Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 29 Décembre 2014
La Shôgun Ieshige, tant critiquée et rabaissée, choisit de quitter ses fonctions et laisse sa place à sa fille, Ieharu, qui, pour régner, pourra s'appuyer sur l'esprit avisé et un peu révolutionnaire de dame Tanuma Okitsugu, qui devient conseillère. Dans la foulée, c'est une mission de prime importance que Ieshige lègue : accomplir le souhait non exaucé de sa mère Yoshimune vis-à-vis de la percée des étrangers dans le pays et de l'intérêt des savants pour ce qui vient hors du Japon, à commencer par la médecine hollandaise.
C'est dans cette optique qu'arrive au sein du pavillon un nouveau scribe, Gosaku (renomme Aonuma), métis nippo-hollandais, blond aux yeux bleus qui détonne autant dans son physique que dans ses enseignements, puisqu'il va devoir effectuer des recherches sur la variole du Tengû et donner des cours de médecine et de hollandais à ceux qui le souhaitent. Seulement, parviendra-t-il à intéresser les hommes du pavillon, et à éviter certaines jalousies ?
La fin du règne de Ieshige et l'arrivée au pouvoir de Ieharu s'accompagnent d'importants bouleversements. En tête, l'ascension incessante de Tanuma Okitsugu, femme avisée et ouverte sur tout ce qui est nouveau, si bien que, par l'intermédiaire d'Aonuma, elle amène réellement la médecine occidentale au sein du pavillon. Face à son ascension fulgurante au fil des générations de shogun, elle attire évidemment craintes et jalousies. Munetake, fille de Yoshimune qui n'a jamais supporté que le pouvoir soit donné à son incompétente de soeur Ieshige, cherche désormais à placer sur la route de la succession sa fille Sadanobu avant de s'éteindre, et pour cela il faut commencer par écarte Okitsugu. Mais Sadanobu n'est pas la seule à convoiter le pouvoir... Comme toujours, Fumi Yoshinaga excelle dans les intrigues de cour, dévoilant les jalousies, les rivalités et les complots, tout en n'oubliant pas de s'intéresser un peu au ressenti personnel de ses personnages, notamment la jeune Sadanobu qui, sous ses allures de jeune prétentieuse, cache surtout une admiration sans faille pour une grand-mère qu'elle n'a pas connue, et une volonté fermée d'entretenir le souhait de sa mère.
En parallèle de tout cela, c'est toutefois un autre aspect de l'oeuvre qui retient notre attention, avec l'arrivée d'Aonuma dans le pavillon. Fer de lance de l'ouverture sur l'extérieur d'Okitsugu, il amène dans ses bagages de nouvelle manière d'appréhender l'hygiène et la médecine. A la maladie, il répond par la prévention en faisant découvrir le savon aux hommes du pavillon. Face à la traditionnelle médecine chinoise, il présente la médecine hollandaise, notamment la chirurgie. Mais il lui faut désormais réussir à convaincre ses pairs de l'efficacité de ces nouvelles techniques, ce qui se fera peu à peu. La mangaka revisite à sa façon l'arrivée de la médecine occidentale au Japon, et c'est passionnant tant c'est bien narré, richement, mais sans lourdeur, et avec toujours ce qu'il faut de petits focus plus personnels, notamment au sujet du lien qu'Aonuma crée avec le dénommé Kuroki, ou de sa relation avec le mari de Ieharu lors de quelques pages tristes et touchantes.
Bien sûr, il y a aussi le personnage de Gennai qui prend de plus en plus d'importance, et les recherches sur la variole du Tengû qui avant peu à peu, surtout dans une fin de tome laissant supposer le début d'une solution... et de nouveaux problèmes dans les rivalités internes.
Bref, la lecture est toujours aussi fine et précise. Tout en faisant peu à peu disparaître la génération actuelle pour mettre la nouvelle en place autour de rivalités et jalousies persistantes, Fumi Yoshinaga continue d'aborder ses personnages avec talent et d'ouvrir de nettes évolutions qui se concrétisent petit à petit.