Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 14 Janvier 2013

Après Initiation, Harugo Kashiwagi démontre à nouveau son intérêt pour les civilisations archaïques, ou la vie courante se mêle à des traditions d'un autre âge.
L'intrigue de Rivage prend place sur une île isolée au sud-est du Japon, au début du dixième siècle. Torago et sa sœur Tana jouent sur une barque au bord de l'océan, quand Kukuri, un jeune garçon du village, détache accidentellement la corde qui retenait la barque au rivage. Torago réussit à regagner la rive, mais pas Tana, et cette dernière est tenue responsable de la disparition de sa sœur : en effet , c'est elle qui avait insisté pour que les jeunes filles s'amusent sur la barque. Le véritable responsable, Kukuri, ne cherche pas à rétablir la vérité, par peur des représailles. Plusieurs années plus tard, Torago devient la femme du responsable de sa déchéance et tous deux vivent avec le poids de la disparition de Tana sur les épaules. Un jour, une jeune femme ressemblant à s'y méprendre à la disparue, s'échoue sur l'île et est trouvée par le couple. Il semblerait qu'elle soit trop jeune et trop civilisée pour être Tana, mais peu importe, pour Torago, elle sera désormais sa sœur. Seulement, l'apparition de la jeune femme sur l'île coïncide étrangement avec une multiplication de catastrophes naturelles sur l'île, et pour les villageois, la nouvelle arrivée (qui dit s'appeler Manamé) en est responsable.

À travers l'histoire de cette société matriarcale et à peine sédentarisée, l'auteure nous livre un portrait réaliste et cohérent des modes de vies, et surtout des travers de ce type de communauté.
Si le lecteur aura vite deviné que les catastrophes se développant sur l'île viennent en vérité d'un volcan dont l’éruption se fait de plus en plus proche, c'est beaucoup moins évident pour les habitants de l'île en question. Et comme souvent, les incompréhensions des hommes sont palliées par une croyance en des forces supérieures et invisibles. La chef de village entame alors un processus d'éradication de la « source du mal » à travers des sacrifices à la frontière du chamanique et du sacerdotal. Divers portraits sont ainsi brossés, du mouton peureux, prêt à tout pour assurer sa propre sécurité, à la rebelle qui, par amour, passera outre les traditions. Le personnage de Manamé notamment, bien que n'étant évidemment pas responsable de tel ou tel mouvement de plaques lithosphériques, apparaît tantôt fragile, tantôt mystérieuse et manipulatrice, et nul doute qu'elle s'avérera probablement être un danger pour ses « protecteurs », Torago et Kukuri, qui la cachent du reste du village. Si Torago semble prête à tout pour assurer la sécurité de sa sœur de substitution, Kuruki est présenté comme un personnage rongé par le doute, qui pourrait bien trahir une nouvelle fois sa bien aimée par peur des conséquences. Par ailleurs, une dimension relationnelle directement liée au sexe apparaît ici de manière tacite la plupart du temps, mettant en doute la présence de réels sentiments entre Torago et Kukuri.

Si le sujet est maîtrisé et les personnages fascinants, l'histoire en elle même est longiligne par moment, et les fans d'action pure seront à coup sûr déçus. La fin du volume promet toutefois une suite plus riche en rebondissement.

Les dessins, tout en ayant un style marqué, tendent vers un réalisme maîtrisé, mais assez peu efficaces pour ce qui est de transmettre une émotion. Le manga nous donne à voir quantité de poitrines nues et souvent opulentes, mais il n'est ici nullement question de fan service, c'est uniquement dans une optique de reproduction d'un mode de vie particulier. Les femmes ne sont d'ailleurs pas faites pour être attirantes, elles sont souvent très larges et musclées, aux traits durs et masculins, pour attester une nouvelle fois de la dureté des conditions de vie.

L'édition est assez bonne, malgré une traduction pas toujours fluide et un papier loin d'être de la meilleure facture.

Tant au niveau des personnages que de la valeur sociologique de l’œuvre, Rivage s'annonce d'or et déjà comme un manga intéressant et instructif, à condition d'apprécier le style. En revanche, il faut aimer, et à moins de s'y essayer, impossible de savoir si c'est votre came ou pas. Un premier volume prometteur pour une œuvre à part, dont on espère une suite encore meilleurs.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Luciole21
15 20
Note de la rédaction