Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 21 Novembre 2016
Critique 2
Il est enfin repris des nouvelles de l’ourson canadien aux chemises colorées. L’ouvrage débute d’ailleurs et également sur quelques planches en couleur mettant en scène la petite Kana, tonton Mike, papa Yaichi et... maman Natsuki ! Hein ? Oui... Mike aura certes la mine fort surprise, tout autant que le lecteur... mais l’auteur avait pris grand soin, lors du précédent tome, d’instiller le doute : eh bien non... la maman de Kana est bien vivante ; Yaichi et Natsuki sont seulement divorcés.
L’enfant et le couple divorcé : un référentiel spécialement choisi par Gengoroh Tagame afin de dessiner sa conception de la cellule famiale composée d’un ou deux parents gays. Puisque un père hétérosexuel peut seul élever son enfant et y réussir, pourquoi est ce qu’un père bi ou homosexuel ne pourrait-il pas en faire autant au-delà de toute considération d’orientation sexuelle ? Voire même constituer une famille ? C’est en tous les cas ce qu’essaye d’esquisser l’auteur ici.
C’est toujours de la sorte que procède Tagame, lequel, à mesure qu’il est tissé le récit de ce Canadien veuf en quête d’un deuil heureux, tente de mettre en évidence qu’il est un homme comme les autres auquel évoquer son orientation sexuelle ne serait que lui faire offense. Ainsi, l’auteur avait habilement réussi cette normalisation – pour le cas ou elle eut été nécessaire, si ce n’est le cas pour quelques esprits – avec un certain naturel pour les notions de couple, d’amour ou encore d’oncle, mais, ici, le sujet de la famille semble peut être moins bien amené et, pourtant, ce ne sont pas les arguments qui manquent : pas mal du tout dans le genre, mais peut-être moindrement frappant dans sa construction que précédemment.
La thématique centrale de ce présent tome sera manifestement celui « du rejet a l’égard de ce qui est inconnu » ou, plus précisément, l’ignorance qui rejette, la balourdise qui cloisonne les fous jusque dans la peur parfois bruyante et régulièrement confuse. Récit de la difficulté à vivre son orientation sexuelle au grand jour, depuis sa découverte jusqu’au fait de l’assumer pleinement, en passant par le fameux coming-out. Au travers d’une intrigue toute en simplicité, cela sera abordé avec une certaine intelligence par l’auteur : à tel point que les évènements, voire les réalités de la vie, parlent d’eux-memes : eloquent. Mike sera émouvant.
Une protestation néanmoins contre l’édition. Il est commencé à avoir l’habitude – presque – des oeuvres imprimées en dehors de l’hexagone alors meme que destinées a un public frenchy. Ce manque de respect à l’égard du lecteur, accompagné, ici, d’un prix relativement gonflé à l’hélium, incorporera également – comme si cela n’avait point suffi – une erreur de découpage de la couverture, laquelle se retrouve plus petite que son ouvrage débordant... Il en sera tenu compte dans la notation chiffrée parce que ce n’est pas acceptable.
A nouveau un agréable moment de lecture. Sans doute, bien des lecteurs ne porteront plus le même regard autour d’eux, et c’est probablement l’objet premier du présent tome. Cela est d’autant plus appréciable que l’auteur aura prouvé que, une fois de plus, le manga peut, tout en servant une histoire ne manquant point d’inviter son lecteur a l’évasion, se revêtir de réflexions diverses et, parfois, traiter ou amener certains aspects meilleurement qu’ils auraient pu l’être sur d’autres supports. Et ledit lectorat aura autant hâte de se saisir du troisième qu’il redoutera âprement un éventuel retour de l’oncle Mike dans son Amérique du Nord...
Critique 1
La petite famille de Yaichi accueille une invitée surprise : Natsuki, la mère de Kana. Pour Mike qui pensait son beau-frère seul à cause du décès de sa femme, la surprise est grande ! La fillette est aux anges et pour Mike, voilà l’occasion d’en apprendre davantage sur Yaichi, mais aussi voir tout l’attachement qu’a la petite-fille pour lui…
La fin du premier opus était une sacrée surprise, une surprise à la hauteur de l’ensemble du volume qui s’est avéré touchant et criant de vérité pour toutes ses réflexions, aussi bien sur l’homosexualité comme sur des thématiques diverses comme le deuil et la famille, naturellement amenées. Cette suite confirme tout le bien que l’on pensait de la série tant elle s’inscrit dans sa droite lignée, enrichissant les personnages tout en continuant de développer différents sujets et en abordant l’homosexualité sous des angles encore nouveaux.
Mais dans un premier temps, traiter des sujets importants n’est pas l’objectif du tome qui se concentre davantage sur la famille de Yaichi. On en apprend bien plus sur le personnage au vécu complexe et pourtant si commun de nos jours, un point d’autant plus frappant que l’entente est au rendez-vous dans cette famille, même après le divorce. On en retient des moments forts pour le père de Kana, mais aussi très touchants en ce qui concerne Mike, définitivement accepté par la fillette ainsi que par son père, les deux hommes nouant progressivement une complicité juste et poignante.
Revenant à ses enjeux premiers, ce tome deux aborde ensuite le sujet de l’homosexualité par des messages nettement différents. Il est avant tout question, ici, du regard des japonais et des Japonais seuls sur la gent homosexuelle, le message de Gengoroh Tagame est donc bien plus ciblé et c’est ce qui le rend plus fort. Les moments poignants se succèdent alors, le mangaka maniant parfaitement son intrigue pour faire comprendre au lecteur de la cruauté de certains comportements envers un individu qui ne serait pas « dans la norme » dictée par la société nippone. Bien qu’il soit un membre à part entière de la famille de Yaichi désormais, Mike reste la cible de certains regards, des regards blessants aussi bien pour lui que pour le lecteur qui se rend compte de l’absurdité de la situation.
Par la suite, le mangaka développe une autre idée, amenant dans le récit un autre personnage qui se dote d’une importance capitale par ses interactions avec Mike. Outre le fait de revenir sur la société qui ne voit pas d’un bon œil la différence, l’auteur insiste, par le prisme de Mike et de ce nouveau personnage, sur toutes les difficultés pour quelqu’un à assumer son homosexualité, à la partager et à la vivre pleinement, une démarche d’autant plus appréciable qu’elle permet de comprendre un peu plus le protagoniste de l’œuvre en tant qu’individu. Il n’est donc plus forcément question des tourments de Yaichi qui a considérablement évolué, mais bien du ressenti de son beau-frère qui, lui-même, ne comprend pas forcément toutes les mœurs discriminatoires japonaises. Si l’homosexualité est avant tout concernée, c’est la différence de manière générale qui est visée, en atteste l’explication sur la marginalisation des… gens tatoués, un exemple de l’auteur qui tend à démontrer l’absurdité dans la discrimination des individus.
Enfin, c’est encore sur un twist narratif que le volume s’achève, un nouveau développement d’idées qui revient à Yaichi lui-même afin de le questionner d’une tout autre façon sur l’homosexualité. On reste curieux de voir comment sera traité le personnage par ces nouveaux axes de réflexion. Néanmoins, après deux volumes humains, riches en réflexions sans se vouloir moralisateurs, on a toute confiance en cet auteur qui développe son récit et sa pensée avec brio.
En guise de bonus, on apprécie toujours autant les explications ponctuelles sur la culture gay, son histoire et ses symboles, permettant de remettre bien dans éléments dans le contexte qui leur est dû.