Reflection Vol.1 - Actualité manga

Reflection Vol.1 : Critiques

Mizutamari ni Ukabu Shima

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 17 Avril 2024

Voici désormais un petit paquet d'années que Kei Sanbe s'est installé comme une valeur sûre dans le registre du thriller, en particulier depuis le grand succès de la série Erased, un succès tel que ses adaptations en anime, en série live et en film live sont toutes arrivées jusqu'en France. Ce sont particulièrement les éditions Ki-oon qui, depuis presque 15 ans déjà, croient beaucoup en cet auteur, en ayant successivement publié ses oeuvres L'Île de Hozuki en 2010, Le Berceau des Esprits entre 2011 et 2013, Erased de 2014 à 2017, et enfin Echoes entre 2019 et ce tout début d'année 2024. Et ce sont pourtant les éditions Pika qui, en ce mois d'avril, lancent l'une de ses oeuvres les plus récentes, Reflection, en ayant sans doute profité de leur partenariat privilégié avec les éditions Kôdansha pour se l'accaparer.

De son nom original "Mizutamari ni Ukabu Shima" (littéralement "L'île flottant dans une flaque d'eau"), Reflection est donc une courte série en 5 tomes, qui a été prépubliée au Japon entre 2019 et 2021 dans le magazine Evening de Kôdansha, parallèlement à Echoes que le mangaka proposa aux éditions Kadokawa entre 2017 et 2022.

L'histoire commence en mai 2019 dans le Japon contemporain, où Minato Myôjin, jeune garçon en dernière année de primaire, et son adorable petite soeur Nagisa connaissent une situation familiale un peu triste puisqu'ils sont élevés uniquement par leur mère, toutefois quand celle-ci est présente: souvent absente pendant des semaines, elle laisse ses deux enfants livrés à eux-mêmes, si bien que Minato est devenu rapidement assez mature pour pouvoir veiller comme il se doit sur sa chère frangine, qui constitue ce qu'il a de plus précieux au monde. Heureusement, tous deux peuvent aussi compter sur Futaba, une lycéenne du voisinage qui veille sur eux à sa manière, notamment en faisant régulièrement exprès de cuisiner un peu trop pour leur apporter à manger. Pourtant, dès que leur mère revient à la maison pour quelques jours, Minato et Nagisa sont aux anges, évidemment parce qu'ils l'aiment, mais aussi car dans ces moments-là elle se montre toujours infiniment gentille avec eux. Il devrait donc en être de même quand celle-ci revient la veille de l'anniversaire de Nagisa, qui plus est en emmenant ses deux enfants au parc d'attractions ! Mais ce qui devait être une superbe journée va bientôt virer au cauchemar, dès lors que Minato et Nagisa montent dans la grande roue. Du haut de celle-ci, Minato croit lire le mot "Adieu" sur les lèvres de sa mère restée en bas, avant qu'elle ne parte. Pire encore, l'impensable survient quand, après un violent orage, le jeune garçon se retrouve inexplicable dans une autre nacelle, dans le corps d'un homme adulte qui n'est pas le sien, et avec à ses côtés un cadavre de femme qui vient sans aucun doute d'être assassinée par ses soins ! Il comprend vite qu'un échange de corps a eu lieu. Ce qui signifie sûrement que, dans le même temps, la candide Nagisa, en pensant être toujours avec son grand frère, se promène désormais avec l'esprit d'un implacable meurtrier...

Voici bien longtemps que Kei Sanbe s'est trouvé une vraie recette à succès dans le domaine du thriller, en jouant dans ses séries sur deux sujets classiques avec toujours autant d'efficacité. L'un n'est autre que le focus sur des familles souvent difficiles, où les enfants sont mis à mal mais où ils cherchent à rester unis, ce qui est toujours naturellement très touchant. Quant à l'autre, il s'agit de l'exploitation d'une idée plus ancrée dans le fantastique: ici, après les voyages temporels dans Erased ou les visions connectées des jumeaux dans Echoes, c'est le sujet de l'échange de corps que le mangaka reprend, un sujet pas original pour un sou mais pouvant toujours être prenant dans le cadre d'un récit de ce type si le tout est bien exécuté, ce qui est pour l'instant le cas ici.

En effet, d'emblée, la situation nous ancre dans un certain suspense haletant dû à la situation de Minato, notre héros étant voué à devoir affronter bien des problèmes pour espérer sauver Nagisa qui ne se doute de rien et retrouver son corps d'origine. Dès le départ, il n'a pas le temps de tergiverser car il va devoir éviter de se faire pincer avec le cadavre de la femme dans la grande roue ! Mais il ne s'agit là que d'un premier souci, car même si sa situation familiale l'a rendu plus mature que la moyenne pour un enfant de son âge, il reste un gosse susceptible de faire certaines erreurs dans une situation aussi invraisemblable, et il risque d'autant plus d'être en danger qu'il découvre vite que l'homme dont il occupe le corps est bel et bien un redoutable tueur, recherché partout par la police suite à une récente affaire de vol avec homicides. Traqué par les forces de l'ordre, sur qui Minato pourra-t-il compter ?

La question se pose avec d'autant plus de force que Kei Sanbe, assez malin dans sa construction narrative et scénaristique, alterne entre le point de vue de Minato et celui de Kuromatsu, l'inquiétant criminel qui occupe le corps du jeune garçon. Et du côté du tueur aussi, il y a beaucoup de choses à retenir. Non seulement on cerne très vite qu'il est définitivement capable du pire, en ayant liquidé la femme de la roue avec sang-froid et sans le moindre scrupule, et en réfléchissant déjà à la façon dont il pourrait se débarrasser de l'innocente Nagisa. Mais en plus on voit à travers lui que l'affaire de vol avec homicide où il est impliqué a très mal tourné, si bien qu'entre les acolytes qui veulent se doubler les unes les autres pour récupérer le butin, et la société volée qui ne compte pas du tout rigoler pour se venger et pour récupérer son dû, Minato ne sait pas encore que la police ne sera pas forcément le pire danger dont il devra se méfier. Enfin, Kuromatsu doit aussi s'habituer à sa nouvelle condition: plongé dans le corps d'un enfant inconnu, il doit à la fois composer avec ce corps frêle ne lui permettant plus de tuer facilement des adultes, et veiller à ne pas éveiller les soupçons des personnes connaissant le mieux Minato (Nagisa et Futaba en tête) en essayant de vite cerner sa façon de parler, ses habitudes, ses connaissances... Pire encore, une autre idée vient déjà en tête du tueur: s'adapter à sa nouvelle situation pour se faire une nouvelle vie, ce qui lui demanderait simplement de se débarrasser du vrai Minato occupant son corps...

A l'arrivée, on peut dire qu'on a là un tome de mise en place très efficace et sachant rapidement entrer dans le vif du sujet en multipliant soigneusement les enjeux. Sur des bases somme toute très classiques, Kei Sanbe nous promet déjà un nouveau thriller tendu dont il a le secret, et cette tension ne devrait a priori jamais beaucoup retomber étant donné que l'oeuvre est courte. Affaire à suivre de très près, donc !

Côté édition française, la copie proposée par Pika est aussi classique que propre. A l'extérieur, peu d'esbroufe avec une jaquette reprenant fidèlement l'originale japonaise tout en se parant d'un logo-titre bien imaginé par Tom "spAde" Bertrand, le tout avec des effets de flou et de reflets et avec de fins éléments en vernis sélectif. Et à l'intérieur, le papier est souple et agréable malgré une très légère transparence par moments, le travail d'adaptation graphique par le Studio Charon est convaincant, et la traduction effectuée par Oriale Faulhaber est toujours bien dans le ton de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs