Nos différences enlacées Vol.1 - Actualité manga
Nos différences enlacées Vol.1 - Manga

Nos différences enlacées Vol.1 : Critiques

Fusoroi no renri

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 13 Août 2021

Chronique 2 :

De l'isekai à la romance en passant par l'horreur, la comédie ou la tranche de vie, le catalogue des éditions Meian s'est, en quelques années d'existence, développé de manière plutôt diversifiée, et cela semble devoir continuer avec l'arrivée, au mois de juillet, du premier manga lesbien de l'éditeur.

De son nom original Fusoroi no Renri, Nos différences enlacées est une oeuvre signée Mikanuji, une mangaka également connue sous le nom Hatake wo Tagayasu Dake, et officiant exclusivement dans le yuri. Après quelques années à concevoir des doujinshi (sur Kantai Collection et The Idolm@ster, entre autres), elle fut repérée par les éditions Ichijinsha, et put ainsi sortir en 2016 sa toute première oeuvre professionnelle, le récit en un volume Now Loading!, prépublié dans le magazine Comic Yuri Hime. Les années suivantes, elle a eu l'occasion de participer à plusieurs anthologies collectives dans le domaine du yuri, tout en poursuivant ce qui reste à ce jour sa série-phare, à savoir celle dont il est question dans cette chronique.

Le parcours de Nos différences enlacées au Japon sort un petit peu de l'ordinaire. A l'origine, Mikanuji diffusait cette oeuvre en amatrice, sur son compte twitter personnel, depuis 2016, avant de se voir proposer par l'éditeur Kadokawa une édition en volumes brochés. Cette édition en volumes a démarré dans son pays d'origine en mars 2019, et elle se poursuit toujours à l'heure actuelle, avec un tome 5 prévu pour le mois de septembre.

Ce premier volume nous immisce essentiellement aux côtés de deux femmes que tout semblait opposer. Iori Tanaka, 28 ans, est une employée d'entreprise écrasée par le travail, entre l'épuisement et les remontrances d'un supérieur qui n'est même pas capable de retenir son nom. Et côté amour, ce n'est pas plus glorieux: ses relations ne durent jamais longtemps, car elle a un don pour attirer les hommes mariés. Alors pour noyer son chagrin, la jeune femme a un peu trop l'habitude d'aller se saoûler dans l'un de ses bars/restaurants favori. C'est là qu'un beau matin, elle se réveille après une soirée très arrosée, sans se souvenir de quoi que ce soit, dans le même lit que Minami Sendo, 18 ans, et serveuse au bar. C'est à peine si Iori se souvient de l'avoir taquinée et s'être épanchée le soir précédent avant de sombre ivre morte, si bien qu'elle se demande s'il s'est passé quelque chose entre elle et Minami. Après tout, Minami a dix ans de moins qu'elle, c'est une fille, et à la base elle lui faisait plutôt peur avec son allure (piercings, etc...) peu avenante. Et pourtant, Iori est rapidement amenée à découvrir les bons côtés de cette jeune fille qui a pris soin d'elle sans colère pendant sa nuit agitée, qui lui a préparé le petit déjeuner... Alors quand l'employée découvre la situation familiale exécrable de Minami, elle finit même, un peu par impulsion, par lui proposer de venir vivre chez elle. A partir de là, une relation forte allant bien plus loin que l'amitié va se forger entre ces deux femmes si différentes...

Sans doute est-ce-là un héritage de l'époque où l'autrice diffusait l'oeuvre sur twitter, mais Nos différences enlacée est un récit qui se divise en très courts chapitres de seulement 4 pages à chaque fois (sauf les deux premiers, un peu plus longs), pour un total de 27 chapitres (plus un bonus de 8 pages) dans ce premier opus. Une formule qui est notamment propice à une narration très portée sur la tranche de vie, avec la découverte d'un paquet de petits moments du nouveau quotidien vécu ensemble par Iori et Minami. Et de ce côté-là, Mikanuji séduit facilement en offrant des instants de vie tirant fort bien parti de ses deux héroïnes, que l'on se plaît à observer au jour le jour dans différentes petites situations souvent assez légère et mignonnes, mais aussi assez adultes puisque les deux jeunes femmes n'hésitent pas à vivre le désir sexuel qu'elles ressentent l'une pour l'autre. Ca parle donc assez régulièrement de sexe, mais le style visuel de l'autrice évite tout voyeurisme (on ne voit même quasiment jamais l'acte) pour plutôt mettre en avant la complicité qui se crée entre les deux héroïnes et le besoin qu'elles ont d'être ensemble.

Et ce besoin n'est pas anodin puisque, loin de n'être qu'une tranche de vie mignonnette, Nos différence enlacée entame déjà un approfondissement un peu plus poussé de ses personnages, qui n'ont clairement pas eu la vie facile par certains aspects. Employée écrasée par le travail (ce qui permet une petite critique du monde du travail nippon, plus encore pour une employée), Iori souffre également de son incapacité à vivre une relation durable avec un homme, dans la mesure où elle ne semble attirer que des hommes mariés pour qui ça ne la dérangeait pas d'être une simple sexfriend. Mais son bilan amoureux est alors lourd: ses ex n'étaient avec elle que pour son corps, elle n'a jamais été véritablement l'élue de quelqu'un... mais ça, c'était avant l'arrivée dans sa vie de Minami, la première personne qui semble rester avec elle simplement parce qu'elle en a envie. Quant à Minami, le passé que l'ondé couvre par intermittences chez elle est sans doute plus terrible encore, puisqu'elle a grandi sans jamais connaître l'amour ni savoir ce que c'était, entre des parents alcooliques qui la battaient toute petite, son arrivée dans un centre pour mineurs, et son absence de repaires affectifs qui l'ont visiblement poussée à commettre beaucoup de choses affreuses. Auprès de Iori, elle pourrait bien découvrir des sentiments qu'elle ignorait jusqu'à présent. Une chose est déjà sûre: les deux femmes représentent déjà beaucoup l'une pour l'autre, et me^me leur entourage le ressent, notamment les collègues d'Iori qui la trouvent plus accessible depuis quelque temps.

Enfin, notons que Nos différences enlacées ne devrait pas se limiter aux personnages d'Iori et de Minami: dès ce premier tome, la série a déjà de quoi devenir un récit plus choral potentiellement porté par différents duos/couples, comme en attestent deux personnages d'abord secondaires mais prenant peu à peu leur place au fil de certains chapitres qui leur sont dédiés: Shizuku, jeune fille a priori violente que Minami connaît depuis plusieurs années, et Saori, la petite soeur lycéenne d'Iori. Et les moments sur elles sont déjà l'occasion d'apporter des nuances supplémentaires, en particulier sur Shizuku: alors qu'elle pourrait d'abord sembler détestable pour la violence et pour le coté possessif qu'elle montre envers Minami, certaines réalités sur son passé vont vite venir nuancer un petit peu plus les choses.

Visuellement,on a affaire à quelque chose d'agréable. En utilisant des décors simples et un découpage classique, Mikanuji préfère mettre l'accent sur ses héroïnes, dont les traits un peu ronds et les assez grands yeux les rendent assez mignonnes et expressives. Qui plus est, chaque personnage jouit d'un design, d'une allure qui lui sont propres.

Ce premier volume se veut donc emballant: loin d'offrir une simple et gentillette petite tranche de vie, Mikanuji alterne à merveille les moments de complicité et de découverte de l'autre plutôt mignons (tout en restant assez adultes) et les éléments de développement plus sérieux voire difficiles, tout en mettant toujours en valeur la relation qui se crée entre ces deux héroïnes que tout semblait opposer et qui, pourtant, deviennent essentielles l'une pour l'autre.

Quant à l'édition française, elle est franchement plaisante, ne serait-ce que pour son grand format de 15x21cm à seulement 6,95€, un prix très correct, tout en ayant conscience que le tome ne comporte que 140 pages environ. A l'intérieur, on a droit à une première page en couleurs dotée d'une belle illustration d'Iori et Minami ensemble, à une qualité de papier et d'impression tout à fait satisfaisante, à un lettrage soignée de Cindy Bertet, et à une traduction très limpide de Jean-Baptiste Bondis qui n'a aucune difficulté à conserver l'aspect mature tout en jouant sur le caractère des personnages.


Chronique 1 :

Les éditions Meian sont touche à tout. Lancées via le manhwa puis par des titres d'action/guerriers tels que Kingdom, Baltzar, Jormungand ou encore Angolmois, la maison a su s'émanciper de ces registres pour intégrer à son catalogues diverses variétés. Tout récemment, la romance lesbienne que l'éditeur a choisi de traiter avec Nos différences enlacées.

Né de la main de Mikanuji, sous le titre Fusoroi no Renri, le manga est d'abord publié sous forme de strip via Twitter, avant de profiter d'une parution aux éditions Kadokawa Shoten. A ce jour, quatre opus ont été proposés au Japon. De notre côté, la sortie est estivale puisque Meian propose le premier tome en juillet 2021.

Iori Tanaka et Minami Sendô sont deux jeunes femmes que tout oppose. La première est une simple employée de bureau à l'allure typique, qui subit la tyrannie de son supérieur, tandis que la seconde est serveuse dans sa bar, tatouée et davantage libérée, de quelques années la cadettes d'Iori. Quand cette dernière finit une soirée éméchée, elle est ramenée chez elle par Minami. Mais qu'elle n'est pas sa surprise quand elle se réveille nue, à côté de la serveuse, elle aussi en tenue d'Eve ! La mémoire finit par revenir à Iori : Toutes deux ont fait l'amour. Mais loin d'être totalement agacée par la situation, la jeune salariée va commencer à éprouver une forte attirance pour Minami, sentiment qui sera réciproque. Faisant fi des différences, les deux jeunes femmes entament une relation tendre, chacune ne pouvant plus se passer de l'autre.

Dès ce premier tome, Mikanuji plante le ton de sa série : Nos différences enlacées, malgré sa situation initiale, n'est pas un titre qui portera frontalement sur les ébats charnels des deux héroïnes, mais bien sur leur relation pleine de tendresse qui ne s'accommode pas des codes sociétaux imposés. Le choix des deux protagonistes est dès lors plein de sens puisque Iori représente l'employée de bureau classique et Minami la demoiselle davantage décomplexée, largement tatouée (un gage de rébellion au Japon puisque les tatouages sont régulièrement attribués aux yakuzas) et qui a pu échapper à un sombre passé. De plus, toutes deux sont marquées par la différence d'âge puisque la salariée a 28 ans, et la serveuse 18. Ainsi, le manga ne tombe pas dans certains écueils malsains. La mangaka s'amuse même avec cette différence d'âge en faisant parfois d'Iori une fille plus capricieuse et juvénile que Minami, inversant ainsi les rôles et menant à des situations tantôt drôles, tantôt émouvantes. On notera même que le sexe est avant tout utilisé comme ressort comique dans ce titre : Le lecteur ne verra pas plus de quelques cases où les deux concubines sont nues dans le même lit, mais jamais rien d'explicite. Ces petits instants servent à la fois à croquer l'intimité des deux héroïnes mais aussi (et souvent) à créer de petits moments de légèreté tout à fait envoutants.

Ce premier tome, dans une grande partie, profite d'une dimension tranche de vie en narrant les petits moments de quotidien des deux amoureuses à la relation naissance. A ce titre, les scénettes s'enchainent parfois sans transition, au sein d'un même chapitre. C'est alors qu'on ressent la prépublication initiale du manga, sur Twitter, puisque la narration ne cherche pas systématiquement de cohérence, ce qui ne nous empêche jamais vraiment de profiter des instants de vie touchants des deux protagonistes.

Mais à côté, le récit sait planter une ambition plus forte au fil des tomes. Ainsi, parce Minami est une jeune femme au passé trouble, Mikanuji va creuser en profondeur cet aspect pour donner au récit quelques élans de triangle amoureux qui aboutira réellement à deux parcours de duos distincts, soit une belle manière de prendre la figure de style scénaristique à contrepied. Dans cette dimension de l'œuvre, l'autrice ne se prive pas pour amener une dimension sociale justement amenée, sans en faire des caisses, traitant ainsi des rapports familiaux conflictuels, des enfants battus, et plus globalement d'une jeunesse en perdition. Un sacré programme qui justifie largement que l'histoire sur développe sur plusieurs volumes.
Malgré ces notes plus sombres, le récit global se veut léger. La patte visuelle de la mangaka colle grandement à cet aspect par des personnages aux visages arrondis et rendus moins adultes qu'ils ne le sont vraiment, le tout pour créer cette légèreté et insister sur l'allégresse du récit et des rapports entre les personnages.

Nos différences enlacées parvient donc à apporter, avec justesse, sa pierre à l'édifice parmi les tranches de vie romantiques traitant de relations entre femmes, parues en France. Touchant et frais, narrativement dynamique et amenant peu à peu des éléments plus sérieux, ce premier volume montre un vrai talent de la part de Mikanuji, et fait mouche sans aucun mal sur son lecteur.

Impossible aussi de ne pas souligner la belle édition de Meian, que ce soit par sa couverture mate et son léger vernis sélectif, la présence d'une page couleur, mais surtout le grand format du volume proposé au tarif « classique » du format poche. Un soin particulier est accordé à ce joli début d'histoire, le tout sous la traduction de Jean-Baptiste Bondis qui retranscrit comme il se doit l'ambiance du récit.

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction