My Rumspringa - Actualité manga
My Rumspringa - Manga

My Rumspringa : Critiques

Rumspringa no Jôkei

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Avril 2019

Dans les Etats-Unis des années 80, Oswald, surnommé Oz, est une jeune homme de 27 ans dont les rêves de danse sur les planches de Broadway ne se sont jamais concrétisés. Depuis, il a mis de côté ce rêve, danse encore un peu de temps à autre... mais uniquement pour les clients du bar où il travaille. Clients étant parfois aussi des amants, puisqu'en plus d'être serveur il est gigolo. Un soir, un bien étrange client fait son apparition dans le bar, un grand, beau et jeune garçon restant les yeux fixés contre un mur. Sur demande de son patron, Oz part l'aborder et, le prenant pour un client timide, l'emmène dans sa chambre pour passer à l'acte... mais il comprend vite qu'il s'est fourvoyé en remarquant la naïveté complète de ce garçon. Car Théodore, puisque c'est son nom, est un Amish, membre d'une communauté vivant en autarcie loin de toute civilisation moderne. Et s'il est là aujourd'hui, c'est parce qu'il vient d'entamer son rumspringa, rite de passage typique de la communauté amish, pendant laquelle l'adolescent ou jeune adulte est temporairement libéré de sa communauté, de son Église et de ses règles afin de découvrir le monde moderne pour la première et peut-être dernière fois de sa vie. A l'issue de son rumspringa, le jeune amish doit faire un choix: soit retourner vivre en autarcie avec les siens, soit décider de rester dans le monde extérieur... ce qui signifie aussi ne jamais revenir voir les siens. Face à l'innocence et à la méconnaissance complète du monde de Théo, Oz ne peut se résoudre à l'abandonner, et c'est ainsi que les deux hommes passent beaucoup de temps ensemble, deviennent amis, et s'attachent toujours plus l'un à l'autre...

La carrière de la mangaka Kaya Azuma est très récente: elle a débuté professionnellement en 2017, mais en à peine deux ans elle se révèle déjà prolifique en ayant conçu quelques boy's love assez différents, pouvant aller de la comédie au bdsm. Parmi ces "oeuvres de jeunesse", on trouve donc sa première publication française, My Rumspringa. De son nom d'origine Rumspringa no Jôkei, ce récit en 5 chapitres et 220 pages a été prépubliée au japon en 2017-2018 avant de sortir en un seul volume broché en mars 2018, et il voit l'autrice s'attaquer à un sujet véritablement ambitieux pour une si jeune carrière: la communauté Amish.

Car si vous ne le saviez pas encore, cette communauté existe réellement. Désormais plutôt méconnue par chez nous malgré son origine suisse-allemande, cette communauté est désormais surtout présente en Amérique du Nord, notamment en Pennsylvanie, et dans la culture populaire quelques oeuvres ont, ar le passé, déjà cherché à l'éclairer un petit peu plus, on pense notamment au très beau film Witness, réalisé en 1985 par Peter Weir et ayant Harrison Ford dans le rôle principal.

Ici, la communauté Amish n'est pas qu'un prétexte pour la mangaka: au fil de son histoire, elle va réellement nous inviter à la découvrir un peu plus et à en comprendre le fonctionnement et les règles. En même temps qu'Oz, on apprend donc pas mal de chose grâce à Théo, que ce soit sur le mode de vie autarcique de cette communauté rejetant le monde moderne qui évolue trop vite pour elle (si bien que par exemple, leurs déplacement se font en charrette ou calèche, ils n'ont ni voiture ni vélo ni téléphone, etc...), sur leurs vêtements aisément reconnaissables qu'ils confectionnent eux-mêmes, sur leurs croyances, sur leurs règles (l'autarcie, le rumspringa...), sur leur alimentation qu'ils cultivent intégralement eux-mêmes sur leurs terres, sur le fait que leur musique se limite aux chants religieux, ou tout simplement sur le fait qu'il ne s'agit aucunement d'une secte mais d'un mode de vie communautaire.

Un contenu immersif, intéressant, qui vaut également pour la dualité qui va se dessiner entre communauté Amish et monde moderne à travers Théo et Oz, dualité où Azuma ne pose aucun jugement de valeur. Les deux héros ont chacun leur histoire, leur passé, leur background, que l'autrice révèle au fil de son récit, dans un schéma scénaristique assez simple: une première partie où Théo découvre le monde aux côtés d'Oz, une deuxième partie où Oz passe quelques jours au sein de la communauté de Théo, et une dernière partie concluant l'intrigue autour d'une question: le jeune Amish quittera-t-il ou non définitivement les siens à l'issue de son rumspringa ? Son envie de découvrir le monde et son amour pour Oz seront-ils plus forts que toutes les années passée en autarcie et dans la bonté avec ses proches, dont son "grand frère d'adoption" Dany et sa future épouse Chloé, deux personnages secondaires importants et ayant leur propre background eux aussi ? A tout ceci, Kaya Azuma offre une conclusion très belle, mais également très douce-amère. Et avant d'en arriver là, son talent est vraiment de réussir à développer ses deux héros et leurs tourments passés ou présents tout en les invitant à se découvrir l'un l'autre. Ce qui est intéressant dans cette découverte que font les deux personnages, c'est qu'aucun des deux "univers" (la communauté Amish et le monde moderne) n'apparaît tout blanc ou tout noir, et que chacun des deux héros va trouver du bon dans l'autre univers. Ainsi, le pur Théo entreverra un monde moderne loin d'être toujours beau, mais qu'il a profondément envie de découvrir en compagnie d'Oz. Quant à Oz, ses quelques jours chez les Amish lui permettront de toucher à une tout autre atmosphère, aux côtés de gens qui semblent heureux en vivant simplement de leurs efforts et en réelle communauté, une vie qui apparaît pour lui moins stressante et sans doute moins viciée que ce qu'il a toujours connu dans notre monde moderne, et cela même si la communauté Amish possède aussi certaines règles un peu dures voire cruelles( ne serait-ce que le choix imposé à l'issue du rumspringa).

L'artiste emballe tout ceci dans des dessins souvent ravissants. Les personnages sont assez précis, expressifs, et leur look reflète assez bien leur caractère et leur mode de vie (notamment le regard naïf de Théo au début, ou celui très doux de Chloé). Azuma fait attention aux vêtement, ainsi qu'aux décors quand il le faut. Les scènes érotiques, elles, restent bien équilibrées, certaines ont légèrement du mal à se justifier mais elles restent brèves et accompagnent efficacement cette histoire d'amour et de découverte. Enfin, lors de certains instants importants (comme les choix des personnages ou la toute fin) la mangaka offre quelques réelles merveilles de découpage et de mise en scène.

Original, immersif et plutôt intelligence dans sa façon de traiter son sujet, My Rumspringa est un excellent récit, qui plus est servi dans une édition soignée avec une traduction très claire d'Aline Kukor, un papier de bonne qualité, une impression convaincante et une première page en couleur.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction