Pline Vol.2 - Manga

Pline Vol.2 : Critiques Les rues de Rome

Plinius

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 27 Janvier 2017

Une nouvelle fois réclamé par Néron, Pline ne peut plus se soustraire à la demande de l'Empereur et repart pour Rome en compagnie de Félix et de son nouveau scribe Euclès. Ce dernier, une fois sur place, ne peut que jeter un oeil médusé de campagnard face à la grandeur de la capitale, le tout pendant que Pline part à la rencontre de Néron... avant de connaître quelques pépins de santé dus à son asthme.

Après la province, la campagne, la nature dans le premier volume, place dans ce deuxième tome à un contraste avec l'arrivée à Rome, une Rome que l'on prend beaucoup de plaisir à découvrir via des décors travaillés, et essentiellement à travers le regard d'Euclès. Pendant que le passage de Pline auprès de Néron permet d'entrevoir encore un peu plus le palais, on assiste avec intérêt aux déambulations du jeune scribe, et le tout offre une vision de la capitale et de ses moeurs riche et intéressante : le sénat, l'amphithéâtre, les insula (immeubles d'habitation qui se développaient énormément à l'époque), les pains de l'époque, la cetra... le lieu retenant toutefois le plus l'attention étant le trastevere, quartier réputé populaire et mal famé, regroupant lupanars, juifs et immigrés, pour une plongée réussie dans certains bas-fonds romains venant contraster avec le quotidien faste de Néron ou surtout de Poppée.

C'est pourtant bien dans ce quartier du trastevere que Mari Yamazaki et Tori Miki ont imaginé la demeure de Pline, sans doute pour observer au plus près observe la condition humaine parfois triste dans cette civilisation, lui qui préfère s'intéresser à la nature. Dès le début du tome, on adore, à travers l'oeil d'Euclès, observer ce que les deux mangakas ont imaginé pour la maison du naturaliste : un intérieur faussement désordonné et surtout méticuleux qui est un exemple de sa soif de connaître bouillonnante, un jardin bien fourni et laissé à l'abandon tel qu'il le maître l'a voulu afin qu'il forme un tout à la fois hétéroclite et homogène...
Autour de Pline, c'est aussi l'occasion de découvrir de nouveaux personnages. Artémios, scribe du maître depuis longtemps et qui est resté dans la demeure sans sortir depuis 4 ans de sa propre volonté. Ou surtout Silénos, médecin apparaissant un peu douteux, collectionnant les ingrédients étranges pour des médicaments, plus occupé à aller au lupanar, et permettant d'évoquer plusieurs choses sur Pline : son manque total de confiance envers les médecins pour des raisons précises, et son passé en Germanie.
Mais ce deuxième volume permet aussi d'approfondir quelque peu Félix, en qui l'on découvre un homme d'action bienvenu ainsi qu'un mari et père souvent absent, et Euclès lui-même, qui se prend peu à peu d'affection pour une prostituée bretonne muette qu'il aimerait sortir de sa condition, pour un résultat faisant un brin dans le romanesque.

L'autre personnage-phare de ce tome est toutefois, comme on pouvait s'y attendre, Néron. Empereur réputé tyrannique et mauvais, on en a bien cette image ici: il est un peu paranoïaque (il se sent constamment raillé dans son dos), réserve un sort précis à Sénèque, ne veut montrer aucune clémence, veut éliminer ceux qui le gênent...). Mais cette image qui s'est forgée au fil des siècles en oubliant le reste, Yamazaki et Miki cherchent à la renouveler, à la nuancer, en présentant un homme qui non seulement semble manipulé par sa future épouse Poppée, mais qui aussi présente un côté artiste qui aimerait se développer. On ressent en quelque sorte un homme un peu mal dans sa peau, dans son rôle d'Empereur. Peut-il mettre fin à sa paranoïa, à sa sensation que tout ce que fait son entourage est par calculs ou intérêts ? Pourrait-il trouver en Pline quelqu'un sans arrières-pensées, honnête et pouvant lui transmettre des choses ?

Dans nombre de ces éléments, on peut à nouveau constater certains parallèles faciles à faire entre cette civilisation romaine antique et le Japon de Yamazaki, voire bien sûr l'ensemble de notre époque. Inégalités (ne serait-ce que pour avoir accès à l'eau potable), statut des femmes ou des immigrés...

Constamment, les deux auteurs continuent de puiser leur inspiration dans l'Histoire Naturelle. En dehors des événements purement historiques demandant une documentation à respecter, le reste du récit puise sans cesse dans la vaste encyclopédie-phare de Pline, que ce soit dans les descriptions, les idées, les personnages... Plus d'un élément, plus d'un remède, plus d'un visage (comme la prostituée Plautina) sont issus des anecdotes et observations présentées par Pline dans son oeuvre, et ainsi on se régale de voir comment Yamazaki et Miki continuent de donner une réalité aux récits de l'Histoire Naturelle.

Visuellement, c'est toujours un régal. Les décors se veulent à la fois documentés pour leur architecture, et un peu plus libres dans leur disposition comme l'explique Miki dans une longue discussion-postface à nouveau passionnante. On adore la façon dont le style des deux auteurs se mêle au point de fusionner, les angles de vues variés, les utilisations du noir pour créer des ambiances et renforcer l'immersion et la sensation de profondeur, ainsi que de nombreuses petites trouvailles : le crapaud à plusieurs yeux dans le bocal, les quelques visions d'effroi comme le squelette dans la ruelle, les petits jeux de vue comme la scène où le miroir de Poppée reflète la silhouette... il y a ainsi pléthore de petites choses invitant le lecteur à bien observer les pages.

Pline confirme donc ses qualités avec ce deuxième tome, pour un récit à quatre mains résolument unique.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs