Mitochon Armageddon Vol.1 - Actualité manga

Mitochon Armageddon Vol.1 : Critiques

Mitokon Perestroika

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 11 Octobre 2019

Officiant depuis le début des années 1990, Man Gatarô est devenu, au fil des ans et en une vingtaine d'oeuvres, un nom culte du manga underground, notamment par sa capacité à dessiner des gags-mangas faits de gamines mignonnes à croquer mais entourées de choses hideuses, et pour son ton souvent borderline. Dites-vous que ses talents sont tels que Naoki Urasawa lui-même, en 2018 à Angoulême, le citait comme le plus talentueux mangaka actuel ! Pourtant, à ce jour, cet artiste pas forcément facile d'accès n'avait été publié en France qu'une seule fois, par les éditions Imho en 2017 avec le génial, irrévérencieux et bien fumé one-shot Heartful Company. Mais heureusement, les éditions Akata sont, une nouvelle fois, au rendez-vous pour combler le manque en France d'un nom important du manga, et elles le font évidemment dans leur collection WTF?! avec l'une de ses séries les plus récentes: Mitochon Armageddon (Mitochon Perestroika en japonais), une oeuvre en six tomes dessinée de 2013 à 2017 pour la magazine Comic @ Bunch des éditions Shinchôsha. Pour la petite anecdote, la série est un reboot de Mitochon, une série que l'auteur avait entamée en 2011 dans le magazine Jump SQ de Shûeisha, mais qu'il a dû laisser en plan après un seul volume. Probablement que l'écurie Jump ne laissait pas assez de libertés à son imaginaire dérangé...

Après une assez géniale préface donnant bien le ton et où le mangaka fait son "mea culpa" tout en prenant soin d'insulter tout le monde (rassurez-vous, il fera la même chose dans sa postface), le récit nous plonge tout de suite dans le vif du sujet, où, dans un monde fictif, en l'an 310 du calendrier Mito, une arche spatiale s'écrasa dans le royaume de Mito. En sortirent des tonnes d'extraterrestres lubriques et affamés qui, après avoir dévoré les hommes et violé les femmes de la capitale dans un tableau infernal, furent défoncés par une bande de 9 héros qui rétablit la paix... du moins, en apparence. 60 ans plus tard, Gorleone, le directeur des éditions Coucougnettas (ça ne s'invente pas), reçoit un bien étrange projet de manga, de la part d'un auteur qui ne veut pas se taire sur ce qu'il s'est passé 60 années auparavant, alors que la vérité a été étouffée. Le nom de ce mangaka: Man Gatarô ! Avec son air de vieillard fêlé, il est déterminé à raconter le viol de la reine d'alors par le boss des aliens, le fait que le roi actuel est donc à moitié extraterrestre, le projet d'assassinat des 9 héros pour qu'ils se taisent à jamais... Un projet de récit digne d'une théorie du complot, s'achevant sur la mort grotesque du mangaka, et sur des révélations supplémentaires. Car dans le fond, et si tout ceci était bien la vérité ?

En ce mettant en scène de façon grotesque jusqu'à se faire tuer comme un blaireau, Man Gatarô démarre fort son récit, et ne s'arrêtera évidemment pas là, car ce petit pitch n'est qu'un début pour une aventure qui va ensuite aller toujours plus loin dans les rebondissements improbables et borderlines. Difficile d'en parler beaucoup plus sans trop en dire, mais dites-vous que vous n'êtes peut-être pas prête(e)s face à la déferlante de gags outranciers et régressifs et de personnages ubuesques. Entre autres, Une petite fille toute choupi cherchant à agir pour le bien de son grand-père en recherchant ses trésors égarés dont les "7 boules du dragon", dont on dit qu'elles n'exaucent aucun voeu (ouais, bon, elles servent à rien quoi). Un ancien voleur de génie devenu un vieillard complètement maboule de 120 ans se promenant à poil et insultant sa petite-fille à tout bout de champ. Une mignonne princesse s'étant enfuie du château royal pour vivre son rêve de devenir une voleuse (pourquoi pas). Un roi gaga de sa petite-fille mais tyrannique et pouvant se transformer sous le coup de la colère. Une ninjette malmenée et déjà dépassée par la situation... Man Gatarô a bien craqué son esprit pour offrir un divertissement aussi absurde que régressif, où il fait fi de toute bienpensance (faut voir le vieux à poil insulter les gamines avant d'essayer de les tuer), s'amuse à aller à l'encontre des normes, quitte à multiplier aussi les références parfois douteuses à nombre d'autres oeuvres (et pas uniquement manga), de Dragon Ball au Parrain en passant par Lupin III, Cat's Eye, ou les films de princesses retenues captives.

Tout ceci, l'auteur l'emballe dans sa savoureuse patte typique, qui pourra éventuellement demander un temps d'adaptation, mais qui est maîtrisée. Ses habituelles petits filles mimi entourées d'être hideux sont bel et bien au rendez-vous, et côté designs grotesques le dessinateur se fait bien plaisir. Ses nombreux effets crayonnés amènent une saveur supplémentaire à ses nombreux excès, et les planches ne semblent jamais vides.

Qui plus est, côté édition c'est du tout bon. La traduction d'Aurélien Estager trouve très souvent le bon ton pour coller aux délires de Man Gatarô, avec notamment quelques pointes de vulgarité bien dosées. les choix de lettrage sont excellents, autant pour les dialogues que pour les onomatopées. Le papier et l'impression sont également très bons. Quant aux jaquettes, Akata en a imaginé des différentes de l'édition japonaise (au moins pour le tome 1, ça reste à voir pour les suivants) et le résultat est assez parlant quant au contenu, le seul regret étant de n'avoir nulle par l'illustration de la jaquette originale nippone, pourtant très sympa elle aussi.

En définitive, retrouver du Man Gatarô en France et qui plus est dans la collection WTF?! est un vrai plaisir. On attend encore un peu plus de l'histoire qui, pour l'instant, se contente surtout de joyeusement et excessivement partir en vrille, mais le résultat est là: la patte, la tonalité et l'imaginaire humoristiques, sans limites et régressifs de l'artiste frappent où il faut !
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs