Sakamoto Days Vol.1 - Manga

Sakamoto Days Vol.1 : Critiques

Sakamoto Days

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 12 Avril 2022

Chronique 2 :

Il est aujourd'hui difficile de passer à côté des gros lancements éditoriaux, ces titres pour lesquels les maisons d'édition se dédient afin que leur démarrage dans nos librairies ne passent pas inaperçus. Bien souvent, ces événements dans le monde du manga ciblent les titres estampillés Shônen Jump, qu'ils soient prépubliés dans la revue papier ou sur le site Shônen Jump+. Des lancements comme Mashle ou Kaiju n°8 nous ont appris que ces préparations fonctionnent et que l'on aime le titre ou non au final, on en a forcément entendu parler, et sommes tentés de procéder au moins à leur découverte, ne serait-ce pour voir si ces engouements sont justifiés ou non à nos yeux, selon nos critères et affinités individuelles.
Sakamoto Days fait indéniablement partie de ces œuvres fraîchement amorcées dans nos contrées, et dont nous avons forcément entendu parler. Glénat n'a pas lésiné sur la communication, allant même jusqu'à ouvrir un pop-up store sous forme d'épicerie en zone parisienne. Alors, que vaut l'un des derniers né du Jump, manga dont la couverture ne paye pas de mine avec son héros opulent et moustachu ? Du côté de votre serviteur, le bilan est globalement positif.

Le récit est mené par Yûto Suzuki, mangaka qui a fait ses débuts en 2019 avec plusieurs histoires courtes sur la plateforme Shônen Jump+, avant de pouvoir lancer ce Sakamoto Days dans le Jump classique l'année suivante. Plus d'un an plus tard, la série se porte globalement bien. Six volumes ont été publiés au Japon, et l’œuvre reste dans les premières place de sa revue de prépublication. Quand on connaît le système de popularité de celle-ci, impitoyable, on peut se dire que le manga est maintenant bien installé, et semble parti pour faire son petit temps, quand bien même cette politique est suffisamment stricte pour ne pas permettre de réelle zone de confort, sauf si on s'appelle One Piece ou Hunter X Hunter.

Sakamoto Days, c'est l'histoire de Taro Sakamoto. Assassin de génie dans la vingtaine, son talent faisait trembler les gangs rivaux, et rien ne pouvait lui résister. Mais depuis quelques années, le tueur à gage s'est rangé, et pour cause : Il est tombé amoureux. Un amour réciproque, aussi Sakamoto a renoncé au meurtre, s'est marié, a eu un enfant, et tient aujourd'hui une petite épicerie avec son chaleureux foyer. Aussi, l'ex criminel a pris un peu d'embonpoint, mais n'a pourtant pas perdu son talent d'autrefois.
Un jour, Sakamoto est retrouvé par Shin, assassin télépathe et ancien collègue venu le ramener dans le monde du crime. Mais cet ami d'autrefois doit se rendre à l'évidence, son collègue ne redeviendra pas un tueur. Au contraire, il va déteindre sur Shin, bien déterminer à préserver la tranquillité de son camarade. Car malgré eux, ils pourraient se retrouver mêler à des affaires associées à la société de l'ombre...

La série de Yûto Suzuki joue avec un registre déjà connu, et qui semble profiter d'un regain de succès ces derniers temps : L'alliance entre le récit de gangster et le manga humoristique. Un cocktail loin d'être nouveau, un bon représentant du Jump ayant été Reborn!, et qu'on apprécie de nouveau aujourd'hui avec des mangas comme Mission Yozakura Family ou Spy X Family. Là où Sakamoto Days tire son épingle du jeu, d'emblée, c'est par son protagoniste qui n'a visiblement rien de charismatique. Taro Sakamoto est un tenancier d'épicerie presque muet, costaud, inexpressif par ses lunettes qui ne laissent pas voir à travers, et dont la moustache couplée aux cheveux grisonnant lui donnent bien vingt ans de plus. C'est à partir de ce protagoniste atypique que le mangaka vient construire un début d'intrigue particulièrement classique dans sa forme. Dans ce premier volume, différents personnages alliés sont introduits à travers des péripéties distinctes, plantant un monde du crime pour l'heure très ordinaire et qui ne se distingue pas forcément. L'univers n'est pas tant ce qui nous interpelle dans ces premiers chapitres, l'auteur misant davantage sur la particularité de son héros qui n'a en aucun cas perdu de son talent, ses interactions avec ses camarades, et la manière dont ceux-ci vont sortir de quelques mauvais pas en respectant le mot d'ordre de la maison Sakamoto : Ne faire aucune victime, au risque de froisser Aoi, épouse de notre ex assassin, impitoyable quand il s'agit de préserver la vie humaine.

