Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 01 Mars 2022
Au fil des années, Shintaro Kago s'est largement imposé comme l'un des grands maîtres actuels du manga underground, flirtant autant avec l'ero-guro qu'avec l'absurde plus prononcé, quitte à partir volontiers d'idées a priori grotesques et improbables pour en explorer à fond les possibilités dans des délires plus prononcés, et en travaillant toujours un style visuel fin, volontiers gore quand il le faut, et surtout bourré d'inventivité. La Princesse du château sans fin est véritablement concerné par cette dernière catégorie.
La Princesse du château sans fin, c'est le premier projet des éditions Huber sur Shintaro Kago, l'auteur ayant auparavant été quasi uniquement publié par IMHO dans notre pays. L'ouvrage est sorti il y a seulement quelques jours, en même temps que l'artbook de Kago chez le même éditeur, les deux ouvrages ayant d'ailleurs connu, plusieurs semaines auparavant, un financement participatif commun. Et ces deux publications ne seront pas les seules de l'auteur chez Huber, l'éditeur prévoyant déjà de futurs financements participatifs sur deux autres de ses travaux, à savoir Les 12 soeurs du château sans fin et Dementia 21. Le signe particulier de l'oeuvre dont il est question dans ces lignes: elle n'a pas été publiée initialement au Japon, mais a été conçue en 2019 par l'artiste pour le compte de l'éditeur italien Hollow Press, d'où le sens de lecture occidental qui est le sens de lecture d'origine.
L'oeuvre d'environ 190 pages prend place à un moment-clé de l'Histoire japonaise: le jour où, au sein de son château, Nobunaga Oda fut tué par Mitsuhide Akechi... mais était-ce bien là l'unique possibilité ? N'existe-t-il pas une alternative où c'est Oda qui a vaincu Akechi ? Chaque situation peut, ainsi, avoir potentiellement une voire plusieurs alternatives. Et à partir du moment où ces alternatives apparaissent, elles peuvent prendre forme, séparer le monde en deux, ou même en diviser les éléments en une multitude de possibilités différentes. C'est ainsi que le château d'Oda se sépare, se multiplie, se rallonge jusqu'à ne plus en voir le bout, au rythme des choix potentiels faits par celles et ceux qui l'occupent.
Essentiellement à travers le parcours dans le château de la Princesse Nô décidée à venger le meurtre de son époux Nobunaga dans l'une des alternatives, Kago va alors développer un récit à la narration assez ambitieuse, dans la mesure où elle va souvent jouer sur deux (voire plusieurs) plans parallèles à la fois, ceux-ci nous faisant suivre différentes versions de la réalité, avec des divisions plus prononcées au fil du récit. On ne va pas le cacher, ce choix rend la lecture parfois lourde, puisqu'il pousse l'auteur à répéter bien souvent des mêmes textes/dialogues selon les différentes alternatives du monde, mais l'expérience reste assurément intéressante. C'est toutefois quand le mangaka enrichit son concept avec plusieurs autres idées qu'il régale le plus en terme d'inventivité. Qu'arriverait-il aux personnes qui essaieraient d'aller d'un château à l'autre, donc d'une alternative à l'autre ? Que se passerait-il si, à force, deux voire plusieurs alternatives s'entrechoquaient ? Etc, etc... le tout donnant lieu à un festival toujours plus prononcé de délires visuels où même les personnages, selon leurs actes, finissent par se diviser partiellement.
On s'amuse alors facilement face à ce trip digne de Kago, un trip qui par différents aspects se rapproche plus du délire bourré d'imagination de La Grande Invasion Mongole (où là aussi l'auteur revoyait l'Histoire à sa sauce) que des oeuvres plus purement ero-guro de l'artiste (même si, ici aussi, on a notre lot de délires crus)... Mais malgré tout, La Princesse du château sans fin possède quelques grosses limites nous laissant sur une petite frustration. On a déjà évoqué la narration inévitablement lourde par moment du fait du parti pris de l'auteur, mais il faut aussi évoquer une conclusion qui, bien que fun et dans le ton de l'oeuvre, pourra paraître très rapide en plus de donner le sentiment que le délire aurait pu aller encore plus loin. Enfin, il est difficile de passer outre la présence d'un nombre trop récurrent de coquilles dans les textes (Mitsuhide qui devient à plusieurs reprises Matsuhide ou Mistuhide, quelques oublis de lettres) ainsi que des cases et bulles coupées en bord extérieur des pages, tout ceci sortant un peu de la lecture à force. Pourtant, le reste de l'édition est tout à fait honorable: la traduction est suffisamment claire, le lettrage est basique mais fluide, la présence de plusieurs astérisques historiques est tout à fait appréciable, le papier et l'impression sont d'honnête qualité, le très grand format est évidemment un gros atout pour profiter à fond des planches souvent dingues de Kago... Espérons donc que les quelques défauts évoqués seront évités pour les futures autres parutions de l'éditeur !
