Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 27 Novembre 2013
Mako est une jeune femme un peu paumée qui, pour se donner l'impression de profiter au maximum de la vie, se complaît dans certains loisirs : la fête, la danse, la drague, et le sexe. Et quand ne s'adonne pas à ces loisirs, elle fuit la maison de son frère et de sa femme (avec lesquels elle vit depuis la mort de leurs parents) pour squatter chez ses amis gays, le travesti Envy ou le jeune Yui. Et c'est chez Envy qu'elle fait la connaissance d'un jeune auteur de romans. Ils se reconnaissent, car ils ont couché ensemble peu de temps avant dans les toilettes d'une boîte de nuit, et Mako n'en garde pas un très bon souvenir. Pourtant, elle va vite se sentir attiré par ce garçon, au point de rapidement entretenir avec lui une relation charnelle. Est-ce là une nouvelle tentative d'échapper artificiellement à la morosité de sa vie ? Pas si sûr, car son amant va la placer face à la vanité de la vie qu'elle mène, et la pousser à se réveiller.
De son côté Sayuri mène une vie qu'elle juge désespérément morne, quand bien même un jeune homme du nom de Niho vient lui proposer de sortir avec lui. Elle accepte, et entame avec lui une relation qu'elle trouve artificielle, peu passionnée, car si elle lui parle, lui se contente de l'écouter en souriant. Débarque alors le frère de Niho, radicalement différent de lui. Il n'a aucune attache précise, n'en fait qu'à sa tête, y compris en matière de sexe. Il semble insaisissable. Il attire totalement Sayuri. Elle trouve en lui le piment qu'elle a toujours voulu mettre dans sa vie, et entame avec lui un relation puissante et passionnée. Mais le jeu est dangereux, car ce nouvel amant, au-delà de l'adrénaline qu'il procure, reste hermétique et quelque part inaccessible. Au bout du compte, Sayuri devra faire un choix, et ce ne sera pas forcément celui auquel on s'attend au départ.
Après les shôjo tranches de vie old school de Masako Yoshi et la comédie déjantée d'Abenobashi, les éditions Black Box explorent une troisième voie : le josei, avec Rock, Money & Education, un recueil de deux nouvelles qui marque l'arrivée en France de la mangaka Noriko Nakayama. Et pour ce premier essai, l'éditeur nous offre deux portraits de femmes qui ont pour point commun une certaine difficulté à faire le point sur ce qu'elles veulent vraiment être, et qui se complaisent alors dans des loisirs qui apportent certes une certaine adrénaline et du plaisir, mais ne les font pas vraiment avancer. Pour l'une, il s'agit avant tout de la danse et du sexe avec les garçons qui veulent d'elle. Pour l'autre, il s'agit d'une fuite dans une relation extrêmement compliquée dans laquelle elle risque fort de se perdre. Dans les deux cas, il y a une incapacité à accepter le système, le moule, la normalité. Mais les deux filles ne sont pas des rebelles ou des pétasses pour autant. Elles se montreront parfois égoïstes et énervantes, mais simplement parce qu'elles ont le besoin d'être aimées et ne savent pas encore où est leur place. Elles profitent alors de la vie comme elles le peuvent avant de peut-être trouver l'endroit où elles doivent être. Au bout du voyage, les réponses qui les attendent ont le mérite de ne pas être tranchées. Ni toutes blanches ni toutes noires, elles poussent les deux jeunes femmes à s'interroger, à se remettre en cause, et à remettre en question leurs relations, qui peuvent être riches de nuances et apporter un bien-être parfois inattendu. Passion et normalité ne sont pas incompatibles.
Noriko Nakayama possède un style que l'on peut rapprocher d'auteures de josei telles qu'Erica Sakurazawa ou Kahori Onozucca. Son trait et son écriture se veulent très sensibles et un brin érotiques, ses personnages sont élancés, légèrement effilés par moments, et portés par des visages assez marqués. Le ton est un brin nonchalant, laisse le temps aux héroïnes de s'interroger et d'évoluer, mais se permet également quelques notes d'humour apportées notamment par les attachants Envy ou Yui, personnages récurrents des deux nouvelles.
Pour un premier coup d'essai dans le josei, Black Box a su trouver une oeuvre assez profonde et réaliste, qui sonne juste dans les interrogations et tourments animant les deux héroïnes. Du côté de l'édition, il y a toujours des marges parfois trop larges et quelques fautes de frappe, mais la traduction, le papier et l'impression sont tout à fait corrects.