NeuN Vol.1 - Actualité manga
NeuN Vol.1 - Manga

NeuN Vol.1 : Critiques

NeuN

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 18 Septembre 2019

Bien qu'il soit un mangaka important au Japon, Tsutomu Takahashi ne bénéficie pas forcément du succès qu'il mériterait en France, mais fort heureusement il n'est pas boudé pour autant par les éditeurs, même si on pestera toujours contre Panini qui a lâché l'exceptionnel Sidooh en cours de route. En dehors de Panini, les éditions Kana se sont également intéressées à l'auteur avec son magistral manga en grande partie autobiographique Bakuon Rettô, mais c'est bien Pika Edition qui semble particulièrement désireux de relancer Takahashi dans notre pays. Ainsi, après le très sombre et superbe Détonations l'année dernière dans la collection Graphic, Pika profite de la rentrée de septembre pour proposer dans sa collection seinen la dernière série en date de l'artiste: NeuN. D’abord publiée sous la forme d’un one-shot nommé NeuN 9 dans le Weekly Young Magazine de Kôdansha, l'oeuvre est devenue une à partir de janvier 2017 sous le titre japonais NeuN dans le même magazine.

NeuN nous plonge en Allemagne, en 1940, en pleine apogée du régime nazi du Troisième Reich. En Westphalie, au sein du château historique de Wewelsburg, Heinrich Himmler, le Reichsführer de la SS, ordonne une bien mystérieuse mission secrète, visant à tuer simultanément plusieurs personnes. Il s'agit d'une purge dans la descendance du Führer, car ici Adolf Hitler a vu son ADN transmis à 13 enfants par insémination artificielle, afin d'assurer la pérennité du Troisième Reich avec l'un d'eux. Tous les 13 ont été disséminés partout en Allemagne dans des familles d'accueil et avec un "wand", un garde du corps, sans savoir qi ils sont réellement. Et Sechs (six en allemand), le sixième enfant sur les 13, étant celui qu'il faut, la mort des 12 ordres est ordonnée, avec élimination de toutes les personnes ayant été amenées à le côtoyer, soit des villages entiers. Le jeune Franz Neun ("Neun" veut dire "neuf" en allemand) est le neuvième enfant issu de cette expérience. Dans son village Brausteppe au sud de l'Allemagne, ce gamin un peu maladroit et plutôt faible physiquement mène un quotidien paisible avec ses "parents" et sa "grande soeur" Bertha, sans se douter que dans peu de temps des troupes de SS viendront pour l'éliminer... Mais Theo Becker, son wand, ne l'entend pas ainsi. Affirmant que seul le Führer en personne peut mettre fin à sa mission, il est déterminé à protéger Neun coûte que coûte, quitte à tuer ses congénères nazis et à fuir avec son protégé à travers le pays...

"Ce gamin... est le diable..."

Tsutomu Takahashi se base donc ici sur la théorie selon laquelle Adolf Hitler aurait eu des enfants, afin de croquer une histoire de course contre la mort et contre le régime nazi certes sortie de son imagination, mais qu'il ancre bel et bien dans un contexte historique assez réaliste. Des figures historiques tristement célèbres comme Himmler, Goebbels et bien sûr Adolf Hitler lui-même sont de la partie, de même que des lieux importants comme le château de Wewelsburg, les vêtements SS, les véhicules, ainsi que des décors d'époque fourmillant un peu partout de croix gammées dans un fort esprit de propagande malsaine comme à l'époque... L'ensemble se veut assez pointu et détaillé, pour un rendu très immersif. Et avec son habituelle verve dans les encrages sombres, les hachures tendues ou même certains effets d'aquarelle, le mangaka n'a aucune difficulté à entretenir d'emblée une atmosphère très sombre et dérangeante, d'autant plus que le premier chapitre fait d'office dans la brutalité avec des mises à mort sans le moindre état d'âme. Seule éventuelle limite dans toute cette qualité graphique: des photos parfois peu voire pas retravaillées, qui dénotent un peu, même si l'on peut facilement supposer que c'est un choix volontaire de l'auteur afin de faire encore plus ressentir l'encrage dans une triste réalité historique pas si éloignée que ça.

C'est donc là-dessus que démarre la fuite de Neun avec son garde du corps, entre divers premiers rebondissements installant bien certaines choses: la détermination de Theo à quitter l'Allemagne nazie pour l'Angleterre afin de sauver son protégé, la rencontre avec Acht et sa charismatique wand Naomi Reisinger, l'installation d'ennemis plus inquiétants que d'autres comme le dénommé "Doktor U" (le lugubre Ulrich Neustadter, chef du service santé, menant des expériences malsaines au point d'avoir les ongles rongés par les substances qu'il manipule), le cas mystérieux de Sechs...

"Seul le führer peut mettre fin à ma mission."

Il n'y a aucun problème pour s'immerger dans ce récit, mais derrière la simple histoire de fuite on devine déjà bien d'autres choses, à commencer par le cas de Theo Becker, le personnage le plus présent et actif, qui trouve tout son sens dès lors qu'on le compare à sa congénère Naomi. Là où Naomi rêve désormais de débarrasser le pays de la "sale engeance" nazie, Theo, lui, reste bien différent pour le moment: tuant froidement ses adversaires, lisant Mein Kampf, il continue de protéger Neun uniquement parce que ce n'est pas Adolf Hitler lui-même qui lui a dit d'arrêter. Ce jeune homme, contrairement à Naomi, semble continuer à vouer un culte au Führer, mais uniquement à lui, et on se demande donc comment il évoluera sur la longueur.

"C'est le sang de ce monstre, qui coule dans nos veines."

L'autre point intéressant qui est soulevé dans ce premier volume est la place du "sang". Neun, Acht et les autres enfants encore vivants ont tous le sang d'Hitler dans leur corps, chose qu'Acht semble d'ailleurs vivre très mal. Pour autant, cela signifie-t-il qui suivront forcément la même voie horrible que leur "père" ? On se doute évidemment que non, et que ça pourrait être l'un des sujets important de l'oeuvre, Tsutomu Takahashi laissant déjà bien voir que, contrairement aux idéaux nazis, le sang et les gènes ne font pas tout. Et il se permet même de se moquer un peu des idéaux aryens d'Hitler quand Neun se dit que ses parents étaient sûrement des êtres faibles et chétifs pour qu'il soit aussi comme ça.

"Tu crois qu'on ne mérite pas d'exister ?"

Ainsi, sous couvert de divertissement noir et sombre, le mangaka devrait, une nouvelle fois, offrir en filigranes tout un message sur sa vision de la société. Après s'être montré contre contre le nucléaire dans Soul Keeper, puis avoir mis en valeur une vision moderne et progressiste de la notion de famille dans Détonations, Takahashi entame ici un manga anti-nazis qui mérite d'ores et déjà toute l'attention, et qui est voué à gagner encor eplus en intérêt par la suite !

Du côté de l'édition, notons que Pika a fait le choix de conserver les jaquettes originales de l'édition japonaise avec ses grosses croix gammées, un choix louable pour une oeuvre de ce genre. Le papier et l'impression sont honnêtes, le lettrage est soignée, et la traduction de Sylvain Chollet est claire et assez immersive avec sa conservation de différents termes typiquement allemands et nazis. On devine que le suivi éditorial assuré par Oriale Faulhaber et Eloïse Rusch doit jouer un rôle important.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs