Poids du Silence (Le) Vol.1 - Actualité manga

Poids du Silence (Le) Vol.1 : Critiques

Ane no shinyû, watashi no koibito

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 13 Octobre 2025

Très prolifique depuis son lancement, la collection Yuri des éditions Meian a accueilli, à la fin du mois de juin dernier, les deux premiers volumes de la série en quatre tomes Le Poids du Silence. Première publication française de Mei Fujimatsu (une autrice active dans son pays d'origine depuis 2017 dans différentes catégories éditoriales), cette oeuvre a été prépubliée au Japon dans le magazine Comic Dengeki Daioh G d'ASCII Mediaworks/Kadokawa, entre 2021 et 2023, sous le titre "Ane no shinyû, watashi no koibito" (ce qui peut être littéralement traduit par "La meilleure amie de ma sœur, mon amante".

Cette histoire commence en nous immisçant auprès de Sena, jeune femme qui, tout juste majeure, souffre du départ temporaire de sa grande soeur Yûna à l'étranger. La faute à des parents très négligents, elle a toujours été chouchoutée par cette soeur aînée gentille et bienveillante, à tel point qu'elle est devenue indispensable dans son quotidien et qu'elle s'est mise à nourrir pour elle des sentiments ambigus que, naturellement, elle n'a jamais pu révéler à qui que ce soit. Alors, déjà troublée par les sentiments complexes et tabous qu'elle ressent pour Yûna, Sena s'est mise à complètement se laisser aller depuis le départ de celle-ci. Et alors qu'elle aurait pu être heureuse quand sa grande soeur lui annonce au téléphone qu'elle va rentrer au Japon plus tôt que prévu, Sena déchante de plus belle lorsque celle-ci lui affirme qu'elle rentre pour se marier avec quelqu'un qu'elle a rencontré...

Prenant pour thème un sujet très tabou, expliquant que Sena ne peut absolument pas l'avouer, Mei Fujimatsu cristallise plutôt bien, au fil de ce premier tome, tout le mal-être qui peut résider en cette héroïne. Car bien qu'assez mutique et distante, Sena ressent forcément beaucoup de choses en son for intérieur: elle est triste face au fait que plus rien ne sera comme avant, a la nostalgie de l'époque où elle et sa soeur étaient encore rien qu'à deux, se laisse aller et a arrêté ses activités (l'écriture en tête) depuis que Yûna est partie, prend de la distance par rapport à elle... et dans le fond, naturellement et tristement, elle se dégoûte, a le sentiment de fuir et en même temps de ne pas pouvoir affronter ce qu'elle ressent car c'est un interdit.

C'est dans ce cadre délicat que, à ses côtés, il y a une troisième figure essentielle: Kiku. Ex petite amie de Yûna ensuite devenue la meilleure amie de celle-ci, elle vient quotidiennement rendre visite à Sena sur demande de sa grande soeur, pour veiller sur elle et ne pas la laisser seule. Au départ, Sena trouve Kiku largement plus étrange et embarrassante qu'autre chose, d'autant plus que jusque-là elle a toujours eu pour cette femme un sentiment de détestation: elle ne l'aime pas, estime qu'elle a détruit sa vie, qu'elle lui a autrefois volé Yûna... tout en lui ayant alors fait prendre conscience de ses sentiments tabous pour sa frangine. Et pourtant, Kiku est loin, très loin de s'occuper de Sena uniquement parce que Yûna le lui a demandé: voici un certain temps que celle-ci s'est éprise de Sena, mais encore faut-il désormais parvenir à faire ressentir sa sincérité à l'élue de son coeur qui semble tant la rejeter.

Si ce triangle amoureux pourrait sembler assez bizarre au premier abord, entre d'un côté la petite soeur amoureuse de sa grande soeur, et de l'autre côté l'ex de la grande soeur qui souhaite désormais sortir avec la petite soeur de celle-ci, le fait est que, en plus d'un travail convaincant sur les émotions contenues et contrastées de Sena, la mangaka soigne également assez bien la place que Kiku peut prendre à ses côtés: on découvre en la meilleure amie de Yûna une jeune femme sincère et qui, en même temps, ne veut rien brusquer et souhaite laisser les choses se faire naturellement, quand Sena le sentira, et si elle le sent un jour. Ayant elle-même un peu souffert de ses sentiments qu'elle n'osait pas avouer, Kiku veut montrer à Sena plein de choses pour la sortir de sa torpeur, souhaite la découvrir, apprendre à la connaître, mais aussi voir surtout la soutenir, l'accompagner, l'aider à aller de l'avant. Alors certes, certaines avancées qui ont déjà lieu dans ce premier opus pourraient paraître rapides, mais si ça peut permettre à Sena de repartir de l'avant sans s'enfoncer plus profondément dans ses douleurs, on a envie de dire pourquoi pas ?

En s'appuyant en prime sur un dessin assez doux et précis où les expressions contenues des héroïnes colle assez bien à leur état intérieur, l'autrice a, au final, à coeur d'aborder les choses avec suffisamment de nuances dans le ressenti et les appréhensions des protagonistes, et de bienveillance dans leurs relations qui, on l'espère, devrait à terme leur permettre de trouver le bonheur. On suivra assurément avec un certain intérêt la suite, la sortie du tome 2 en même temps que le 1er opus n'étant sans doute pas une mauvaise idée pour nous faire d'emblée une meilleure idée de la direction que va prendre cette histoire qui, dans tous les cas, démarre assez subtilement.

Du côté de l'édition française, rien de particulier à redire. A l'extérieur, la jaquette est fidèlement adaptée de l'originale japonaise jusque dans la typo du logo-titre, logo par ailleurs rehaussé d'un fin vernis sélectif. Et à l'intérieur, on trouve une première page en couleurs sur papier glacé, un papier assez épais et souple bien que très légèrement transparent par moments, une impression très convaincante, une traduction claire de la part de Mélissandre Gautier, et un lettrage propre de Florian Monnier.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs