Natsuko no Sake Vol.3 - Manga

Natsuko no Sake Vol.3 : Critiques

Natsuko no Sake

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 28 Juillet 2021

Après deux premiers volumes doubles excellents, Natsuko no Sake avait vu son édition française mise en pause début 2020, à la fois à cause de la situation sanitaire et de la situation particulière des éditions Vega, ensuite rachetées par Dupuis pour devenir Vega-Dupuis. Suite à ce rachat, l'éditeur a entrepris de reprendre à partir de mars 2021 ses différentes séries, et l'oeuvre d'Akira Oze n'a heureusement pas fait exception avec la publication, en mai dernier, de son troisième opus ! Tandis que le tome 4 est, lui, paru début juillet, les volumes 5 et 6 devraient a priori sortir en septembre et en décembre, ce qui fait que Natsuko no Sake devrait enfin être intégralement publié dans notre langue avant la fin de l'année.

Dans le deuxième volume, nous laissions l'attachante et persévérante Natsuko toujours aussi déterminée à concevoir le saké rêvé de son défunt frère à partir de son riz "Dragon merveilleux". Mais parallèlement à ce projet lui demandant déjà nombre d'efforts pour veiller au bon processus, la jeune femme de 22 ans doit également apporter son aide à l'exploitation familiale de la Rosée de lune au sein de la brasserie Saeki, et sur ce plan-là elle apporte de plus en plus du neuf, de part sa vision des choses et, principalement, son désir de faire interdire l'épandage aérien de pesticides pour revenir à une conception plus bio, qui a abouti à la création d'une association de riziculteurs encore modeste mais composée d'agriculteurs clairement décidés à la suivre. Hélas, tout le monde ne l'entend pas de cette oreille... tandis que les convictions de Natsuko soulèvent bientôt l'opposition de lobbies pro-pesticides soutenus par la municipalité de Kawashima, la brasserie Saeki doit faire face à un concurrent particulièrement déloyal: la brasserie industrielle Kuroiwa, dirigée par le père de Shingo, un homme qui semble prêt à toutes les bassesses commerciales pour vendre son Momo Musume, un saké médiocre mais attirant les gens car vendu peu cher.

Dans les problèmes auxquels Natsuko et ses proches/alliés doivent faire face dans ce troisième opus, deux axes se dégagent donc clairement et sont abordés avec de nombreux détails précis et immersifs.
D'un côté, la concurrence sans scrupules de la brasserie Kuroiwa amène Natsuko à se frotter à des choses qu'elle ne maîtrise pas voire ne connaissait pas forcément, à savoir la rudesse de l'aspect commercial, en particulier pour une brasserie comme Saeki, certes très qualitative mais dont la modestie et l'aspect artisanal risquent bien d'être mis à mal par un concurrent plus industriel qui casse les prix au détriment de la qualité. Entre autres, cette situation mais alors bien en évidence la façon dont des "micro-brasseries" peuvent être phagocytées par des entreprises plus grosses, sans passion et produisant à la chaîne des breuvage de faible qualité, une réalité toujours existante aujourd'hui bien sûr, et qui est évidemment très loin de se limiter au saké et au Japon.
Et d'un autre côté, les problèmes s'accumulent pour parvenir à éviter un nouvel épandage aérien de pesticide, les pro-pesticides étant prêts à tout pour étouffer dans l'oeuf l'idée. Là aussi, Natsuko doit se confronter à de cruelles réalités parfois aberrantes et dont elle n'avait pas forcément toujours conscience, en tête desquelles tout l'aspect économique qui se trouve derrière le désir de certains de conserver les pesticides, quand bien même ceux-ci sont nocifs comme chacun le sait. Là aussi, le mangaka, soigneusement documenté, met très bien en avant non seulement l'agressivité et les coups bas de ces "lobbies" pro-pesticides, mais aussi la nocivité desdits pesticides, via des exemples comme ce qui est arrivé à la fille de Yoshida ou encore l'appauvrissement voire la destruction des sols que provoquent ces substances. Bien sûr, Akira Oze nuance assez les choses, ne serait-ce qu'en expliquant tout de même la facilité de vie que permet l'épandage à des paysans souvent vieux et déjà éreintés à leur tâche. Mais le message est clair, avec un besoin de revenir à une agriculture plus raisonnée, mais aussi de retrouver un amour et une fierté du travail bien fait avec des sols et un riz à chérir.

Au gré de ces épreuves, Natsuko reste une héroïne vraiment attachante, séduisante et passionnante à suivre. La pureté de ses convictions, bien que confinant parfois à la naïveté, rappelle l'essentialité de certaines choses face à des productions industrielles dont les méthodes peuvent tendre vers la folie et l'empoisonnement. Et c'est aussi cette pureté qui, malgré les moments de doutes où elle pourrait craquer, guide son inébranlable détermination. Une détermination pure qui, petit à petit, semble continuer d'emmener dans son sillage une part de son entourage, y compris son propre père qui finit par lui faire une belle proposition vis-à-vis de la brasserie Saeki, preuve qu'elle a su faire ses preuves dans cet univers restant majoritairement masculin.

Natsuko, alors, continue elle aussi d'avancer et d'évoluer, autant professionnellement qu'humainement... et elle est loin d'être la seule puisque, comme toujours, Akira Oze s'intéresse aussi aux facteurs humains de sa galerie de personnages secondaires. On pourra notamment souligner le cas de Kazuko, devenue veuve si jeune avec le petit Taka à charge, et continuant pourtant à vivre auprès des Saeki et à les épauler alors que, peut-être, elle pourrait refaire sa vie, comme le pense un Hiroo qui se sentirait presque coupable de monopoliser ainsi sa vie... Mais Kazuko, elle, que veut-elle ? Il y a aussi le cas de "Papy", tôji de renom, artisan passionné, riche de 40 ans d'expérience et lauréat de récompenses pendant sa carrière, mais qui doit désormais faire face à la vieillesse, au fait que le meilleur de sa carrière est sans doute derrière lui... Saura-t-il arrêter sa passion de toujours avant de péricliter, et former un digne successeur ? Enfin, c'est aussi la présence de Shingo qui imprègne de plus en plus le récit: l'ami d'enfance de Natsuko, dégoûté par les méthodes de son père, semble sur le point de tout plaquer, mais le soutien de notre héroïne ainsi que ses sentiments personnels pourraient bien le pousser sur une voie nouvelle, pour qu'il essaie de redorer le blason de la brasserie Kuroiwa en fabriquant lui-même un saké qui, j'espère-t-il, sera de meilleure qualité. Bien sûr, rien ne sera facile pour lui, Oze n'idéalise pas son parcours, mais il ne fait aucun doute que Shingo sera encore par la suite un personnage de plus en plus intéressant, autant dans son apprentissage que dans la part plus sentimentale qu'il amène, et que dans la l'émulation qu'il pourrait apporter vis-à-vis de celle qu'il aime pour savoir qui concevra le meilleur des saké.

Retrouver Natsuko no Sake après une très longue absence est donc, sans surprise, un véritable ravissement, tant Akira Oze livre un récit toujours aussi riche et brillant, où aucun aspect n'est oublié. pas même, bien sûr, les nombreuses informations sur le saké en lui-même, qui sont toujours aussi présentes en allant, entre autres, des différentes étapes de fabrication à des détails comme les différences de riz.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs