Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 19 Novembre 2025
En cet avant-dernier mois de l'année, les éditions nobi nobi! lancent en France une nouvelle série dans leur collection shôjo: Nos étoiles polaires. Prépubliée au Japon entre 2019 et 2021 dans le magazine Ribon des éditions Shûeisha sous le nom "Futari no Polaris", cette série en cinq volumes est la toute première publication française de Mizuka Yuzuhara, une autrice qui est active dans son pays d'origine depuis 2010 et qui a déjà à son actif quelques séries, toutes conçues pour le compte du Ribon.
Cette histoire nous plonge auprès de Hikari Amamiya, une adolescente en première année qui, pour éviter tout souci, a vite tâché d'inclure le groupe de filles populaires de sa classe. Au quotidien, elle fait genre qu'elle n'a aucun souci et que rien ne l'atteint, et reste cool tout en gardant juste la distance qu'il faut afin que ses copines ne deviennent pas contraignantes. Mais dans sa classe, il y a aussi Mizuki Suzumura, une jeune fille qui semble être tout son contraire: loin d'être populaire, celle-ci sert volontiers de boniche à certaines autres filles, et fait toutes les tâches ingrates à leur place sans sourciller, en attendant de leur part de la reconnaissance et une amitié qui ne viennent pas.
Quand Hikari la question là-dessus, et que Mizuki lui répond, tout sourire, qu'elle fait tout ça car elle en a envie, notre héroïne se sent agacée, en particulier pour une raison: elle a l'impression de se revoir quand elle était plus jeune, à l'époque où ses parents ont divorcé, où elle en a souffert mais où elle a dû prendre sur elle, et où elle tâchait de soutenir sa mère en se pensant unique alors que ce n'était peut-être pas le cas, sa maman s'étant mise à enchaîner les conquêtes auprès de différents hommes en attendant de trouver le bon... Et le bon, elle semble enfin avoir mis la main dessus ! Voici effectivement que la mère de Hikari avoue à sa fille qu'elle compte enfin se remarier avec son copain actuel, et quelle n'est pas la surprise de l'adolescente en découvrant que l'heureux élu est le père de la fameuse Mizuki ! Une déménagement plus tard, et voici que tout ce petit monde vit ensemble, avec tout ce que ça peut impliquer pour les deux nouvelles soeurs par alliance.
Au fil d'un premier tome joliment emballé par un dessin sans grande personnalité mais doux, rond, expressif et finalement assez typique du Ribon (ce qui fait qu'il devrait plaire sans le moindre souci à sa cible principale, à savoir les jeunes filles), Mizuka Yuzuhara offre une mise en place particulièrement attachante et facilement intéressante, dans la mesure où elle a à coeur de bien exploiter la nouvelle situation si particulière de Hikari et de Mizuki, deux jeunes filles qui semblent, au départ, avoir si peu de choses en commun. Et pourtant, tout en préférant cacher leur nouveau lien sororal à l'école pour l'instant, et en devant s'adapter à leur nouvelle vie sous le même toit et dans la même chambre, les deux adolescentes vont peu à peu se découvrir, ce qui passe beaucoup par Hikari puisque la mangaka raconte tout depuis son point de vue, pour un résultat très joli, tant il devient vite assez touchant de découvrir, à travers ses yeux, le personnage de Mizuki.
Car Mizuki aurait beau sembler parfois bien trop naïve, et paraître à côté de la plaque car elle réfléchit trop, le fait est que tous ses bons côtés transparaissent facilement, au fut et à mesure que Hikari apprend à la découvrir. Découvrant en Mizuki une fille loin d'être aussi maladroite qu'elle le pensait, Hikari prend petit à petit conscience qu'elle l'a mal jugée sur la base de trois fois rien, et que cette "nouvelle soeur" est en réalité, à sa manière, un véritable modèle de courage, peut-être bien plus qu'elle. Voir Mizuki faire tant d'efforts pour avoir des amies fait prendre conscience à Hikari que, de son côté, elle n'a jamais réellement cherché à s'impliquer dans ses amitiés, d'où ses relations certes sans problèmes mais plutôt factices. Mieux encore, en voyant Mizuki si reconnaissante et heureuse de voir quelqu'un avoir le cran de lui dire la vérité et se mettre en colère pour elle, Hikari ne peut qu'être frappée par la pure sincérité de cette fille et en ressortir elle-même grandie, avec une volonté naturelle de se mettre à soutenir celle-ci, comme le ferait une vraie soeur. Et ce désir, Hikari risque bien de le montrer dès ce premier tome face aux paroles blessantes du père de Mizuki qui, inconsciemment, sans méchanceté réelle, la rabaisse et ne l'aide pas du tout à gagner confiance en elle. Ou comment rappeler vite et bien tout l'impact que les mots peuvent avoir.
En somme, on sent très bien, déjà, à quel point ces deux jeunes filles, devenues soeurs du jour au lendemain, devraient joliment se tirer mutuellement vers l'avant et, comme le laisse penser le titre de la série, devenir leur bonne étoile respective malgré leurs différences initiales. On a donc facilement hâte de voir comment va évoluer cette histoire au très joli fond, d'autant que l'édition française se veut soignée pour bien porter l'oeuvre avec une très belle traduction d'Angélique Mariet, une adaptation graphique très propre de la part de Lucie Archambault, un papier souple et suffisamment opaque, une bonne qualité d'impression effectuée en France chez Dupliprint, une jaquette fidèle à l'originale japonaise, et un logo-titre bien pensé.
19/11/2025
21/01/2026