Ruridragon Vol.1 : Critiques Il paraît que je suis un dragon...

Ruri Dragon

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 10 Juillet 2025

Nous sommes en novembre 2024 lorsque les éditions Glénat Manga annoncent en grandes pompes l'acquisition de ce qui sera leur plus grosse nouveauté de cette année 2025: Ruridragon, une oeuvre qui est loin d'être passée inaperçue au Japon, quand bien même elle a connu quelques déboires dans sa parution.

Il s'agit de la première série de Masaoki Shindô, un mangaka qui a auparavant déjà signé quelques histoires courtes pour l'écurie Jump depuis ses débuts en 2016, qui a eu envie de devenir mangaka en lisant One Piece (comme beaucoup), et qui se dit également très influencé par le réalisateur Hideaki Anno. Le démarrage de l'oeuvre au Japon n'a pas été de tout repos: lancée dans le magazine Shônen Jump en juin 2022, elle fut mise en pause dès le mois suivant à cause des problèmes de santé de l'auteur, avant de reprendre en février 2024, puis de passer en avril 2024 sur la version numérique du magazine et sur le site Shônen Jump+. Pourtant, le bon accueil de la série ne s'est pas démenti, puisque chacun de ses trois premiers tomes s'est classé parmi les meilleures ventes du top hebdomadaire Oricon.

Forcément, Glénat Manga a tâché de beaucoup pousser le lancement de la série en France ces dernières semaines, en premier lieu en publiant le tome 1 pile pour Japan Expo début juillet, mais aussi en ayant proposé une expérience de lecture inédite autour de l'oeuvre entre le 25 mai et le 22 juin derniers. À cette occasion, les 34 premiers chapitres de la série, correspondant aux quatre premiers volumes, furent entièrement disponibles en français sur la plateforme Glénat Manga Max. En parallèle, le simultrad officiel a débuté sur MANGA Plus by Shueisha, permettant aux lecteurs de suivre la série en simultané avec la parution japonaise. Et pour accompagner ce "rush lecture", l'éditeur a aussi proposé un quiz spécial afin de tester les connaissances des lecteurs sur l’univers de Ruridragon, via dix questions à résoudre et plusieurs lots à gagner pour les meilleurs participants. Enfin, en cerise sur le gâteau, le premier tome bénéficie d'une sympathique édition collector avec une jaquette alternative absolument craquante, des premières pages en couleurs sur papier glacé dont une qui reprend l'illustration de la jaquette classique, un joli carnet regroupant un semainier, des post-it et un stylo, et un ex-libris affichant un dessin et un mot du mangaka pour le public français... et tout ça sans la moindre augmentation de prix par rapport à l'édition classique, s'il vous plaît ! Autant dire que, sur ce coup-là, l'éditeur régale vraiment, et nous met dans le meilleur état d'esprit possible pour profiter de cette tranche de vie haute en couleurs.

Cette tranche de vie, elle démarre d'emblée sur une scène insolite qui pose immédiatement tout le principe du scénario: alors que Ruri Aoki, lycéenne de 15 ans sans histoire et vivant avec sa mère, se brosse les dents un matin comme un autre, elle constate dans le miroir que, dans la nuit, deux cornes ont poussé sur sa tête. Loin d'en faire grand cas, mais se demandant quand même forcément ce qui lui arrive, elle les montre à sa mère qui ne joue pas l'étonnée non plus et qui, un peu plus tard, lui avouera une chose a priori impensable: elle tient ces cornes de son père, qui n'est autre qu'un dragon ! Ruri n'ayant jamais rencontré son papa qui vit visiblement au fin fond d'une forêt, le secret était bien gardé. Mais à présent, il reste à voir comment l'adolescente pourra gérer sa nouvelle situation de métisse humaine/dragon qui éclate au grand jour... d'autant plus que, en continuant de grandir, d'autres attributs draconiques (le crachat de feu en tête) qu'il faudra maîtriser risquent de s'éveiller en elle.

S'il est facile de voir en premier lieu, en les évolutions de Ruri contre lesquelles elle ne peut rien, une sorte de métaphore des changements ayant lieu à la puberté, Masaoki Shindo va en réalité plus loin que ça à travers une tonalité résolument légère et positive, et cela grâce à plusieurs choses, à commencer par ce qui a sûrement le plus charmé le lectorat japonais: une jeune héroïne on ne peut plus simple et qui reste elle-même malgré les changements s'opérant en elle, chose d'autant plus rare pour une série issue du Shônen Jump. Bien sûr, tout naturellement, Ruri devra composer avec plusieurs choses: les changements en elle qu'elle ne peut pas prévoir et qu'elle découvrira au fur et à mesure, la question du regard des autres alors qu'elle a jusqu'à présent toujours été plutôt discrète et vite mal à l'aise en groupe, les interrogations sur ses origines exactes et sur son père qu'elle n'a encore jamais vu... et pourtant, elle tâche de ne pas paniquer, de poursuivre son quotidien le plus naturellement possible, bien aidée par sa mère qui fait beaucoup d'efforts dans l'ombre pour préparer le terrain, par son amie de toujours Yuka, ou tout bonnement par l'accueil qu'on lui réserve généralement malgré sa situation nouvelle.

C'est sans doute dans ce dernier point que réside une autre grande force de ce début de série: l'acceptation de cette situation peu commune par les autres. Bien sûr, dans la rue, les passant sont étonnés de voir une adolescente avec des cornes, mais n'en font pas cas plus que ça. Et à l'école, malgré quelques réticences à la côtoyer comme c'est le cas de la dénommée Maeda, et même si l'unicité nouvelle de Ruri attire inévitablement les regards et la curiosité (on fait des hypothèses sur ce qu'elle est, on veut toucher ses cornes, on l'observe beaucoup plus qu'avant...), les gens ne changent pas fondamentalement de comportement envers elle, tout comme elle-même ne trahit pas sa personnalité. Mieux encore, c'est tout naturellement que la jeune fille pourra, dans ce contexte, révéler ses côtés les plus sociables, tout ceci dégageant des ondes très bonnes dans un parfum d'acceptation de la différence et, surtout, d'acceptation de soi.

Mêlant alors brillamment cette acceptation positive à la tranche de vie scolaire, à la vie en société et à un humour tantôt nonchalant tantôt pétillant, ce début de série peut en plus compter sur un dessin manuscrit parfaitement en adéquation avec l'ambiance voulue: tout en légèreté et en clarté, le dessin de Shindo ne vise aucune esbroufe, et propose des décors réalistes et simples pour mieux mettre en valeur les designs des personnages et leurs expressions faciales très expressives, en tête les bouilles souvent irrésistibles de notre chère Ruri. Mine de rien, au vu des tendances visuelles actuelles de l'écurie Jump, il y a beaucoup de fraîcheur dans le style de Shindo.

Il résulte de toutes ces qualités une série d'ores et déjà aussi rafraichissante que délicieuse, très contemporaine dans son propos et dans l'approche légère et ouverte de celui-ci, et portée par une héroïne dans le fond si proche de nous qu'elle en devient instantanément hyper attachante. Sur ce seul premier volume, Ruridragon s'impose comme la tranche de vie moderne et feel-good de l'été, et on ne peut que lui souhaiter que cette excellente impression perdure par la suite !

Enfin, en ce qui concerne l'édition française, on est dans les standards de Glénat Manga: le papier est fin mais suffisamment opaque, l'impression est d'une qualité tout à fait convaincante, le lettrage effectué par Aq est soigné, et la traduction assurée par Thibaut Desbief se veut claire et assez naturelle, en adéquation avec l'ambiance de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.75 20
Note de la rédaction