Par cette recette assez simple, ce premier opus nous porte comme il se doit et fait office de divertissement équilibré, certes classique dans ce qu'il propose, mais qui garantie le divertissement en établissant un bon compromis entre l'aspect sérieux de ce monde du crime, et les singularités des personnages qui garantissent toujours une certaine dose de cocasserie. Là où Sakamoto Days aurait pu devenir lourd si le concept n'était pas bien entretenu, son auteur évite ces pièges pour aboutir à un résultat qui se tient, qui n'entrave jamais ses quelques tentatives de sérieux, et qui sait utiliser l'humour au bon moment.

Tout ce qu'il manquera au titre pour l'heure, c'est un semblant de fil rouge, la promesse d'une direction aussi minime soit-elle, afin que l’œuvre ait un chemin un suivre et ne tombe pas dans une éventuelle redondance. Mais parce que nous n'en sommes qu'aux débuts du titre, il est bien trop tôt pour juger sa capacité à se renouveler, d'autant plus que la fin du tome se veut un poil plus spectaculaire avec un Shin entrant en action de manière solitaire, afin de préserver la journée familiale de son mentor. L'éditeur ayant publié les deux premiers opus en simultanée, enchaîner sur la suite est un bon moyen de se faire une idée plus ample du titre. En tout cas, l'efficacité globale de ce premier opus donne l'envie de tenter la suite.

Côté édition, Glénat nous offre un format shônen dans ses standard : Papier souple et couverture brillante, quand Karine Rupp-Stanko nous propose une traduction inspirée qui sait retranscrire les diverses ambiances de ce début d’œuvre, tandis que le lettrage assuré par le studio Charon offre un bon confort de lecture.


Chronique 1 :

Riche en grosses sorties manga, ce début de mois avril voit débarquer ce qui s'annonce comme la grosse nouveauté de début 2022 des éditions Glénat, si ce n'est leur grosse nouveauté de l'année: Sakamoto Days, nouvelle comédie d'action phare du célèbre Weekly Shônen Jump de Shûeisha, magazine de manga le plus populaire du Japon, dont on ne présente plus les innombrables gros succès (Dragon Ball, City Hunter, One Piece, Naruto, Bleach, Death Note, My Hero Academia, Demon Slayer, Jujutsu Kaisen, etc, etc... la liste pourrait durer très longtemps).

Sakamoto Days est la toute première série longue de Yûto Suzuki, un jeune auteur qui a commencé sa carrière en 2019 chez Shûeisha avec différentes histoires courtes pour le Shônen Jump+ et le Shônen Jump GIGA. C'est, d'ailleurs, dans ce dernier magazine qu'il publie, le 26 décembre 2019, une histoire courte nommée "Sakamoto", qui, forte d'un certain succès, deviendra le chapitre 0 de Sakamoto Days. Quelques mois plus tard, plus précisément en novembre 2020, la série est lancée, et se poursuit toujours à l'heure actuelle. Concernant Yûto Suzuki, il est sorti diplômé de l'Université des Arts de Tokyo en Département de peinture japonaise, se dit notamment influencé par Dômu - Rêves d'enfants de Katsuhiro Otomo, et place Hunter x Hunter de Yoshihiro Togashi en tête de ses mangas favoris.

L'oeuvre nous immisce auprès de Taro Sakamoto, l'un des assassins les plus doués de sa génération. Effectuant toujours ses contrats avec discrétion, rigueur et précision, ce tueur froid et solitaire est autant craint par les malfrats de tout type qu'il suscite l'admiration de ses pairs. Mais ça, c'était avant, car voici 5 ans que Sakamoto a soudainement rangé les armes sans laisser de traces. La raison ? Eh bien, en faisant un jour ses courses dans une supérette, il a eu le coup de foudre pour la rayonnante vendeuse, Aoi, et a entrepris de l'épouser pour vivre heureux avec elle dans un quotidien simple. Aujourd'hui, Sakamoto a donc une épouse aimante, une petite fille adorable, une épicerie qu'il tient en toute simplicité, et... un petit paquet de kilos en trop, accumulés à force de profiter de son quotidien pépère. Et quand on lui file des "missions", ce ne sont plus des assassinats, mais plutôt tailler des branches, convaincre des gosses de manger leurs légumes, ce genre de choses dignes d'un gentil homme à tout faire. Mais ce quotidien est voué à être un peu chamboulé quand réapparaît devant lui Shin, jeune assassin qui fut autrefois son disciple, qui a pour particularité d'être télépathe, et qui n'a cessé de le rechercher. Par la force des choses, Sakamoto va devoir reprendre du service, mais son embonpoint ainsi que les règles imposées par sa charmante épouse ne risquent-ils pas d'être un handicap ?

On vous rassure tout de suite: la réponse est non, et le nouveau mode de vie de Sakamoto est même, évidemment, l'un des leitmotivs comiques de la série dès qu'il entre en conflit avec cet ancien statut d'assassin qu'il est, bien malgré lui, poussé à partiellement reprendre pour protéger son petit bonheur. C'est ainsi qu'entre la menace de ses anciens employeurs voulant l'éliminer pour trahison, la protection de son ancien disciple et de sa famille, le sauvetage d'une jeune adepte d'arts martiaux chinoise (Shao-Tan Lu, qui deviendra vite le troisième personnage central avec Sakamoto et Shin), ou encore un séjour au parc d'attractions pendant lequel lui et ses deux acolytes doivent déjouer les plans de différents assassins, notre héros bedonnant s'applique à passer à l'action à sa manière, en évitant toujours d'éveiller les soupçons sur son identité et de tuer ses adversaires (pour ne pas trahir les règles de sa précieuse Aoi). Et c'est en premier lieu là que l'humour de l'oeuvre bat son plein: en plus de jouer efficacement sur le décalage d'un Sakamoto restant efficace et badass à souhait malgré son embonpoint, Yût Suzuki s'amuse également, à quelques reprises, à forcer encore plus le trait dans cette improbable classe de son héros. Détourner une balle de pistolet en crachant un bonbon ? Arrêter un bus avec un panneau ? Contrer une attaque au couteau avec une pince ? Pas le moindre souci pour lui, le tout en n'étant jamais essoufflé. Mais les moments amusants peuvent aussi venir d'autres éléments, comme le côté justement toujours impassible de Sakamoto, ou la télépathie de Shin qui lui fait parfois avoir des visions flippantes (surtout quand Sakamoto le "tue en pensée").

Côté narratif et visuel, Suzuki démontre des choses assez prometteuses. Si ses designs restent pour l'instant un peu irréguliers dans les traits et n'ont pas une forte personnalité, ils n'en restent pas moins vifs et assez expressifs. Mais surtout, la patte graphique profite d'un travail de mise en scène toujours très fluide, avec même quelques découpages assez graphiques. Quant à la narration, claire, elle a notamment pour intérêt de passer par Shin plus que par Sakamoto, ce dernier restant très souvent mutique ou très peu bavard, ce qui accentue également la part d'humour décalé.

Reste alors, au bout de tout ça, la question de la longévité de l'oeuvre: Sakamoto Days étant une série à concept, tiendra-t-elle le coup sur la longueur ? Ce tome 1 se contentant de poser ledit concept et d'installer les principaux personnages sans sembler mettre en place un scénario un minimum poussé, on peut se demander si tout ça saura être renouvelé par la suite. Dès lors, le choix de Glénat de publier le tome 2 en même temps que le premier volume est intelligent, en étant peut-être voué à déjà nous donner une meilleure idée de la chose.

En attendant, ce premier opus fait plutôt bien son office dans l'ensemble: le déroulement n'offre rien d'original pour l'instant, mais l'exploitation du concept de base est suffisamment bonne pour faire sourire plus d'une fois. Le bedonnant et néanmoins charismatique et badass Sakamoto a quelque chose d'attachant, que l'on espère bien voir se renforcer par la suite.

Cette chronique ayant été écrite à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

14.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs