même nom en version japonaise), une série qui est achevée en quatre volumes et qui a initialement été prépubliée au Japon en 2017-2018 sur le site Twi 4 avant de paraître en volumes brochés chez Kôdansha.

Ici, il est question de suivre le quotidien de deux colocataires qui ont sans doute beaucoup à découvrir, à apprendre et à comprendre l'une de l'autre. Etudiantes dans une université des Etats-Unis, Satoko et Nada sont respectivement une japonaise un peu naïve et une énergique saoudienne de confession musulmane. Dans ce vaste pays d'Amérique du Nord dont elles ne sont pas originaires, elles créent très vite un lien d'amitié fort, nourri par leur manière très saine de discuter de leurs spécificités culturelles, de leurs croyances et d'autres choses de leurs pays d’origine, le tout sans jamais se juger.

Adoptant la forme très simple du yonkoma (ou 4-koma, strip en quatre cases), l'oeuvre voit chacune de ses pages évoquer un nouveau petit moment de vie, de quotidien et de partage entre les deux héroïnes, parfois rejointes par d'autres connaissances américaines comme Miracle, une étudiante chrétienne, ou encore Kevin, un garçon un peu otaku et ayant des origines asiatiques. Et à chaque fois, il en résulte des interactions riches de sens et d'apprentissages, où elles vont pouvoir déconstruire certains de leurs préjugés (par exemple, Satoko imaginait les femmes musulmanes calmes et discrètes, mais découvre en Nada une fille dynamique et enjouée) tout en découvrant surtout nombre de choses sur la culture respective de leur pays d'origine et de leur religion (enfin, surtout de la religion musulmane de Nada, car Satoko n'est pas spécialement croyante). S'enchaînent alors des différences de points de vue (par exemple sur les cheveux couverts de Nada) ainsi qu'un petit paquet d'informations en tous genres sur le Japon, sur les Etats-Unis en tant que terre d'accueil de nos héroïnes, et surtout sur l'Arabie Saoudite et la religion musulmane qui sont clairement les deux éléments les plus centraux, l'un des buts évidents de la mangaka étant de mieux faire découvrir et comprendre ce pays et cette fois qui, quand on est japonais, peuvent sûrement paraître assez lointains.

Les informations sur les tenues, sur la pratique du Ramadan, sur les noms des plats saoudiens, sur les prières, sur le déclin des femmes allant prier dans les mosquées, sur le mariage souvent arrangé par les parents... sont, ainsi, quelques-unes des choses que l'autrice Yupechika, dont c'est la première oeuvre, décortique avec une simplicité de ton très communicative, à la fois grâce au format 4-koma et à son dessin léger. Et en plus de s'inspirer de son propre quotidien puisqu'elle a elle-même étudié à l'étranger, la mangaka a aussi pu compter sur la supervision de Marie Nishimori, une journaliste qui est sortie diplômée de l’université du Caire et qui est elle-même de confession musulmane. L'aspect documentaire se veut ainsi suffisamment pointu et juste, mais ce qui séduit le plus dans ce premier tome est sûrement la volonté de découverte et de compréhension que Satoko et Nada montrent l'une envers l'autre. Les deux femmes se découvrent sous de nombreux aspects mais ne se jugent jamais précipitamment et s'écoutent avec bienveillance, même dans les sujets qui pourraient au premier abord sembler bizarres quand on les méconnaît, à l'image du port de niqab ou du fonctionnement du mariage en Arabie Saoudite: ne s'enfermant jamais dans les poncifs, Satoko prend soin d'écouter l'avis personnel de Nada sur ces choses-là, la jeune saoudienne se montrant tout compte fait assez libre dans sa vision des choses. La mangaka a aussi le mérite, à travers Nada, d'évoquer des sujets plus controversés et souvent liés à la condition féminine dans le pays et la religion de la jeune femme, et là aussi elle prend soin de ne rien juger précipitamment, en mettant le point sur ces problématiques de façon objective pour, à l'arrivée, souligner avant tout le désir des deux héroïnes de se montrer respectueuses et ouvertes d'esprit l'une envers l'autre, pour mieux affirmer leur identité en déconstruisant les clichés qu'on peut leur rabâcher.

On découvre alors, en ce court premier volume d'un peu plus de 120 pages, une lecture particulièrement nécessaire par les temps qui courent. Loin des clichés, douce et souvent amusante, bourrée de messages d'ouverture d'esprit et de découverte qui font du bien, Satoko & Nada se présente déjà comme une très belle oeuvre.

Enfin, côté édition, Akata nous livre une copie très soignée: le papier et l'impression sont de bonne facture, la traduction d'Anaïs Fourny est très claire en plus d'être ponctuée de quelques notes utiles et d'avoir bénéficié d'une relecture sensible d'Assia Belgacem, le lettrage effectué par Tom "spAde" Bertrand est propre, et la jaquette conçue par Matice Nazih reste fidèle à l'originale nippone.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction