Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 04 Mars 2025
En juin 2020, les éditions Hot Manga nous invitaient à découvrir en France le mangaka X Kabuki Shigeyuki avec Sokuiki, un ouvrage qui, malgré certaines maladresse narratives, séduisait facilement pour son rendu visuel et, surtout, pour la manière de l'auteur de jouer, par le prisme du surnaturel, sur des rapports de domination/soumission parfois assez extrêmes et où c'était largement les femmes qui prenaient l'ascendant. Voici cet auteur de retour chez le même éditeur depuis quelques mois, avec la publication en septembre 2024 de l'ouvrage d'environ 180 pages Okasu Hito - Coupable de Viol, qui a pour titre original "Okasuhito no Koto wo Hannin to Yobu", et qui est sorti au Japon en 2019 chez l'éditeur Ti-Net après une prépublication dans le magazine Comic Mugen Tensei.
Le livre se compose de deux histoires, dont la première ne dure qu'une grosse vingtaine de pages en nous fait simplement suivre la relation d'un étudiant effémine et soumis avec la star d'une école pour filles, pour un résultat sympathique mais bien trop bref. C'est donc le deuxième récit qui nous intéresse le plus puisque, sur cinq chapitres et plus de 150 pages, il voit l'auteur exploiter à nouveau des femmes sexy à souhait, très dominatrices et surtout très vénéneuses, toutefois en laissant de côté le surnaturel vu dans Sokuiki pour plutôt surfer sur le registre du thriller.
Tout commence quand le corps d'un jeune homme est retrouvé sans vie sur le bord d'une rivière, avec une petite tige de bambou dans l'urètre et une plus grosse tige dans l'anus, à proximité de Yamahimi, un petit village isolé de tout, à vrai-dire tellement isolé que les visiteurs y sont très rares et que le lieu, où aucun réseau ne passe, est quasiment coupé de tout depuis toujours. La légende veut que le meurtre ait été commis par Yamahime, un yôkai local se rassasiant des hommes après les avoir séduits. Mais deux ans après les faits, alors que l'enquête est au point mort, un jeune profiler du nom de Shirô Mariya est envoyé sur place par la police pour analyser les habitants et comprendre ce qu'est réellement ce village... mais il est à peine arrivé à Yamahimi que deux ravissantes soeurs étudiantes le prennent à partir dans l'arrêt de bus pour le violer, et ce n'est là que le début de ses malheurs !
Dès cette introduction à l'arrêt de bus, l'auteur donne bien le ton: il sera à nouveau question d'un héros plutôt mignon mais un peu chétif voire efféminé (d'autant que, chose rare dans les hentai, il a un tout petit pénis), qui ne pourra pas trop se rebeller face à une horde de femmes toutes plus avides les unes que les autres d'abuser de lui par différents moyens. Soyez donc prêts, car côté abus, comme dans Sokuiki, c'est plus souvent le monsieur qui se fera pénétrer, même si certaines scènes font aussi dans le schéma inverse, mais toujours dans des rapports où les femmes dominent totalement le jeu. A la fois dans les pratiques et dans les tenues très érotiques des personnages, le mangaka joue volontiers sur une imagerie SM efficace. Et dans ce contexte, le côté enquête policière/thriller amène une originalité supplémentaire.
Néanmoins, tous ces éléments ne suffisent pas forcément à faire d'Okasu Hito un excellent représentant de son genre, la faute à un souci déjà vu dans Sokuiki: une construction narrative souvent un peu maladroite. D'un côté, bien que la narration suivant deux axes (celui de Shirô, et celui d'un autre enquêteur hors-pair qui déduit/comprend tout très vite) soit une idée intéressante, son déroulement est parfois un peu anarchique et les avancées se révèlent finalement un brin simplistes. De l'autre côté, l'auteur multiplie si vite les héroïnes qu'il n'en fait finalement pas toujours grand chose, alors qu'à la base chacune d'elles a un charme qui lui est plutôt propre.
On se retrouve alors avec un ouvrage qui a ses limites mais qui, en même temps, possède un petit paquet de qualités à la fois dans ses dessins, dans son exploitation de rapports de domination/soumission un peu SM où les femmes dominent totalement, et dans son idée de narrer une enquête un peu sordide par le prisme de l'érotisme.
Et côté édition, Hot manga nous livre sa qualité habituelle avec une fort bonne qualité de papier et d'impression, quatre premières pages en couleurs sur papier glacé, une traduction très plaisante de Jean-Baptiste Bondis, une lettrage soigné de Florian Morala, et des onomatopées qui ont bien été sous-titrées. Qui plus est, Okasu Hito fait partie des quelques titres sortis l'été dernier qui voient Hot Manga opérer un changement pour les jaquettes: finies les bandes blanches sur le dos, pour un résultat soigné et assez esthétique.