Prix du reste de ma vie (le) Vol.1 - Actualité manga

Prix du reste de ma vie (le) Vol.1 : Critiques

Jumyou wo Kaitotte Moratta. Ichinen ni Tsuki, Ichimanen de

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 21 Février 2020

Ce mois de février 2020 semble assez important pour les éditions Delcourt/Tonkam avec le lancement d'une toute nouvelle collection: Moonlight. Derrière ce nom un peu cliché se cache une collection dans laquelle l'éditeur compte proposer des oeuvres basées sur l'émotion : touchants, mélancoliques, oniriques, etc... On est bien d'accord que ça ne veut pas dire grand chose (par nature, toute oeuvre peut provoquer de l'émotion, non ?), mais bon, ça a été présenté comme ça. Mais il reste que cette nouvelle collection pique la curiosité car elle ne se limitera pas au manga et proposera aussi des romans/light novels. Ainsi, ce sont un roman et trois tomes 1 de mangas qui débarquent simultanément ce mois-ci, et toutes ces oeuvres ont pour point commun d'avoir pour auteur d'origine Sugaru Miaki, un jeune romancier qui s'est fait remarquer au japon à partir de 2013 avec son premier récit publié en version papier, le best seller Mikkakan no Kôfuku, paru en France l'année dernière dans la collection Young Novel des éditions Akata sous le titre Pour trois jours de bonheur j'ai vendu le reste de ma vie. Les quatre nouveautés en question sont donc le roman parasites Amoureux, son adaptation manga, le manga Derrière le ciel gris...et celui qui nous intéresse ici: Le prix du reste de ma vie, qui est précisément l'adaptation du roman Pour trois jours de bonheur j'ai vendu le reste de ma vie ! Cette version manga a été dessiné en 2016-2017 pour le compte du magazine numérique Shônen Jump+ des éditions Shûeisha par par Shôichi Taguchi. Ils 'agit de la première série publiée en France de ce mangaka peu prolifique, mais ayant tout de même déjà signé quelques titres (toujours assez courts) au Japon en une dizaine d'années de carrière.

Nous voici donc ici plongés dans le Japon contemporain, auprès d'un jeune adulte semblant désabusé par la vie. Enfant, Kusunoki se pensait, de par son intelligence et ses notes parfaites, supérieur aux autres, si bien qu'il avait toujours tendance à ne nouer aucun lien avec autrui. Sa seule amie, Himeno, était une voisine dont les parents se connaissaient, et se disputait constamment avec lui la première place de la classe. Elle avait exactement la même personnalité peu sociable que lui, et c'est ce qui les a toujours rapprochés finalement, à tel point qu'à l'âge de 10 ans ils se sont fait une promesse: si, dans dix ans, ils ont réussi dans la vie mais sont toujours seuls, ils se marieront ensemble. Les dix années sont désormais quasiment écoulées, Kusunoki n'a plus le moindre contact ni avec Himeno ni avec personne, il est désargenté, a tout lâché, et se contente de vivoter sans le moindre but, sans le moindre rêve, dans une société qui se fiche de son existence. Alors quand il va vendre des livres et CDs pour obtenir un peu d'argent et que les boutiquiers lui apprennent l'existence d'une étrange boutique rachetant la vie des gens, il décide d'aller y faire un tour. Sur place, après avoir été informé par une taciturne employée qu'il peut vendre son espérance de vie, son temps ou sa santé après estimation de sa valeur, il opte pour la première solution... pour apprendre que les estimations ne lui octroient que 30 années d'une existence misérable au bout de laquelle il mourra complètement oublié à l'âge de 50 ans, et que ces 30 ans sans intérêt ne valent qu'une bouchée de pain: 300 000 yens. Peu lui importe: il accepte de vendre sa vie, en ne gardant que trois mois. Au bout de ces trois mois, il mourra, mais est-ce si grave ? A-t-il encore quelque chose à espérer de cette existence où il n'a jamais pu se fondre dans la masse ? Ce qu'il ne sait pas encore, c'est à quel point ces trois mois risquent d'enfin le changer, en le poussant peu à peu à s'interroger au gré d'événements souvent bourrés de désillusions, le tout sous l'oeil noir de la fameuse employée de la boutique, Miyagi, devenue son observatrice chargée de la surveiller en permanence et de près pour qu'il ne commette rien de grave par désespoir...

Suivant très scrupuleusement l'histoire du roman d'origine jusque dans les textes, Taguchi se permet toutefois quelques légères libertés ne changeant concrètement rien. Par exemple, les événements du tout début ne sont pas exactement dans le même ordre (entre autres, le roman démarre sur le cours de morale de primaire, mais celui-ci arrive un peu plus tard dans le manga), et visuellement Miyagi a des cheveux plus longs que dans le roman (où ils lui arrivent aux épaules). Mais dans les faits, tout est là concernant le scénario, celui-ci démarrant assez bien en exposant efficacement les grandes lignes du concept ainsi que les premiers moments du reste de la vie de Kusunoki, entre l'écriture de la liste de ce qu'il veut faire avant de mourir, et les premiers pas de sa relation avec Miyagi, d'abord très froide, le jeune homme étant d'abord plutôt antipathique envers cette demoiselle s'incrustant jusque chez lui pour le surveiller, tandis que cette dernière reste très taciturne, neutre, voire franche et cinglante dans ses remarques... Et pourtant, à quelques brèves reprises, Kusunoki remarque comme une forme de tristesse en elle. Que cache-t-elle ? On le découvrira bien assez vite. Pour le reste, on découvre ici un Kusunoki dont on ressent bien l'aspect désabusé, le fait qui'l n'attend quasiment plus rien de la vie, hormis peut-être quelques relations encore possibles... pour mieux subir de plein fouet des désillusions, souvent logiques suite à son comportement passé où il n'avait jamais vraiment pris les autres en considération. Est-ce que ce sera pareil avec Himeno, qu'il souhaite revoir avant de mourir pour lui dire ce qu'il ressent ? Seule la suite le dira... sauf si vous avez déjà lu l'excellent roman, bien sûr.

Si cette adaptation manga est soignée, elle souffre toutefois d'une grosse limite: son introspection sur Kusunoki. A l'instar du roman, le manga est raconté entièrement à travers son personnage principal, mais le fait est que l'aspect introspectif du roman va vraiment beaucoup plus loin, beaucoup plus en profondeur dans le ressenti, les réflexions, les questionnements et l'évolution de Kusunoki, jusqu'à donner lieu à un vrai portrait très riche d'une jeunesse en perte de repères et à des thématiques assez fortes autour de l'existence, des rapports humains, du bonheur, le tout dans une atmosphère très douce-amère et mélancolique... Cette profondeur en Kusunoki, qu'elle montre le personnage de façon négative ou positive, est sans doute l'une des grandes qualités du roman. En manga, Taguchi ne peut évidemment pas se permettre d'être aussi bavard et explicite, et cela se ressent forcément: le manga a moins d'impact, moins d'ambiance (ou en tout cas, elle apparaît plus neutre et détachée)... L'essentiel est bien véhiculée, mais quiconque a lu le roman aura l'impression d'une version un peu "lissée".

Visuellement, c'est un peu impersonnel mais très propre. Taguchi s'appuie sur des photos pour offrir des décors bien présents, ses designs de personnages sont assez fins bien que parfois un peu inégaux dans leur anatomie, le découpage et la mise en scène sont aussi classiques qu'efficaces, et le travail sur les trames est généralement très bon afin d'apporter une consistance supplémentaire.

Beaucoup moins puissante et profonde que le roman d'origine, cette version manga reste toutefois suffisamment appliquée pour piquer à vif l'intérêt, le meilleur du récit restant clairement à venir.

Côté édition, on sent que Delcourt/Tonkam veut bien faire les choses pour cette collection Moonlight, avec un logo spécifique démarquant bien la collection du reste du catalogue de l'éditeur, et une jaquette dotée de jolis vernis sélectifs. A l'intérieur, le papier est d'honnête qualité en étant souple et sans transparence, l'impression est globalement bonne même si certaines pages souffrent d'un moirage, la traduction de Julie Gerriet est très soignée, et le travail de lettrage du studio Charon est convaincant.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs