Monde Selon Uchu (le) Vol.1 - Actualité manga

Monde Selon Uchu (le) Vol.1 : Critiques

Watashi no Uchû

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 08 Avril 2016

Alice Tsunomine, nouvelle venue dans son collège, est très vite intriguée par Uchu Hoshino, un camarade de classe qui, dès le lendemain, est pourtant absent des cours. En compagnie du frère jumeau de ce dernier, le jovial Shinri, elle va à sa rencontre jusque chez lui et parvient à le faire revenir en classe. Mais très vite, Iya, un autre lycéen, prend à parti Uchu pour de nébuleuses raisons, et tout s'envenime jusqu'à ce que les deux adolescents finissent par se jeter du toit du collège. Et alors que plus rien ne semble pouvoir les sauver, ils atterrissent dans un arbre qui vient soudainement d'apparaître. Car Uchu ne peut pas mourir, puisqu'il est le héros du manga qui porte son nom, Le Monde selon Uchu, or qui voudrait d'un manga où le héros mourrait dès le début ? D'autant que dès lors il n'y aurait plus rien à raconter... En tout cas, pour Alice et certains de ses autres camarades (Uchu et Shinri bien sûr, mais aussi Iya, et l'adorable Chiyoko éperdument amoureuse de ce dernier), c'est l'heure d'une étrange prise de conscience : celle qu'ils vivent dans un manga, avec tout ce que ça implique...

Les oeuvres brisant le quatrième mur ne sont pas forcément rares. Parmi des oeuvres qui nous parlent bien, on peut citer Deadpool, ou Opus de Satoshi Kon. Mais Le monde selon Uchu, premier manga d'Ayako Noda paraissant en France, choisit une tout autre tournure, car la mangaka s'applique essentiellement à y décortiquer tout ce que cela implique pour ses personnages ayant conscience de leur situation. Et sur ce point, Noda pose des bases qui s'avèrent rapidement très prometteuses, dès la scène de l'arbre qui impose efficacement le statut d'Uchu en tant que héros, celui autour de qui tout le manga doit tourner.
Dès lors, en tant que héros, c'est lui que le dessinateur du manga suit au plus près, lui qui se sent constamment observé par un "monstre" venant d'en haut. Et dès lors que d'autres personnages viennent le côtoyer, eux aussi se retrouvent observés. Ils prennent conscience que des bulles dévoilant leurs pensées sont au-dessus d'eux, que certains aspects de leur intimité peuvent être vus... or, comment vivre en se sentant observé ? Uchu semble plutôt le vivre sans trop de crainte, ou, en tout cas, semble résigné. Ce n'est pas le cas d'Iya, qui ne supporte pas cette situation et soulève rapidement un autre problème : à partir du moment où ils sont des personnages créés par le dessinateur, sont-ils seulement maîtres de leur propre vie , leurs choix sont-ils réellement les leurs ? Sur ce point aussi, ces adolescents adoptent des comportements bien différents. Quelqu'un comme Chiyoko, éperdument amoureuse d'Iya depuis un an, y voit un signe du destin, comme quoi elle était destinée à aimer Iya. Alice, elle fait, preuve d'abnégation et se questionne et réagit de façon presque terre-à-terre et plutôt réfléchie, comme lors de cette scène amusante où elle fait tout pour que le regard du dessinateur n'aille pas scruter Chiyoko sous la douche.
Ce que Noda nous propose également de suivre, c'est la vie quotidienne des "personnages secondaires" dès lors qu'Uchu n'est pas près d'eux, et donc que le dessinateur ne les représente pas et que les lecteurs ne peuvent pas les voir. La mangaka nous invite à observer ce qu'habituellement l'oeil d'un lecteur de manga ne voit pas : ce que ces personnages vivent et pensent en dehors des scènes où ils ne sont pas avec le héros.
Enfin, il y a tous ces petits éléments qu'Ayako Noda décortique, concernant l'essence même du manga. Comme la prise de conscience par les personnages que des bulles dévoilent leurs pensées, le fait qu'il n'y a pas de volumes et qu'ils ne sont qu'en 2D, l'apparition de "gimmicks" typiques de certains genres (comme les fleurs apparaissant comme par magie tout autour de Chiyori, façon shôjo)... C'est un exercice de style brillant dans l'exploitation de son concept, et un récit doté de forts questionnements méta qui captivent facilement, notamment parce que cela nous pousse forcément à considérer différemment ces personnages, à ne pas les considérer uniquement comme tels, et dès lors à reconsidérer notre statut de lecteur.

Dans tout ça, pourtant, certains lecteurs pourraient se sentir un peu "hors-jeu", tant, pendant une bonne partie du tome, on ne semble avoir affaire qu'à un exercice de style/récit méta certes très poussé, mais ne racontant rien de très concret. Pour cela, il faut attendre la prise d'importance d'un autre personnage, le prof de dessin Samejima, seul adulte apparaissant de près avec un visage précis, qui va amener des interrogations essentielles (quelle fin le dessinateur a-t-il prévue au manga ? Que deviendront-ils après cette fin ?), et qui va pousser Uchu à prendre conscience de certaines choses, au point de prendre une décision cruciale dans une fin de volume qui semble devoir faire passer encore un cap à l'oeuvre... réponse dans le tome 2.

Visuellement, Ayako Noda possède un dessin qui est en lui-même agréable, notamment pour certains visages très insistants et prononcés. C'est toutefois dans le registre des angles de vues, des cadrages et de la mise en scène que la mangaka suscite le plus l'attention. Il fallait évidemment cela pour mettre en exergue toutes les spécificités de son oeuvre concernant le fait que les personnages ont conscience d'être dans un manga. Mais il faut aussi souligner les nombreuses vues nous incitant à scruter et observer les personnages, ce qui renforce habilement le questionnement sur notre rapport à l'oeuvre en tant que lecteur.

Avec ce premier volume, cette première moitié, Ayako Noda pose donc un concept qu'elle semble vraiment vouloir exploiter jusque dans ses limites, mais pour en avoir la certitude il faut attendre le deuxième et dernier volume. En tout cas, une chose est déjà sûre : l'oeuvre s'avère assez unique en son genre et vaut sans nul doute qu'on y jette un oeil.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs