Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 06 Décembre 2023

Après le joli Kurage au tout début du mois de septembre, les éditions Véga-Dupuis ont publié en octobre la deuxième oeuvre de leur nouvelle collection Alpha, collection visant à proposer des titres plus artistiques, dotés d'une patte bien personnelle et qui s’affranchissent des codes traditionnels du manga. Place ici, donc, à Samura, un manga en 6 chapitres pour un total d'un petit peu moins de 160 pages, que l'on doit à Oku dont c'est la toute première parution française, et qui est sorti au Japon en 2022 aux éditions Kadokawa.


L'histoire, assez simple sur le papier, nous invite tout simplement à suivre un samouraï qui essaie d'apprendre qui il est, mais aussi où il est et pourquoi il y est, puisqu'il s'avère bien vite qu'il erre dans un monde étonnant où il va multiplier les rencontres insolites, voire se frotter à quelques missions et autres dangers. A partir de là, pas besoin d'en dire beaucoup plus sur le scénario: ici, tout l'intérêt est de simplement suivre les errances de cet homme, et de profiter de chacune de ses pérégrinations en observant avant tout le travail visuel de l'auteur ainsi que l'atmosphère qu'il y insuffle.


En effet, c'est avant tout sur le plan graphique qu'Oku séduit, au fil d'un ouvrage qui apparaît vraiment à mi-chemin entre le manga et l'artbook, tant la part belle est laissée à des décors foisonnants, où les bâtisses, les ruelles et les bas-fonds du Japon traditionnel semblent teintés d'une aura mystique, ceux-ci nous donnant l'occasion de se perdre avec plaisir en même temps que le samouraï puisque l'artiste joue volontiers sur un certain flou voire parfois une certaine obscurité pour brouille quelque peu nos repères. A cela s'ajoutent toutes les rencontres faites par notre homme, des rencontres qui sont toutes fortement teintées des croyances traditionnelles nippones là aussi (daruma, dragon, jizô, "esprits" d'arbres...), et que l'on voit prendre vie avec une certaine fascination sous les designs élaborés de l'auteur.


Avec cette atmosphère de voyage un peu hors du temps, dans une contrée japonisante revisitée qui semble échapper à la réalité, où les créatures folkloriques prennent vie et où les décors traditionnels sont saupoudrés d'irréel, Samura nous invite tout compte fait dans un périple "à la Voyage de Chihiro", l'oeuvre de Hayao Miyazaki semblant être ici la comparaison la plus évidente. On nage quelque part entre la réalité et le rêve, au fil d'un récit très poétique et onirique, parfois teinté tout de même d'une part dramatique. Et ça marche d'autant mieux qu'Oku ajoute à son art de bons changements de couleurs dominantes selon les situations, quelques variations de style (par exemple, certains designs sont très denses tandis qu'un autre semble presque cartoonesque, et certaines planches ont un côté plus typé estampe) et un paquet d'angles de vue qui se veulent très ambitieux (entre autres, les pages 59 à 61 sont folles). En revanche, il faudra adhérer au côté un peu cryptique du récit, Oku laissant a priori volontairement une part de flou dans le déroulement des choses, si bien que la quête initiale du samouraï autour de son identité n'apparaît pas forcément très claire.


Comme beaucoup d'oeuvres très personnelles et artistiques de ce genre, Samura plaira ou non selon les goûts. Personnellement, je vous l'avoue, l'oeuvre m'a laissé de marbre dans son histoire, n'ayant eu aucune bribe d'attachement ou d'intérêt pour le moindre personnage, là où Kurage dans la même collection avait su me toucher. En revanche, il est indéniable que l'oeuvre est d'une richesse graphique ébouriffante, et qu'elle a de quoi captiver dans son onirisme visuel. Cela suffit largement à en faire une belle oeuvre d'art, qui mérite d'être testée, d'autant plus que l'édition proposée par Véga-Dupuis est impeccable: le grand format est idéal pour profiter au mieux de cette oeuvre proche de l'artbook, la couverture rigide et la reliure de qualité supérieure offre un bel aspect à l'objet, l'impression sur papier glacé est excellente en faisant bien honneur aux nuances de couleurs, le lettrage de Daphné Belt est propre, et la traduction de Satoko Fujimoto est tout à fait convaincante.



Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction