Proche Horizon : Critiques

Deuxième one shot signé Ayuko à paraitre en ce mois de septembre, Proche Horizon – After the tempest in late summer de son nom complet, est dans la droite lignée de Souvenirs de demain dans le sens où il nous propose plusieurs histoires courtes mais, à la différence de ce dernier, les quelques récits ici présents se révéleront tous être de petites claques, modèles de maitrise et d'originalité.

On aura donc droit à une courte histoire lançant le one shot avant de voir se succéder trois intrigues plus volumineuses. La première d'entre elle met en scène trois "amies" dont les relations se dégradent petit à petit tandis que chacune garde au fond d'elle des secrets qu'elle ne parvient pas à partager. La seconde se focalise sur une lycéenne retrouvant un ami d'enfance qu'elle avait perdu de vue depuis le lycée et dont la situation familiale se révèle être des plus compliquée. Et, enfin, la dernière nous invite à découvrir deux jeunes filles partageant un journal qu'elles mettent à jour de manière régulière jusqu'à ce que l'une d'entre elle commence à se détacher de ce duo des plus soudés.

Sur le papier, tout cela semble donc intéressant à suivre mais pas forcément des plus révolutionnaires pour autant. Et pourtant, Ayuko n'aura de cesse de nous surprendre dans la manière qu'elle a de traiter ses personnages et dans la façon avec laquelle elle mène ses récits qui, en plus d'être bien plus captivants qu'on aurait pu le penser au premier abord, bousculent complètement nos habitudes et évitent tous les clichés du genre. Ce n'est donc pas parce qu'on a trois lycéennes qui ne savent pas vraiment si elles s'apprécient ou se détestent qu'on va devoir se farcir des crêpages de chignons plombants dès la première page tournée ou qu'on va devoir composer avec une petite amourette mignonne tout plein entre deux jeunes gens qui ne se sont plus vus pendant quelques années, loin de là ! En fait, l'auteur a gardé ce qui faisait déjà la force de Souvenirs de demain tout en y ajoutant une dose de maturité supplémentaire et en gommant au passage les quelques défauts qui l'empêchait de convaincre le lecteur de manière absolue. On se retrouve du coup face à des histoires maitrisées de bout en bout au propos clair et à la narration gérée avec efficacité tout en mettant en scène des relations compliquées et des personnages au caractère travaillé, le tout de manière concise et complète. Une réussite totale donc ? Peut-être bien, oui. En tout cas, difficile de faire ressortir un quelconque point noir de l'ensemble qui, malgré la diversité des choses abordées, garde une remarquable constance au niveau de la qualité.

Et cette diversité va également se faire ressentir à travers le maelström d'émotions qu'Ayuko transmet au lecteur. De manière générale, ses créations dégagent une certaine mélancolie et il est difficile d'occulter leur côté triste voir sombre. En effet, les multiples protagonistes qui siègent dans son univers mènent rarement une vie parfaitement heureuse et doivent souvent composer avec des blessures qui peinent à se refermer. Cela dit, a côté de tout ça, on retrouve aussi certains passages plus légers, amusants, ou, a contrario, nettement plus violents. Bref, on se laisse entrainer sans trop savoir où on va mais en construisant rapidement une confiance aveugle en l'auteur pour nous mener à bon port. Il est quoi qu'il en soit intéressant de constater qu'il évite de tomber dans un gouffre sans fond de pessimisme tout comme il s'abstient de nous rabâcher des "tout est bien qui finit bien" à tout bout de champ. Il a trouvé une juste mesure qui l'impose du coup et déjà comme un grand.

Le tout est bien entendu mit en avant par le trait toujours aussi plaisant d'Ayuko et par son découpage qui, tout en restant discret, sert comme il se doit les développements qui sont faits. Son coup de crayon léger et précis donne, en outre, la possibilité à un très large public d'entrer dans son univers. Et son talent graphique sera d'ailleurs d'autant plus mis en avant grâce aux quelques pages couleurs qui introduisent de la meilleure des manières ce one shot.

Proche Horizon s'impose donc avec une classe étonnante mais diablement plaisante comme une excellente découverte shojo et confirme par ailleurs tout le bien que l'on pouvait penser d'Ayuko. Celle-ci, en sortant des sentiers battus et en cassant des codes usés jusqu'à la moelle, nous offre quelques chroniques racées de la vie compliquée de jeunes gens à la croisée des chemins. Remarquable et à mille lieues des sorties mièvres et sucrées à en crever qu'on nous sert à la pelle, on tient surement là ce qu'il se fait de mieux dans le genre à l'heure actuelle.