Ranpo Panorama - Actualité manga

Ranpo Panorama : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 31 Mai 2013

Dans le registre du manga alternatif, nombreux sont les auteurs originaux, dont l'inventivité et le talent naturel n'ont de cesse d'épater les lecteurs un minimum ouverts. Mais malgré de nombreux coups d'essai souvent percutants tentés en premier lieu par des éditeurs comme le Lezard Noir ou Imho, plus rares sont ceux qui accèdent réellement à une véritable reconnaissance dans notre pays. Des auteurs comme Usamaru Furuya ou Hideshi Hino semblent avoir trouvé leur public, mais l'exemple le plus fort reste probablement Suehiro Maruo, artiste aux multiples facettes, que le Lezard Noir est le premier à nous dévoiler, petit à petit, depuis déjà plusieurs années.

Toutefois, cette fois-ci, c'est un ouvrage sortant encore un peu plus des sentiers battus que nous offre l'éditeur : Ranpo Panorama, en apparence un simple artbook, en réalité bien plus que ça. Car il y a artbook et artbook. Des recueils d'illustrations souvent connues sur une oeuvre en particulier, et de véritables lvires d'art présentant les différentes facettes d'un auteur. Ranpo Panorama fait partie de la deuxième catégorie.

On sait Maruo fortement influencé, depuis son enfance, par les écrits de Ranpo Edogawa, figure phare de la littérature japonaise, autant connu pour avoir popularisé les romans de détectives que pour avoir ouvert la voie au genre eroguro. Comme son nom l'indique, Ranpo Panorama nous propose une plongée dans l'univers d'un Maruo influencé par le sieur Ranpo, mais pas que, car sur les trois parties que contient cet ouvrage de 120 pages, seules les deux premières insistent sur l'impact qu'a eu Ranpo Edogawa sur Suehiro Maruo.

En premier lieu, vous découvrirez le Nain qui Danse, une histoire courte de 26 pages, nous présentant les déboires d'un nain dans un cirque formidablement glauque. Tandis que l'on se régale en voyant le mangaka jouer sur 3 couleurs dominantes (le blanc et le noir bien sûr, mais aussi le rouge, dont les différentes nuances utilisées font ressortir des éléments bien précis), on retrouve immédiatement quelques thèmes chers à Ranpo Edogawa et encore plus à Suehiro Maruo : la symbolique d'un cirque malsain, dominé par des personnages inquiétants ou glauques, déviants psychologiquement ou physiquement. Le genre de cirque typique de Maruo, l'auteur nous en ayant offert une vision puissante dans la Jeune fille aux camélias, l'une des ses plus célèbres oeuvres, disponible en France aux éditions Imho.

Après cette mise en bouche fort appétissante, la deuxième partie propose de retrouver, sur une grosse trentaine de pages, diverses réalisations visuelles se présentant comme autant de témoins de l'influence d'Edogawa sur Maruo. Une influence non forcée : il ne faut pas y voir un hommage, Maruo étant arrivé tout naturellement vers ce style tant il a baigné dans l'univers d'Edogawa depuis son enfance, comme il l'avoue lui-même dans l'ouvrage. On retrouve ici diverses affiches, montages et illustrations, allant des références claires à Ranpo Edogawa (illustrations pour des pièces de théâtre inspirées des oeuvres du romancier, d'autres directement tirées des deux longues adaptations en manga que Maruo a faites des romans d'Edogawa, à savoir L'île Panorama et la Chenille, tous deux disponibles en France), à des références un peu moins marquées que le lecteur chevronné prendra plaisir à décortiquer.

Quant à la troisième et dernière partie, elle s'écarte de Ranpo Edogawa pour laisser place, là aussi, à des travaux picturaux de tous types : illustrations rendant hommage à tel auteur (Edgar Allan Poe...) ou telle oeuvre, travaux pour des pochettes de CDs, affiches, illustrations centrées sur des thèmes en particulier (le vampirisme, par exemple, dont l'auteur nous offre une vision très glauque)...

L'ouvrage regroupant autant des illustrations connues que des illlustrations pour des pochettes de CD, des affiches pour des pièces de théâtre ou même des pancartes publicitaires (pour le train-fantôme d'un parc d'attraction, par exemple), inutile de dire qu'on tient là une petite pépite d'images d'archives pour les fans de l'auteur, qui pourront même sans doute y découvrir des travaux qu'ils ne connaissaient pas.
Quant aux plus curieux, ceux ne connaissant pas encore l'auteur, ils pourront l'appréhender ici via une impressionnante variété de travaux, de tous types, qui sont autant d'exemples des multiples facettes de l'artiste. On va des classiques illustrations aux collages en passant par les montages, certains travaux bluffent de par leur réalisme extrême, d'autres grâce à la façon dont sont disposés les éléments, d'autres encore fascinent dans leur souci du détail et leur colorisation poussée, tandis que certaines marquent dans leur aspect plus épuré. C'est varié et brillant, tout simplement, maîtrisé quel que soit le matériau, et l'ouvrage mérite donc une bonne place dans les bibliothèques de tous les curieux, que ceux-ci connaissent Maruo ou non, car on tient là avant tout un véritable livre d'art. Toutefois, le livre reste destiné à un public averti, car Maruo n'hésite pas à aller loin, pouvant offrir des choses très propres avant de partir, quelques pages plus loin, dans du gore grotesque et dans la mise en scène de comportements plus que déviants.

Du côté de l'édition, cela vaut largement le prix de 29€. La préface et les petites biographies de Maruo et Edogawa permettent de (re)plonger rapidement dans ce qui fait l'univers des deux auteurs, tandis que les nombreuses légendes, présentes pour chacun des travaux, vont à l'essentiel, permettent de contextualiser facilement chaque travail. Le format plutôt grand permet d'apprécier au mieux les travaux, et la qualité d'impression sur papier glacé est exemplaire, tandis que la couverture en carton rigide et la reliure tissée érigent définitivement l'ouvrage comme un véritable livre d'art.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs