Panda Detective Agency Vol.1 - Actualité manga
Panda Detective Agency Vol.1 - Manga

Panda Detective Agency Vol.1 : Critiques

Panda Tanteisha

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 08 Juillet 2021

Inauguré fin mai, le tout jeune catalogue de Mangetsu, le nouveau label manga des éditions Bragelonne, se veut d'ores et déjà très prometteur. le label semble effectivement vouloir apporter des récits qualitatifs sur différents créneaux qui vont se développer petit à petit. Côté grosses licences longues à même de porter le catalogue naissant, Mangetsu peut déjà compter sur les débuts excellents de la fresque sportive (mais aussi humaine) Ao Ashi, ainsi que sur le récit d'action sur fond historique Chiruran. Sur un plan plus patrimonial, il y a de quoi se réjouir de voir le label s'accaparer sur la longueur le maître de l'angoisse et de l'étrange Junji Itô, autant avec des rééditions qu'avec des nouveautés à venir, pour un planning qui a été lancé cette semaine avec un bien joli pavé qu'est l'intégrale de Tomié. Mais à côté de ces mastodontes, Mangetsu compte également proposer des oeuvres sans doute plus confidentielles, plus courtes, également peut-être plus personnelles par certains aspects. On en a déjà eu un joli exemple début juin avec le très bon one-shot historique et artistique Le Mandala de Feu de Chie Shimomoto. Et en ce mois de juillet, c'est un autre auteur au style bien reconnaissable que le label nous propose de découvrir: Pump Sawae, mangaka plutôt discret mais officiant depuis désormais 5 ans environ. Et en attendant de découvrir en août son recueil d'histoires courtes Tout au bout du quartier, c'est par le biais du premier volume de la série Panda Detective Agency que se voilé sous nos yeux les talents de cet artiste.

De son nom original Panda Tanteisha (dont le titre en anglais de l'édition française est une traduction littérale), Panda Detective Agency est une série que Pump Sawae a entamée en 2018 au Japon aux éditions Leed, pour le compte du très bon magazine Torch, un magazine peu représenté en France mais qui nous a offert quelques excellents récits comme Comet Girl ou Quenotte et le monde fantastique (Casterman), ou encore Tokyo Blues (Le Lézard Noir).

Dans cette oeuvre, tout commence par la visite de Handa, un jeune homme a priori lambda, chez le médecin. A ses côtés dans la salle d'attente, un homme-loup, ayant un corps humain et une tête de canidé. Etonnant ? Eh bien, ce n'est pas forcément grand chose par rapport à la suite. Car dans ce Japon ressemblant en tous points au nôtre, il y a toutefois une donne qui change, à savoir l'existence d'une maladie incurable: la métamorphie, qui transforme petit à petit les humains en animaux ou en végétaux, et qui s'étend toujours plus dans le pays. Et si Handa est en visite chez le médecin, ce n'est pas pour rien: on vient de lui diagnostiquer l'étrange maladie, et il est alors condamné, petit à petit, à se transformer en... panda géant.

Un an plus tard, la transformation a déjà commencé, tout doucement: si Handa reste majoritairement humain et parfaitement conscient pour l'instant, il a désormais des oreilles d'ursidé sur la tête dans les cheveux, et autour des yeux de grandes tâches noire propres aux pandas. Pour ne pas se laisser dépérir, il a toutefois décidé de devenir l'assistant de Takebayashi, son aîné à la fac, qui a fondé une agence de détectives spécialisée dans les affaires liées à cette mystérieuse maladie.

Le schéma du volume est globalement assez simple. Au programme, cinq chapitres tournant tous autour de la quarantaine de pages, pour autant de missions que le duo principal a pour tâche de résoudre. Filer une jeune fille de 16 ans pickpocket qui a fugué, retrouver un serpent qui s'est échappé et qui était autrefois un humain avant que sa métamorphose ne soit complète, percer à jour le secret d'un nageur de génie, aider à capturer un ancien criminel qui est en train de se transformer en un cervidé censé avoir disparu depuis des millénaires, et protéger une pianiste surdouée de 11 ans qui a reçu des lettres de menaces.

Dit comme ça, les différentes affaires semblent assez simples, en répondant à des standards d'oeuvres de détectives. mais bien évidemment, tout l'intérêt se situe dans le rapport qu'ont ces affaires avec la fameuse métamorphie, et de ce côté-là Pump Sawae fait souvent des merveilles.

Tout d'abord, parce que chaque affaire permet d'en apprendre un petit peu plus sur les tenants et aboutissants de la maladie, les informations étant subtilement distillées. Ainsi apprend-on pas mal de choses: plus la maladie avance et plus la personnalité humaine s'efface pour laisser place à autre chose de plus animal, forcément els souvenirs de notre vie humaine risquent de totalement disparaître, l'instinct ou les sens propres à l'animal en lequel on se transforme peuvent vite prendre le dessus (par exemple, Naoko a un don pour cerner les mensonges en tant qu'oiseau, la nageur est hyper doué pour une raison précise...), il peut tout de même exister des cas particuliers où la maladie s'arrête avant d'avoir totalement accompli la métamorphose (comme pour le directeur du zoo), l'évolution de la maladie peut beaucoup fluctuer temporellement selon les patient, il existe une prime quand on a un malade à charge...

Autant d'éléments plutôt bien pensés, qui donnent même lieu à des petites idées supplémentaires vraiment chouettes (aaah, l'interprète humain-oiseau)... mais qui ne sont pas là par hasard puisque, généralement, ils permettent à Pump Sawae de se focaliser sur bien des choses concernant l'humain se cachant derrière le malade, les conséquences de la métamorphie sur les relations entre les malades et leur entourage, et plus généralement l'âme humaine voire ce qui fait de nous des humains. Dans cette optique, Pump Sawae offre des cas bien différents, que ce soit dans l'âge des malade (ça va de la petite fille de 11 ans mais diagnostiquée depuis ses 2 ans, à un retraité), mais surtout dans l'avancée de leur maladie. En effet, certains ne semble encore qu'au début (comme Handa), d'autres sont à un stade déjà avancé, d'autres encore comme le serpent sont déjà entièrement transformés... et chacun de ces cas à des choses différentes à véhiculer. On retiendra entre autres le cas de Naoko, déjà laissée en partie à l'abandon par sa mère qui s'est remariée et a fondé une autre famille, chose qui ne s'est aucunement arrangée depuis que sa maladie s'est déclarée... alors, cette métamorphie ne pourrait-elle pas devenir pour elle une libération, pour lui permettre de s'envoler ? Il y a aussi le cas de l'amitié mise à mal entre les deux nageurs, ou encore celui de la petite Hatsuho chez qui la maladie a un fort impact quand elle joue du piano... et dans tous les cas, nombres de thématiques sont omniprésentes en toile de fond: la peur face à l'oubli ou face à ce qui pourrait être vu comme une mort, la perte d'êtres chers sous leur forme humaine, la disparition de ce qui fait notre humanité...

Pump Sawae distille alors nombre de choses, et ne s'arrête pas là puisque, malgré tout, une forme de petit fil rouge se met quand même en place, bien que discrètement. Ca passe par certains personnages voués à être récurrents, mais aussi par les craintes de Handa vis-à-vis de sa future transformation et de sa place dans l'agence, ainsi que par ce que l'on finit par apprendre sur Takebayashi, son passé, ce qui l'a poussé à fonder son agence... sans oublier la toute dernière page.

Sur le plan visuel, Pump Sawae brille en offrant un rendu à la fois assez personnel et de toute beauté. Si certaines cases tendent à l'épure maîtrisée, d'autres jouissent au contraire de décors très soignés et réalistes. Sawae nous place la plupart du temps à hauteur d'homme pour mieux nous immiscer auprès de ses personnages. Les designs purement humains sont fins, précis et évitent l'accumulation de traits, tandis que ceux des malades permettent quelques designs plus hybrides ou totalement animaliers travaillés et crédibles. Et que dire du découpage et des angles choisis ? Ils participent énormément à l'immersion, savent dégager l'atmosphère ou la symbolique voulues sans le moindre mal, à l'image de la scène d'envol de Naoko ou du concert de Hatsuho.

Alors, comme espéré, Panda Detective Agency se présente comme une excellente trouvaille de plus pour Mangetsu. Dans un style visuel et narratif très séduisant et maîtrisé tout en étant assez personnel, Pump Sawae exploite avec intelligence et subtilité son sujet et ses réflexions, tout en offrant un divertissement enlevé. La seule tristesse dans tout ça: eh bien, qu'un seul tome soit paru au Japon... Voici effectivement deux ans et demi que l'oeuvre semble à l'arrêt au Japon, Pump Sawae semblant ne rien avoir fait d'autre depuis. On espère alors forcément que Panda Detective Agency fera un jour son retour avec au moins un deuxième volume. Mais concrètement, étant donné que le tome 1 propose surtout des histoires pouvant rester indépendantes, il n'y a pas forcément de quoi avoir d'énorme frustration.

Quant à l'édition française, on a droit à un très beau grand format, dans la lignée du Mandala de Feu. L'impression, effectuée chez l'imprimeur français Aubin sur un papier souple et agréable, est très bonne. La traduction de Léa Le Dimna est très claire, et le lettrage du studio Mameshiba est très soigné. Quant à la couverture conçue par Tom "spAde" Bertrand, elle est très propre, proche de l'originale japonaise, et dotée d'un logo-titre qui s'intègre bien et dont les couleurs blanc/noir font bien écho au panda.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs