Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 19 Janvier 2021
Chronique 2 :
Entre Tsukiko, superbe jeune fille totalement solitaire, froide et réputée inaccessible, et Aya, énergique et sociable adolescente vivant le plus simplement du monde sa passion pour la natation, un lien aussi difficile à cerner qu'étroit semble s'être construit petit à petit, quand bien même aucune des deux demoiselles ne parvient à poser exactement un mot dessus. Ce n'est pas de l'amour, ni de l'amitié. Simplement, toutes deux, sans le dire clairement, aiment visiblement passer du temps ensemble. A tel point qu'Aya a fini, dans les dernières pages du tome 1, par dire à Tsukiko qu'elle aimerait encore se rapprocher d'elle et devenir son amie. Et même si Tsukiko semble, encore et toujours, inatteignable, le cri du coeur d'Aya semble tout de même avoir résonné en elle... Tsukiko a beau garder ses distances, jusqu'où finira-t-elle par s'immerger dans le petit univers d'Aya ?
Après un premier opus particulièrement captivant dans ses tonalités et ses visuels, hors de question pour Goumoto de laisser retomber son concept si personnel: une nouvelle fois, la mangaka s'applique beaucoup à retranscrire la lente évolution de ses deux héroïnes et de leur relation, mais bien moins par les mots que par les visuels ; ces derniers agissant bien souvent, une nouvelle fois, comme des métaphores du ressenti intérieur des deux jeunes filles. Ce ressenti qu'elles peinent à exprimer par leur voix, sur lequel elles ne parviennent pas toujours à bien poser les mots, mais que l'on cerne alors bien plus à travers certains de leurs actes presque anodins et via les trouvailles graphiques de l'autrice.
Ainsi, même si les paroles soudaines d'Aya à la fin du tome 1 ont trouvé un certain écho qui doit ensuite se décanter en Tsukiko, les deux jeunes filles continuent de s'interroger, en véhiculant même parfois certaines choses. Ainsi, intérieurement, on voit voit une Aya qui se demande pourquoi elle a dit ça à Tsukiko, et qui a encore le sentiment que malgré son désir de rapprochement sa camarade reste inaccessible, un peu comme une fleur en haut d'une falaise, ou comme ces chauves-souris volant trop haut. Quant à Tsukiko, elle se questionne notamment sur l'utilité des amitiés, plus encore à une période comme l'adolescence, puisqu'un rien pourrait séparer les amies, comme un déménagement ou simplement la fin des années lycée. Et pourtant, au-delà des non-dits entre ces deux adolescentes qui ne connaissent toujours quasiment rien l'une de l'autre, le captivant lien perdure. Aya veut voir Tsukiko nager, et se surprend elle-même à avoir ce genre de pensée. Elle a envie de voir sa camarade rejoindre son monde... mais Tsukiko, elle, que fera-t-elle ? Sur cette dernière interrogation, les choix visuels de Goumoto brillent vraiment, surtout lors des moments à deux à la piscine. Car si le fait que Tsukiko finisse par tremper ses pieds dans l'eau comme un début d'immersion dans le monde d'Aya, ce qu'elle finit ensuite par faire, en sautant dans la piscine toute habillée, est sans doute encore plus riche en symbole. Sans oublier tout le reste de la poésie, de l'imagerie visuelle de l'autrice, ne serait-ce que l'impression de voir une sirène dans la piscine.
En somme, Goumoto brille encore dans sa manière de faire comprendre le lien d'Aya et Tsukiko par les dessins plus que par les mots, tandis que certaines pensées en elles ont des choses assez intéressantes à véhiculer sur l'adolescence... Mais sur ce dernier point, la mangaka est loin de se limiter à ses deux héroïnes puisque ce second opus élargit pas mal la palette de personnages, autour de certaines autres adolescentes, camarades de classe croisées par Aya et Tsukiko. Ainsi, dès le début du tome, on s'intéresse le temps d'un chapitre à Hanano, lycéenne enchaînant visiblement les petits copains, tandis que perdure depuis un long moment son désir de se rapprocher d'un jeune prof charismatique. L'occasion, entre autres, d'évoquer le regard adolescent sur les adultes, ou encore le désir de cette jeune fille de vivre sincèrement, selon ses désirs, car si la vie est courte, l'adolescence l'est encore plus. Mais il y a aussi, par la suite, le cas de Maihara, passionnée de théâtre qui s'interroge beaucoup, justement, sur sa passion. Elle aime le théâtre mais se dit qu'elle n'est pas douée et qu'elle aurait dû aimer autre chose, et se questionne sur la longévité de sa passion dans le futur. Elle se demande pourquoi elle aime ça, jusqu'à se dire que les choses sans justification sont fragiles et peuvent s'estomper soudainement... Vraiment ? C'est pourtant un peu le contraire pour Aya: c'est précisément parce qu'elle vit le plus simplement du monde, sans compétition ni quoi que ce soit d'autre, sa passion pour la natation qu'elle aime autant ça et ne s'en lasse pas. Et puis face à Maihara, il est aussi intéressant de noter le cas de Shinonome, centre de l'attention du club de théâtre, mais qui en a justement marre d'être mise en avant ainsi. Dans chaque cas, le propos est bref mais bien mené, et est porté par diverses autres petites imageries visuelles: fleurs, nuages...
En résulte un deuxième volume qui confirme tout le charme déjà vu dans le tome 1. Plongée dans la nuit est décidément une oeuvre à part, à la patte aussi personnelle que fascinante, et dont le principal défaut est sûrement de paraître très lentement. Ainsi, toujours pas de nouvelles, au Japon, du 3e opus, le tome 2 étant sorti dans son pays d'origine en juillet 2019, et la mangaka travaillant sur plusieurs projets à la fois. Mais au vu de la qualité de l'oeuvre, on attendra patiemment la suite.
Chronique 1 :
Aya et Tsukiko ont des caractères et des visions bien différents, mais se sont acceptées telles quelles, malgré leurs réticences respectives à s'ouvrir l'une à l'autre. Les deux lycéennes ne sont pourtant pas les seules à se questionner au quotidien, c'est aussi le cas de Hanano, lassée des garçons de son âge et qui s'imagine une relation pourtant impossible avec son professeur. De son côté, Maihara rêve de davantage d'exposition sur la scène du théâtre. Elle s'entraîne secrètement dans un coin qui finit par être découvert par Aya...
Le premier volume de « Plongée dans la nuit » captivait par cette relation à la fois froide et onirique (dans sa représentation graphique) entre Aya et Tsukiko. Les planches finales de l'opus précédent laissaient entrevoir une ouverture entre les deux potentielles amies, ce qui ne manquait pas de créer quelques attentes pour la suite du récit. Celle-ci reprend le quotidien des deux lycéennes, mais ne se consacre pas exclusivement à elles. En effet, Goumoto élargit sa vision en s'intéressant à quelques cas précis en parallèle, comme Hanano dans le sixième chapitre, ou la réservée Maihara tout le long de ce second opus. Tant de cas différents qui permettent à l'autrice d'aborder la période de l'adolescence sous différents aspects, pour conférer à l’œuvre une vision assez riche. L'illusion d'un amour meilleur avec une personne plus âgée, les réflexions sur les rêves et l'épanouissement dans une passion, la réelle envie de s'ouvrir à autrui... Les messages sont de plus en plus nombreux au fil des pages, et tous sont traités dans une ambiance mélancolique, qui ne manque jamais de donner au récit une saveur particulière. On lit la série pour ses personnages, mais aussi pour les sensations qu'elle procure, et qui s'éloignent des émotions véhiculées dans une comédie scolaire plus classique.
Bien entendu, l'évolution des rapport entre les deux héroïnes constitue aussi un point fort de ce second tome de « Plongée dans la nuit ». La force de ce grand développement, c'est que Goumoto se révèle subtile pour montrer cette progression humaine. A première vue, Aya et Tsukiko semblent distantes au point de ne pas réellement se considérer comme des amies. Il faut alors se référer à l'imagerie visuelle du récit, l'entrée progressive de Tsukiko dans l'eau par exemple, ainsi que les questionnements et préoccupations des deux adolescentes pour comprendre les personnages. La lecture capte alors par son esthétique comme les introspections récurrentes des deux demoiselles qui montrent davantage de complexité au fil des chapitres. En surface, la relation entre elles semble toujours froide, mais elle se révèle bien plus humaine que ça quand on prète attention à ce que la mangaka cherche à véhiculer les concernant. Et par cette dimension des rapports humains toujours aussi plaisante et en adéquation avec le ton de l’œuvre, la lecture continue de nous capter. En attendant la suite, on se questionnera sur la possibilité d'une relation encore plus sincère, et même d'une possible romance.
Et pour avoir ces quelques réponses, il faudra s'armer d'une certaine patience. Goumoto va à son rythme dans la parution de son œuvre, ce qui permet aussi la finesse visuelle de l’œuvre. Ainsi, ce deuxième tome a été publié au Japon le 16 juillet 2019 au Japon, mais le troisième n'est pas encore daté à l'heure où ces lignes sont écrites. Qu'à cela ne tienne, les deux premiers opus s'étant montrés captivants, la suite sera attendue avec l'intérêt qu'il se doit !
Entre Tsukiko, superbe jeune fille totalement solitaire, froide et réputée inaccessible, et Aya, énergique et sociable adolescente vivant le plus simplement du monde sa passion pour la natation, un lien aussi difficile à cerner qu'étroit semble s'être construit petit à petit, quand bien même aucune des deux demoiselles ne parvient à poser exactement un mot dessus. Ce n'est pas de l'amour, ni de l'amitié. Simplement, toutes deux, sans le dire clairement, aiment visiblement passer du temps ensemble. A tel point qu'Aya a fini, dans les dernières pages du tome 1, par dire à Tsukiko qu'elle aimerait encore se rapprocher d'elle et devenir son amie. Et même si Tsukiko semble, encore et toujours, inatteignable, le cri du coeur d'Aya semble tout de même avoir résonné en elle... Tsukiko a beau garder ses distances, jusqu'où finira-t-elle par s'immerger dans le petit univers d'Aya ?
Après un premier opus particulièrement captivant dans ses tonalités et ses visuels, hors de question pour Goumoto de laisser retomber son concept si personnel: une nouvelle fois, la mangaka s'applique beaucoup à retranscrire la lente évolution de ses deux héroïnes et de leur relation, mais bien moins par les mots que par les visuels ; ces derniers agissant bien souvent, une nouvelle fois, comme des métaphores du ressenti intérieur des deux jeunes filles. Ce ressenti qu'elles peinent à exprimer par leur voix, sur lequel elles ne parviennent pas toujours à bien poser les mots, mais que l'on cerne alors bien plus à travers certains de leurs actes presque anodins et via les trouvailles graphiques de l'autrice.
Ainsi, même si les paroles soudaines d'Aya à la fin du tome 1 ont trouvé un certain écho qui doit ensuite se décanter en Tsukiko, les deux jeunes filles continuent de s'interroger, en véhiculant même parfois certaines choses. Ainsi, intérieurement, on voit voit une Aya qui se demande pourquoi elle a dit ça à Tsukiko, et qui a encore le sentiment que malgré son désir de rapprochement sa camarade reste inaccessible, un peu comme une fleur en haut d'une falaise, ou comme ces chauves-souris volant trop haut. Quant à Tsukiko, elle se questionne notamment sur l'utilité des amitiés, plus encore à une période comme l'adolescence, puisqu'un rien pourrait séparer les amies, comme un déménagement ou simplement la fin des années lycée. Et pourtant, au-delà des non-dits entre ces deux adolescentes qui ne connaissent toujours quasiment rien l'une de l'autre, le captivant lien perdure. Aya veut voir Tsukiko nager, et se surprend elle-même à avoir ce genre de pensée. Elle a envie de voir sa camarade rejoindre son monde... mais Tsukiko, elle, que fera-t-elle ? Sur cette dernière interrogation, les choix visuels de Goumoto brillent vraiment, surtout lors des moments à deux à la piscine. Car si le fait que Tsukiko finisse par tremper ses pieds dans l'eau comme un début d'immersion dans le monde d'Aya, ce qu'elle finit ensuite par faire, en sautant dans la piscine toute habillée, est sans doute encore plus riche en symbole. Sans oublier tout le reste de la poésie, de l'imagerie visuelle de l'autrice, ne serait-ce que l'impression de voir une sirène dans la piscine.
En somme, Goumoto brille encore dans sa manière de faire comprendre le lien d'Aya et Tsukiko par les dessins plus que par les mots, tandis que certaines pensées en elles ont des choses assez intéressantes à véhiculer sur l'adolescence... Mais sur ce dernier point, la mangaka est loin de se limiter à ses deux héroïnes puisque ce second opus élargit pas mal la palette de personnages, autour de certaines autres adolescentes, camarades de classe croisées par Aya et Tsukiko. Ainsi, dès le début du tome, on s'intéresse le temps d'un chapitre à Hanano, lycéenne enchaînant visiblement les petits copains, tandis que perdure depuis un long moment son désir de se rapprocher d'un jeune prof charismatique. L'occasion, entre autres, d'évoquer le regard adolescent sur les adultes, ou encore le désir de cette jeune fille de vivre sincèrement, selon ses désirs, car si la vie est courte, l'adolescence l'est encore plus. Mais il y a aussi, par la suite, le cas de Maihara, passionnée de théâtre qui s'interroge beaucoup, justement, sur sa passion. Elle aime le théâtre mais se dit qu'elle n'est pas douée et qu'elle aurait dû aimer autre chose, et se questionne sur la longévité de sa passion dans le futur. Elle se demande pourquoi elle aime ça, jusqu'à se dire que les choses sans justification sont fragiles et peuvent s'estomper soudainement... Vraiment ? C'est pourtant un peu le contraire pour Aya: c'est précisément parce qu'elle vit le plus simplement du monde, sans compétition ni quoi que ce soit d'autre, sa passion pour la natation qu'elle aime autant ça et ne s'en lasse pas. Et puis face à Maihara, il est aussi intéressant de noter le cas de Shinonome, centre de l'attention du club de théâtre, mais qui en a justement marre d'être mise en avant ainsi. Dans chaque cas, le propos est bref mais bien mené, et est porté par diverses autres petites imageries visuelles: fleurs, nuages...
En résulte un deuxième volume qui confirme tout le charme déjà vu dans le tome 1. Plongée dans la nuit est décidément une oeuvre à part, à la patte aussi personnelle que fascinante, et dont le principal défaut est sûrement de paraître très lentement. Ainsi, toujours pas de nouvelles, au Japon, du 3e opus, le tome 2 étant sorti dans son pays d'origine en juillet 2019, et la mangaka travaillant sur plusieurs projets à la fois. Mais au vu de la qualité de l'oeuvre, on attendra patiemment la suite.
Chronique 1 :
Aya et Tsukiko ont des caractères et des visions bien différents, mais se sont acceptées telles quelles, malgré leurs réticences respectives à s'ouvrir l'une à l'autre. Les deux lycéennes ne sont pourtant pas les seules à se questionner au quotidien, c'est aussi le cas de Hanano, lassée des garçons de son âge et qui s'imagine une relation pourtant impossible avec son professeur. De son côté, Maihara rêve de davantage d'exposition sur la scène du théâtre. Elle s'entraîne secrètement dans un coin qui finit par être découvert par Aya...
Le premier volume de « Plongée dans la nuit » captivait par cette relation à la fois froide et onirique (dans sa représentation graphique) entre Aya et Tsukiko. Les planches finales de l'opus précédent laissaient entrevoir une ouverture entre les deux potentielles amies, ce qui ne manquait pas de créer quelques attentes pour la suite du récit. Celle-ci reprend le quotidien des deux lycéennes, mais ne se consacre pas exclusivement à elles. En effet, Goumoto élargit sa vision en s'intéressant à quelques cas précis en parallèle, comme Hanano dans le sixième chapitre, ou la réservée Maihara tout le long de ce second opus. Tant de cas différents qui permettent à l'autrice d'aborder la période de l'adolescence sous différents aspects, pour conférer à l’œuvre une vision assez riche. L'illusion d'un amour meilleur avec une personne plus âgée, les réflexions sur les rêves et l'épanouissement dans une passion, la réelle envie de s'ouvrir à autrui... Les messages sont de plus en plus nombreux au fil des pages, et tous sont traités dans une ambiance mélancolique, qui ne manque jamais de donner au récit une saveur particulière. On lit la série pour ses personnages, mais aussi pour les sensations qu'elle procure, et qui s'éloignent des émotions véhiculées dans une comédie scolaire plus classique.
Bien entendu, l'évolution des rapport entre les deux héroïnes constitue aussi un point fort de ce second tome de « Plongée dans la nuit ». La force de ce grand développement, c'est que Goumoto se révèle subtile pour montrer cette progression humaine. A première vue, Aya et Tsukiko semblent distantes au point de ne pas réellement se considérer comme des amies. Il faut alors se référer à l'imagerie visuelle du récit, l'entrée progressive de Tsukiko dans l'eau par exemple, ainsi que les questionnements et préoccupations des deux adolescentes pour comprendre les personnages. La lecture capte alors par son esthétique comme les introspections récurrentes des deux demoiselles qui montrent davantage de complexité au fil des chapitres. En surface, la relation entre elles semble toujours froide, mais elle se révèle bien plus humaine que ça quand on prète attention à ce que la mangaka cherche à véhiculer les concernant. Et par cette dimension des rapports humains toujours aussi plaisante et en adéquation avec le ton de l’œuvre, la lecture continue de nous capter. En attendant la suite, on se questionnera sur la possibilité d'une relation encore plus sincère, et même d'une possible romance.
Et pour avoir ces quelques réponses, il faudra s'armer d'une certaine patience. Goumoto va à son rythme dans la parution de son œuvre, ce qui permet aussi la finesse visuelle de l’œuvre. Ainsi, ce deuxième tome a été publié au Japon le 16 juillet 2019 au Japon, mais le troisième n'est pas encore daté à l'heure où ces lignes sont écrites. Qu'à cela ne tienne, les deux premiers opus s'étant montrés captivants, la suite sera attendue avec l'intérêt qu'il se doit !