Love Me for Who I Am Vol.1 : Critiques

Fukakai na Boku no Subete o

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 10 Février 2022

Jusqu'à il y a peu, Akata était l'un des seuls gros éditeurs à ouvertement traiter les thématiques LGBT via les différentes œuvres de son catalogue. L'homosexualité, la transidentité, la non-binarité et d'autres questionnements sociétaux se trouvent au centre de plus en plus de titres. Plus récemment, c'est la maison Ototo qui s'est emparé de ces sujets avec une nouvelle collection, « Mues », dont les premiers titres que sont Sex Education 120% et Je ne suis pas née dans le bon corps ont abordé les sujets de la sexualité et de la transidentité, l'un sous un angle didactique et l'autre par une autobiographie, avec justesse et parfois avec humour. Le label s'est donc ouvert de manière pertinente, et c'est en ce début d'année que la troisième œuvre de « Mues » nous est proposé.

Love Me For Who I Am, c'est le récit de Kata Konayama, mangaka ayant débuté au milieu des années 2010 et comptant à son actif une poignée de titres. Le manga fut lancé en 2018 dans le Comic MeDu du petit éditeur GOT, sous le titre original Fukakai na Boku no Subete wo, et s'est achevé au printemps 2021 avec son cinquième volume. Une tranche de vie courte donc, mais a priori idéale dans la durée pour avoir le temps d'aborder ses sujets et poser une intrigue.

Tetsu est un lycéen comme les autres, et a remarqué qu'un de ses camarades peine à s'intégrer. S'habillant en fille, Mogumo est souvent seul, et personne ne semble le comprendre. Tetsu a alors une idée, celle d'un lieu où Mogumo pourrait s'intégrer : Le maid café tenu par sa sœur dont les employés ont tous pour particularité de se revendiquer « otokonoko », des garçons qui aiment de vêtir en filles. Malgré l'initiative louable de Tetsu, un soucis subsiste : Son camarade est non binaire, et ne peut se présenter comme le font ses nouveaux collègues. A-t-il vraiment rejoint un lieu où il pourrait enfin être compris ?

Ce simple premier tome de Love Me For Who I Am est assez frontal dans sa narration. Sans perdre de temps, et sans vraiment s'attarder sur la rencontre entre les deux protagonistes, Kata Konayama nous jette dans le vif du sujet, à savoir l'intégration de Mogumo au sein du café otokonoko, lieu qui pourrait lui permettre de s'épanouir pleinement. Et aussi hâtive soit-elle, cette amorce ne manque pas de subtilité : Si Mogumo est immédiatement présenté comme un personnage différent de ses camarades, au point de ne trouver personne qui le comprenne, un lecteur n'ayant pas lu le synopsis pourrait se méprendre à son sujet... Tout comme le feront Tetsu, sa sœur, et les employés du maid café. Dès lors, les idées fortes de l'œuvre sont posées, aussi le mangaka aborde la question de la possibilité d'être soi dans un société hyper codifiée et marginalisant trop facilement les individus sortant d'une certaine « norme ». Non binaire, Mogumo n'est qu'un premier portrait dans ce début de récit qui présentera à tour de rôle les autres personnages, que ce soit la grande sœur trans du héros ou ses employés qui, si des mots sur leurs identités de genre ne sont pas toujours posés, affirment leurs personnalités respectives au fil des chapitres. Des quelques soucis d'entente et de compréhension mutuelle jusqu'à la manière dont tout ce petit monde parviendra à coexister et se soutenir, ce premier volume montre clairement ses intentions bienveillantes et positives, à travers un casting de personnages rendu attachant, de par leurs tempérament ou par les dilemmes qui les traversent.

Le terrain pouvait s'avérer miné pour un mangaka qui se frotterait à l'exercice à la légère, mais Kata Konayama (dont on ignore le genre et le caractère concerné ou non par ces thématiques) semble honorer l'exercice, de par son ton et sa manière de renseigner le récit. Car en dehors de la tranche de vie sentimentale et légère, il y a aussi une forme d'oeuvre cherchant à instruire sur les identités de genres, tout en présentant un propos sociétal fort tout en restant mesuré dans son ton. Seul l'avis d'une personne concernée sera évidemment pertinent pour juger objectivement cet aspect, mais tout porte à croire que la démarche de l'artiste est nourrie des meilleurs intentions.

Enfin, difficile de nier le joli côté comédie romantique du récit, par la relation bien établie entre Tetsu et Mogumo qui s'enrichie au fil des pages. Toujours basés sur les sentiments et non sur le jugement d'autrui, les rapports entre eux sont toujours décortiqués sous l'angle de la pure romance, adolescente et naïve, tout en ne manquant jamais de poser le doigt sur des interrogations légitimes. Ainsi, Mogumo a raison de se demander si la timidité de Tetsu provient de le regard de son camarade sur lui. Le perçoit-il comme une fille ? Des réponses sont données, de par les réflexions du protagoniste, tandis que leurs intéractions ne manquent jamais d'humour ou de tendresse. La facette romcom de l'œuvre s'avère elle aussi bien calibrée et sait nous émeuvoir, tant on espère déjà le meilleur pour les deux personnages, sans oublier leurs compagnon du maid café !
Dans cette optique mignonne et bienveillante, le style de Kata Konayama joue énormément. Son style est fin, propice à rendre ses personnages mignons et très expressifs, dans la joie comme dans la détresse. Il y a une vraie patte précise qui donne au récit une couleur et joue sur son atmosphère. L'esthétique de l'artiste colle donc bel et bien à l'univers, facilitant notre immersion dans cette jolie tranche de vie.

Love Me For Who I Am aurait pu être un ratage, une démarche pleine de bonnes intentions mais ratées par un manque de précision ou de documentation d'un auteur non concerné. Mais le résultat semble sonner juste, prend ses sujets très au sérieux, et cherche à instruire comme à émouvoir et divertir. L'équilibre entre toutes les intentions narratives aboutit à un joli début de série, et on espère que Kata Konayama saura maintenir cette qualité et cet équilibre jusqu'au bout.

Concernant l'édition, si Ototo livre une copie en accord avec ses standards, on soulignera la traduction juste de Karen Guirado ainsi que le travail de lettrage bien calibré et l'adaptation graphique efficace signée JF Leyssène. Le « plus » de notre version française vient aussi d'une postface conçue par l'éditeur lui-même, développant sur deux pages sur les identités de genre et les difficultés pour les concernés de s'assumer dans notre société. Un supplément enrichissant et aussi bienveillant que peut l'être le titre, confirmant que l'ensemble de l'ouvrage devrait être lu par un grand nombre, notamment celles et ceux qui entretiendrait une définition étriquée de la "norme".
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs