Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 25 Février 2022
Le 19 janvier dernier, le label Sakka des éditions Casterman a accueilli sa première nouveauté manga de 2022: Le Monstre d'Einstein. De son nom original Einstein no Kaibutsu (dont le titre français est une traduction littérale), cette série achevée en 3 volumes fut prépubliée au Japon de 2016 à 2019 dans le magazine G-Fantasy de Square Enix, magazine déjà connu dans notre pays pour un petit nombre de séries assez diverses comme Black Butler, Nabari ou, plus récemment, Horimiya. Il s'agit de la première publication française de Ryu Miyanaga, une autrice discrète mais actif au Japon depuis 2009.
Le récit démarre au coeur d'un petit village de bord de mer qui vit grandement de la pêche. Et le jeune Lerew est l'un de ces pêcheurs, s'activant quotidiennement sur le bateau familial avec son père et son collègue et ami Conseil. Et les récoltes de poissons ont beau être de plus en plus faibles, le trio met autant que possible du coeur à l'ouvrage... d'autant plus que Lerew a un certain rêve: réussir à prouver sa valeur pour ensuite oser séduire l'élue de son coeur, la jolie Mary, avec qui il aimerait tant fonder une famille. Et quand il ne pêche pas ou ne rêve pas de son amour secret, il prend soin de son père en allant, régulièrement, chercher le traitement dont il a besoin auprès du bien mystérieux médecin vivant à la sortie du village, un être nommée Einstein, qui a l'allure d'un petit garçon, qui ne semble pas avoir grandi depuis son arrivée il y a 8 ans, qui préfère être payé en bestioles insolites, et dont bon nombre des villageois se méfient en pensant qu'il s'agit d'un garçon-sorcière... Et c'est précisément via Einstein que la vie de Lerew va, un jour, soudainement basculer. Lors d'un jour de pêche comme les autres, une tempête s'abat, et le jeune garçon est projeté dans l'océan sans pouvoir être repêché. Bientôt entouré de requins qui ne tardent pas à l'écharper, sa volonté de vivre trouve écho jusqu'en Einstein, qui parvient à le sauver, mais au prix de certains sacrifices. Physiquement métamorphosé, tel une créature de Frankenstein, Lerew va, par la force des choses, devoir dire tragiquement adieu à son village et aux gens qu'il aimait, pour entamer un étonnant périple...
On peut dire de ce premier tome qu'il se partage en trois grandes étapes, la première étant l'installation d'un univers de base qui semble d'abord assez chaleureux, entre la bonhommie du père de Lerew, l'amour de ce dernier pour Mary, et ses rêves de bonheur simple. Mais bien vite, ce semblant d'idéal s'effondre avec l'arrivée de la deuxième étape qui, de façon cruelle, va confronter un Lerew transformé à différentes vicissitudes: découverte de son nouveau corps avec son apparence bleutée, ses points de suture et son physique a priori plus fort qu'avant, découverte dramatique concernant la manière dont ce corps a été ficelé, confrontation cruelle aux habitants, y compris Mary, qui ne le reconnaissent pas, ne voit en lui qu'un monstre sans lui laisser le temps de parler et se mettent à le chasser... Pour notre héros autant que pour le garçon-sorcière Einstein, il n'y a alors bientôt plus d'autre choix que de partir, de voyager ensemble de contrée en contrée.
Dans ce schéma classique mais efficace, la mangaka trouve une étonnante et originale alchimie entre la part sombre et gothique autour de la situation des deux personnages principaux, et un certain parfum d'aventure et de découverte qui s'installe à partir du moment où Lerew et Einstein entament leur périple ensemble. Et ce périple, il s'annonce déjà merveilleux, pour certaines raisons. En premier lieu, il y a certaines des premières rencontres que fait le duo, rencontres où ils ne sont pas forcément bien acceptés tout de suite (par préjugés envers les étrangers, entre autres), avant que certains événements ne leur permettent de montrer leur bon fond et que mieux vaut ne pas se fier aux apparences et aux a priori. Mais il y a surtout la relation à part qui se bâtit entre Lerew, le "monstre" au grand coeur, et Einstein, le garçon-sorcière mystérieux qui l'a sauvé. Une relation se faisant fusionnelle au vu de ce qu'implique la résurrection de Lerew par Einstein (le sorcier ayant littéralement sacrifié son coeur pour ça), et au fil de laquelle l'ancien humain apprend à découvrir les différentes facettes de son sauveur, garçon-sorcière vivant depuis si longtemps qu'il s'était lassé de la vie, mais qui commence enfin à retrouver un intérêt envers l'existence au contact de Lerew.
Au fil des 250 pages et quelques qui composent ce premier tome, l'intrigue, bien qu'assez classique dans le fond, n'a alors aucun mal à emballer... et cela, on le doit en réalité beaucoup à la qualité la plus évidente de l'oeuvre: mon dieu, qu'est-ce que c'est beau. Non contente d'offrir des designs humains et architecturaux assez originaux et personnels, Ryu Miyanaga parvient à leur offrir une précision et une densité d'orfèvre, que ses nombreux angles et découpages ambitieux subliment encore. C'est expressif, plein de verve, doté de superbes envolées côté mise en scène, vraiment foisonnant avec a pointe de folie qu'il faut... On en prend plein les yeux, et cette réussite graphique contribue énormément au plaisir de lecture.
Le Monstre d'Einstein commence donc très bien. Aventure emballante aux accents de conte gothique cruel, l'oeuvre est une merveille visuelle, au service d'une intrigue suffisamment immersive, dont on découvrira la suite avec grand plaisir.
En ce qui concerne l'édition française, comme très souvent avec l'éditeur, on a droit à un travail très soigné. Derrière une jaquette propre et donnant assez bien une idée du contenu, on découvre 5 premières pages en couleurs, une excellente qualité de papier et d'impression, un très bon travail de lettrage, et une très bonne traduction de... bonne question, n'ayant trouvé nulle part le nom du traducteur ou de la traductrice sur le bouquin.
Le récit démarre au coeur d'un petit village de bord de mer qui vit grandement de la pêche. Et le jeune Lerew est l'un de ces pêcheurs, s'activant quotidiennement sur le bateau familial avec son père et son collègue et ami Conseil. Et les récoltes de poissons ont beau être de plus en plus faibles, le trio met autant que possible du coeur à l'ouvrage... d'autant plus que Lerew a un certain rêve: réussir à prouver sa valeur pour ensuite oser séduire l'élue de son coeur, la jolie Mary, avec qui il aimerait tant fonder une famille. Et quand il ne pêche pas ou ne rêve pas de son amour secret, il prend soin de son père en allant, régulièrement, chercher le traitement dont il a besoin auprès du bien mystérieux médecin vivant à la sortie du village, un être nommée Einstein, qui a l'allure d'un petit garçon, qui ne semble pas avoir grandi depuis son arrivée il y a 8 ans, qui préfère être payé en bestioles insolites, et dont bon nombre des villageois se méfient en pensant qu'il s'agit d'un garçon-sorcière... Et c'est précisément via Einstein que la vie de Lerew va, un jour, soudainement basculer. Lors d'un jour de pêche comme les autres, une tempête s'abat, et le jeune garçon est projeté dans l'océan sans pouvoir être repêché. Bientôt entouré de requins qui ne tardent pas à l'écharper, sa volonté de vivre trouve écho jusqu'en Einstein, qui parvient à le sauver, mais au prix de certains sacrifices. Physiquement métamorphosé, tel une créature de Frankenstein, Lerew va, par la force des choses, devoir dire tragiquement adieu à son village et aux gens qu'il aimait, pour entamer un étonnant périple...
On peut dire de ce premier tome qu'il se partage en trois grandes étapes, la première étant l'installation d'un univers de base qui semble d'abord assez chaleureux, entre la bonhommie du père de Lerew, l'amour de ce dernier pour Mary, et ses rêves de bonheur simple. Mais bien vite, ce semblant d'idéal s'effondre avec l'arrivée de la deuxième étape qui, de façon cruelle, va confronter un Lerew transformé à différentes vicissitudes: découverte de son nouveau corps avec son apparence bleutée, ses points de suture et son physique a priori plus fort qu'avant, découverte dramatique concernant la manière dont ce corps a été ficelé, confrontation cruelle aux habitants, y compris Mary, qui ne le reconnaissent pas, ne voit en lui qu'un monstre sans lui laisser le temps de parler et se mettent à le chasser... Pour notre héros autant que pour le garçon-sorcière Einstein, il n'y a alors bientôt plus d'autre choix que de partir, de voyager ensemble de contrée en contrée.
Dans ce schéma classique mais efficace, la mangaka trouve une étonnante et originale alchimie entre la part sombre et gothique autour de la situation des deux personnages principaux, et un certain parfum d'aventure et de découverte qui s'installe à partir du moment où Lerew et Einstein entament leur périple ensemble. Et ce périple, il s'annonce déjà merveilleux, pour certaines raisons. En premier lieu, il y a certaines des premières rencontres que fait le duo, rencontres où ils ne sont pas forcément bien acceptés tout de suite (par préjugés envers les étrangers, entre autres), avant que certains événements ne leur permettent de montrer leur bon fond et que mieux vaut ne pas se fier aux apparences et aux a priori. Mais il y a surtout la relation à part qui se bâtit entre Lerew, le "monstre" au grand coeur, et Einstein, le garçon-sorcière mystérieux qui l'a sauvé. Une relation se faisant fusionnelle au vu de ce qu'implique la résurrection de Lerew par Einstein (le sorcier ayant littéralement sacrifié son coeur pour ça), et au fil de laquelle l'ancien humain apprend à découvrir les différentes facettes de son sauveur, garçon-sorcière vivant depuis si longtemps qu'il s'était lassé de la vie, mais qui commence enfin à retrouver un intérêt envers l'existence au contact de Lerew.
Au fil des 250 pages et quelques qui composent ce premier tome, l'intrigue, bien qu'assez classique dans le fond, n'a alors aucun mal à emballer... et cela, on le doit en réalité beaucoup à la qualité la plus évidente de l'oeuvre: mon dieu, qu'est-ce que c'est beau. Non contente d'offrir des designs humains et architecturaux assez originaux et personnels, Ryu Miyanaga parvient à leur offrir une précision et une densité d'orfèvre, que ses nombreux angles et découpages ambitieux subliment encore. C'est expressif, plein de verve, doté de superbes envolées côté mise en scène, vraiment foisonnant avec a pointe de folie qu'il faut... On en prend plein les yeux, et cette réussite graphique contribue énormément au plaisir de lecture.
Le Monstre d'Einstein commence donc très bien. Aventure emballante aux accents de conte gothique cruel, l'oeuvre est une merveille visuelle, au service d'une intrigue suffisamment immersive, dont on découvrira la suite avec grand plaisir.
En ce qui concerne l'édition française, comme très souvent avec l'éditeur, on a droit à un travail très soigné. Derrière une jaquette propre et donnant assez bien une idée du contenu, on découvre 5 premières pages en couleurs, une excellente qualité de papier et d'impression, un très bon travail de lettrage, et une très bonne traduction de... bonne question, n'ayant trouvé nulle part le nom du traducteur ou de la traductrice sur le bouquin.