La Princesse du château sans fin, c'est le premier projet des éditions Huber sur Shintaro Kago, l'auteur ayant auparavant été quasi uniquement publié par IMHO dans notre pays. L'ouvrage est sorti il y a seulement quelques jours, en même temps que l'artbook de Kago chez le même éditeur, les deux ouvrages ayant d'ailleurs connu, plusieurs semaines auparavant, un financement participatif commun. Et ces deux publications ne seront pas les seules de l'auteur chez Huber, l'éditeur prévoyant déjà de futurs financements participatifs sur deux autres de ses travaux, à savoir Les 12 soeurs du château sans fin et Dementia 21. Le signe particulier de l'oeuvre dont il est question dans ces lignes: elle n'a pas été publiée initialement au Japon, mais a été conçue en 2019 par l'artiste pour le compte de l'éditeur italien Hollow Press, d'où le sens de lecture occidental qui est le sens de lecture d'origine.
L'oeuvre d'environ 190 pages prend place à un moment-clé de l'Histoire japonaise: le jour où, au sein de son château, Nobunaga Oda fut tué par Mitsuhide Akechi... mais était-ce bien là l'unique possibilité ? N'existe-t-il pas une alternative où c'est Oda qui a vaincu Akechi ? Chaque situation peut, ainsi, avoir potentiellement une voire plusieurs alternatives. Et à partir du moment où ces alternatives apparaissent, elles peuvent prendre forme, séparer le monde en deux, ou même en diviser les éléments en une multitude de possibilités différentes. C'est ainsi que le château d'Oda se sépare, se multiplie, se rallonge jusqu'à ne plus en voir le bout, au rythme des choix potentiels faits par celles et ceux qui l'occupent.
Essentiellement à travers le parcours dans le château de la Princesse Nô décidée à venger le meurtre de son époux Nobunaga dans l'une des alternatives, Kago va alors développer un récit à la narration assez ambitieuse, dans la mesure où elle va souvent jouer sur deux (voire plusieurs) plans parallèles à la fois, ceux-ci nous faisant suivre différentes versions de la réalité, avec des divisions plus prononcées au fil du récit. On ne va pas le cacher, ce choix rend la lecture parfois lourde, puisqu'il pousse l'auteur à répéter bien souvent des mêmes textes/dialogues selon les différentes alternatives du monde, mais l'expérience reste assurément intéressante. C'est toutefois quand le mangaka enrichit son concept avec plusieurs autres idées qu'il régale le plus en terme d'inventivité. Qu'arriverait-il aux personnes qui essaieraient d'aller d'un château à l'autre, donc d'une alternative à l'autre ? Que se passerait-il si, à force, deux voire plusieurs alternatives s'entrechoquaient ? Etc, etc... le tout donnant lieu à un festival toujours plus prononcé de délires visuels où même les personnages, selon leurs actes, finissent par se diviser partiellement.
On s'amuse alors facilement face à ce trip digne de Kago, un trip qui par différents aspects se rapproche plus du délire bourré d'imagination de La Grande Invasion Mongole (où là aussi l'auteur revoyait l'Histoire à sa sauce) que des oeuvres plus purement ero-guro de l'artiste (même si, ici aussi, on a notre lot de délires crus)... Mais malgré tout, La Princesse du château sans fin possède quelques grosses limites nous laissant sur une petite frustration. On a déjà évoqué la narration inévitablement lourde par moment du fait du parti pris de l'auteur, mais il faut aussi évoquer une conclusion qui, bien que fun et dans le ton de l'oeuvre, pourra paraître très rapide en plus de donner le sentiment que le délire aurait pu aller encore plus loin. Enfin, il est difficile de passer outre la présence d'un nombre trop récurrent de coquilles dans les textes (Mitsuhide qui devient à plusieurs reprises Matsuhide ou Mistuhide, quelques oublis de lettres) ainsi que des cases et bulles coupées en bord extérieur des pages, tout ceci sortant un peu de la lecture à force. Pourtant, le reste de l'édition est tout à fait honorable: la traduction est suffisamment claire, le lettrage est basique mais fluide, la présence de plusieurs astérisques historiques est tout à fait appréciable, le papier et l'impression sont d'honnête qualité, le très grand format est évidemment un gros atout pour profiter à fond des planches souvent dingues de Kago... Espérons donc que les quelques défauts évoqués seront évités pour les futures autres parutions de l'éditeur !