Pommes miracle (les) - Actualité manga

Pommes miracle (les) : Critiques

Kiseki no Ringo

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 19 Novembre 2014

Né en 1949, Akinori Mikami ne se destinait absolument pas à un avenir dans l'agriculture lorsqu'il était enfant. Bien plus intéressé par les expériences et par les découvertes que par les jouets, il montre dès sa jeunesse une envie d'expérimenter et de comprendre les choses, une soif de connaissance. Une fois adulte, il commence d'ailleurs par travailler en ville en tant qu'ingénieur, aimant réparer les choses, étudier les ordinateurs ou continuer de découvrir ce qu'il connaît mal. Jusqu'au jour où son grand frère, qui était censé reprendre l'affaire familiale, se désiste. Il est chargé de retourner en campagne reprendre les choses, puis est amené à se marier avec une gentille jeune femme issue de la famille d'agriculteurs Kimura. Devenu Akinori Kimura, il doit reprendre le verger de sa belle-famille. Nous sommes vers la fin des années 1970/ début 1980s, c'est l'époque du boom des pesticides et autres produits phytosanitaires, vus comme une petite révolution entièrement bénéfique. Les rendements ne cessent d'augmenter, y compris pour AKinori qui, comme tout le monde à cette époque, y voit d'abord une sorte de Graal.


Jusqu'à ce que sa vision des choses soit amenée à changer avec la maladie de son épouse, allergique aux pesticides. D'abord par amour pour elle, Akinori décide de chercher une autre solution que les pesticides. Mais cela se transforme rapidement en conviction, et en passion réveillant sa soif d'expérimenter. Il fera tout pour pour faire ce que tous pensaient impossible à l'heure des pesticides : cultiver des pommes bio, 100% naturelle, sans le moindre pesticide !


Après Moi, jardinier citadin, les éditions Akata poursuivent dans les récits écolos basés sur du vécu, avec Les Pommes Miracle, one-shot dont le personnage central, Akinori Kimura, existe réellement et a été le premier homme au monde à parvenir à cultiver des pommes totalement naturelles. Continuant encore aujourd'hui à semer sa bonne parole à travers le monde (notamment en formant des arboriculteurs à la culture sans pesticides), sa vie a été reprise en roman par Takuji Ishikawa, auteur spécialisé dans les documentaires. C'est sur ce roman que s'est basé le mangaka Tsutomu Fujikawa pour, à son tour, narrer l'exploit de longue haleine de Kimura.


Autant le dire d'emblée, Les Pommes miracle n'est pas le genre de manga que l'on lit dans un simple but de divertissement. La narration est on ne peut plus basique, de même que le ton général, le déroulement des choses qui va à l'essentiel, ou les dessins qui reste très simples, voire maladroits, par moments (les traits sont tellement simples qu'Akinori paraît souvent plus jeune que son âge). Ce qui importe ici, c'est bel et bien le propos, qui croque un portrait très plaisant d'Akinori Kimura, sans doute un peu idéalisé dans son insatiable soif de tout comprendre et tout expérimenté et dans son optimisme quasiment à toute épreuve, mais dont le parcours s'avère réellement bien retranscrit.


En effet, la simplicité de ton permet de raconter les choses avec une efficacité primaire bien adaptée à un fond qui passe avant le reste. Des années de recherche de Kimura pour cultiver des pommes bio, on retient une volonté quasiment sans faille et une abnégation qui poussèrent beaucoup de ses congénères à le prendre pour un fou. A une époque où les produits chimiques étaient vus comme indispensables voire salvateurs, nombre de personnes ne pouvaient ne serait-ce qu'imaginer s'en passer, ce qui serait revenu pour eux à une sorte de retour en arrière digne de "la préhistoire", comme le dit l'un des personnages à un moment. De ce fait, Kimura attirait les regards de coin, les médisances et les moqueries... d'autant que ses premières années de recherche ne l'aidèrent pas forcément. Réputée pour ses faiblesses, la pomme est un fruit attirant facilement insectes nuisibles et maladies dévastatrices comme l'alternaria, et notre arboriculteur idéaliste dut longtemps se confronter à ces problèmes en apparence insurmontables sans pesticides, au point de voir ses pommiers très affaiblis, de contracter des dettes et de tomber dans le désespoir... avant de découvrir la solution, qui existe bel et bien, et lui demandera plus que jamais de redoubler d'efforts.


Les Pommes miracle a le mérite de soulever des interrogations pertinentes. Si les pommiers sont devenus si faibles, n'est-ce pas en partie parce que les pesticides leur ont permis de se développer sans effort et ont ruiné leur résistance naturelle ? On peut d'ailleurs simplement se demander ce qu'il en était avant l'apparition des pesticides.


L'oeuvre a surtout le mérite d'aborder son sujet avec nuance, en nous donnant bien conscience de tous les sacrifices et les efforts qu'a dû faire Kimura pour parvenir à convaincre son entourage et à développer et imposer ses pommes 100% bio. Les choses sont loin d'être idéalisées, et on a ici, avant tout, un exemple que des alternatives sont possibles, mais qu'elles demandent forcément de nombreux efforts et des remises en cause (et pas seulement des arboriculteurs, mais aussi des autres acteurs de la production et des consommateurs, c'est aussi ce que nous dit le livre) pour revenir à une agriculture plus saine et moins axée sur l'enjeu mégalo du rendement. A nous de faire ces efforts, de prendre conscience des sacrifices à faire pour s'écarter d'un système intensif trop inamovible alors qu'il a largement montré ses limites.


L'édition française proposée par Akata est globalement de bonne facture, notamment en ce qui concerne les astérisques et la traduction limpide. Toutefois, à l'instar d'Orange, ce deuxième "format seinen" de l'éditeur souffre du même problème de transparence du papier.


Pour prolonger le sujet, il est possible de parcourir en français des ouvrages de Masanobu Fukuoka (chantre de l'agriculture naturelle, et "mentor" de Kimura évoqué dans le manga) et de lire en anglais le roman original, traduit par Yoko Ono sur son site imaginepeace.com : http://imaginepeace.com/miracleapples/


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs