Mao Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 30 Juin 2020

Depuis sa consécration au Festival d'Angoulême en 2019, Rumiko Takahashi a plutôt la hype chez certains éditeurs, si l'on excepte Kazé Manga qui n'a pas su en profiter pour essayer de relancer à un rythme plus soutenu un Rinne qui se traîne beaucoup trop (à ce rythme-là on aura la fin en 2026, formidable...). En début d'année, Delcourt/Tonkam a lancé une nouvelle édition de Maison Ikkoku, mais c'est bien du côté de chez Glénat que ça bouge le plus: la nouvelle édition de Ranma 1/2 se poursuit à bon rythme, récemment on a eu droit à une sympathique anthologie "Perfect Color Edition" de Lamu... et voici qu'en ce tout début de mois de juillet, l'éditeur lance dans notre pays la toute nouvelle série de l'autrice ! En cours de parution dans le magazine Shônen Sunday de Shôgakukan (magazine emblématique de la mangaka) depuis 2019, cette nouvelle oeuvre en est actuellement à son 4e volume au Japon.

Tout commence par une étrange première page: dans un accident, une petite fille recouverte de sang et ne respirant plus voit apparaître devant elle une sorte de monstre... Depuis, huit années sont passées, et Nanoka, la fillette en question, est devenue une adolescente comme les autres... ou presque. Vivant seule avec son grand-père et leur servante Uozumi depuis la mort de ses parents dans l'accident d'il y a 8 ans, elle doit boire chaque matin un étrange smoothie apparemment infâme, a conscience qu'il lui est déjà arrivé de mourir, garde forcément un souvenir assez fort de l'accident... Alors quand des camarades de classe l'invitent à se rendre jusqu'à la galerie marchande où a eu lieu l'accident car on y entendrait des fantômes, la jeune fille ressent quelque chose d'étrange. Une fois sur place, en franchissant le portail de la galerie, un étrange phénomène se produit... et la propulse près d'un siècle en arrière, en 1923 ! Là, elle remarque des individus à l'apparence fantomatique, puis se frotte à une sorte de démon, ne devant son salut qu'à un homme aux cheveux bicolores. Son nom: Mao. Sa profession: onmyo. Quand il ne prédit pas l'avenir ou qu'il ne soigne as les maladies, cet surprenant garçon affronte des ayakashi, démons pouvant prendre apparence humaine. Son but: retrouver la trace de Byaki, un démon qui l'a maudit il y a déjà plusieurs siècles de ça, le contraignant à errer depuis près de 900 ans. Et l'arrivée de Nanoka devant lui pourrait bien changer quelque chose, comme si leurs deux vies et leurs deux époques respectives étaient connectées...

Là où certains mangakas à la notoriété mondiale et au très fort succès tendant à ralentir le rythme au fil de leur carrière voire à arrêter, Rumiko Takahashi, elle, fait partie de ces artistes qui impressionnent encore et toujours par leur grande production malgré leur longévité et le fait qu'ils pourraient largement vivre de leurs rentes. Ainsi, la mangaka ne semble jamais prendre de très longues pauses, ne se résout pas à arrêter car dessiner fut toute sa vie, et elle finit toujours par revenir avec de nouveaux projets... quand bien même elle n'a plus forcément autant d'inspiration qu'il y a 20 ans et plus. Si Inu Yasha souffrait déjà de nombreuses longueurs, la série avait globalement toujours un certain peps. Mais c'est à partir de sa série longue suivante, Rinne, qu'on a senti réellement un certain mal à retrouver le souffle d'avant, Takahashi y offrant une oeuvre-fleuve de 40 tomes jamais vraiment déplaisante, mais dont le format fait de chapitre très souvent auto-conclusifs et épisodiques a fini par offrir un rendu extrêmement routinier. Le tout, dans un style visuel qu'on reconnaissait certes toujours très facilement, mais qui ne bénéficiait plus toujours du dynamisme et du grain de folie assez typiques de l'autrice.

En lisant le premier tome de Mao, c'est malheureusement cette impression un peu "à bout de souffle" qui se poursuit, ne serait-ce que visuellement où la copie est certes très propre (les designs sont bien définis, y compris chez les démons qui s'inspirent à chaque fois d'animaux réels comme l'ours ou l'araignée) mais peine à s'emballer (avec notamment des expressions faciales parfois un peu fades). Mais ça se confirme surtout dans le pitch de base: repartant a priori dans l'aventure après l'avoir laissée de côté dans Rinne, Takahashi offre un pitch de base extrêmement proche d'Inu Yasha, pour au bout du compte installer une énième histoire de lutte contre des démons, avec déjà dans ce premier tome quelques petites affaires différentes laissant craindre déjà un futur routinier (ce qu'on n'espère pas, et on espère bien se tromper).

Néanmoins, la magie parvient un tant soit peu à opérer, et cela pour plusieurs raisons, à commencer par le partage du récit entre deux époque : la nôtre, et celle de l'ère Taishô, au début des années 1920. Cette époque est toujours très plaisante à voir en manga, et suffit à elle seule à donner envie de voir ce que Takahashi en fera au-delà des petites chasses aux ayakashis. Pour l'instant, l'autrice reste un peu timorée sur ce point-là, mais certains décors de quartier de l'époque font facilement le job pour nous immerger. En dehors de ça, on peut signaler des idées intrigantes, comme le fait que Nanoka puisse aller d'une époque à l'autre en franchissant le portail, que le temps ne s'écoule pas de la même manière dans les époques (ainsi, après avoir passé un seule soirée en 1923, elle a la surprise d'apprendre qu'elle a disparu depuis une semaine en revenant à son époque)... sans oubliant quelques élans presque macabres par instants, ou au contraire un brin humoristique à d'autres moments. Et côté humour, ça peut aller du pur humour noir à des situations plus décalées, en passant par quelques gags jouant sur les différences entre les deux époques (par exemple, Nanoka parle de choses modernes n'existant pas en 1923, et donc Mao ne comprend pas ce qu'elle dit). Néanmoins, l'humour est très loin d'être au premier plan dans ce tome 1.

Ce qui est au premier plan, sans doute est-ce tout ce que Takahashi, petit à petit, parvient tout de même à distiller concernant son intrigue principale. Le fait que Mao a été maudit par Byoki il y a 900 ans et que c'est sûrement ce qui est arrivé aussi à Nanoka quand elle a eu l'accident, le fait que le sang de la jeune fille soit toxique pour les ayakashis, la recherche de Byoki et ce qu'on apprend déjà sur lui concernant notamment sa faculté à manipuler la longévité des gens, l'existence d'un sabre maudit que seuls Mao puis Nanoka peuvent manipuler, la présentation d'Otoya le familier-assistant de Mao, l'évocation de ce monde fantomatique où tous les fantômes/démons ne sont pas méchants, l'ouverture d'un cabinet pour les missions... Clairement rien d'original, certes, mais chaque élément s'avère vraiment bien amené, distillé au fil du tome dans une narration très claire. Sur cette clarté narrative, Takahashi effectue encore et toujours un travail impeccable.

En somme, Mao s'offre une introduction classique dans un registre archi-vu de lutte contre des démons, et où le rythme ainsi que le style visuel sont bien plus proches d'un routinier Rinne que d'un survitaminé Ranma 1/2 (ce qui est plutôt logique), mais où les éléments installés et la clarté de la narration donnent facilement envie de poursuivre la lecture. Au moins sur le deuxième tome, qui paraît en même temps que le premier.

Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique non-corrigée fournie par l'éditeur, on ne donnera pas d'avis sur l'édition.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs