Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 23 Août 2024
Chronique 2 :
Les tensions au sein du petit groupe de survivantes sont vives, et elles atteignent un cap supplémentaire lors de la fuite d'Usui et après que Morishige ait été remise à sa place. Pourtant, un rebondissement des plus heureux vient apporter une lueur d'espoir au groupe. Sauf pour Morishige, hantée par ses démons, qui compte bien retrouver sa place de dominante...
On pouvait s'y attendre étant donné la tournure de plus en plus dramatique du récit : le groupe se fracture, et le semblant d'équilibre établi par la tyrannie de Morishige est maintenant rompu. Keiko Suenobu poursuit donc dans sa volonté de traiter le destin de ces survivantes en se penchant sur les psychologies des unes et des autres, poussant certaines interactions plus loin, et développant plus vivement le personnage de Morishige. Assez clichée jusque-là, la jeune fille profite d'un traitement plus inattendu et qui lui confère une densité véritable. Par cette idée, la mangaka insiste sur une idée déjà présente depuis le départ : l'impact des violences sur un individu. On n'est plus sur le registre du harcèlement scolaire, et l'orientation proposée est louable.
Tout le segment autour de Morishige constitue la tenue en haleine de ce troisième tome qui, à son dénouement, marque aussi l'atteinte de la moitié de l'histoire. Déjà. Une très bonne intensité entretenue qui vient contraster avec un événement plus chaleureux de l'ouvrage, un rebondissement qui tend à apporter un semblant d'équilibre et qui permet aux personnages et au lecteur de souffler un tantinet. L'habilité de Keiko Suenobu est aussi de ne pas tomber directement dans la sous-intrigue amoureuse, laissant celle-ci en filigrane pour davantage se pencher sur les propos forts du récit. Les conséquences de traumas liés aux violences subies, qu'elles soient scolaires ou d'ordre parental, amènent de facto un bilan attendu et inéluctable, mais qui a du sens. Ceci jouant dans la bascule des tons de ce volume, on en ressort satisfaits et surtout hâtifs de découvrir les trois volumes finaux, surtout avec un climax si intense et au dénouement grave.
Pour les lecteurs qui gardaient encore une réserve pour le manga de survie de Keiko Suenobu, notamment à cause de certains personnages très archétypés, cette suite donne un souffle nouveau à l'œuvre, grâce à une consistance assez inattendue et traitée avec sérieux. Et, plus que jamais, l'impatience de découvrir la suite est là, tant la mangaka gère habilement son suspense.
Chronique 1 :
Usui a pété un câble, il n'y a pas d'autre mot. En un rien de temps, de façon somme toute très caricaturale, la jeune fille habituellement si réservée s'est mis en tête toute seule qu'elle allait être sacrifiée par les autres car, à cause de sa jambe blessée, elle est un poids mort. C'est ainsi qu'elle a brutalement fui dans la forêt en emportant avec elle la faucille, l'unique arme des survivantes, ce qui pourrait changer beaucoup de choses au sein du petit groupe...
Tandis que les opérations de recherches du bus piétinent bien trop (mais bon, au moins, ils ont enfin compris que l'autocar n'est jamais arrivé à destination) en étant tout juste entretenue, ce volume se consacre surtout à deux rebondissements majeurs, le premier étant donc la fuite d'Usui et, surtout, ses conséquences. Sans arme et face à cette situation, le semblant de confiance qui commençait à s'installer vole en éclats: certaines filles se rejettent un peu la faute, Morishige tente encore de jouer la cheffe tyrannique mais est vite mise à mal par Haru qui lui dit ses quatre vérités, la solitaire Kamiya reste un peu plus à l'écart de tout ceci en ne calmant donc pas forcément les choses.... si bien que, finalement, dans une situation où les esprits s'échauffent, celle qui semble le plus continuer d'évoluer dans le bon sens est Mizuki. C'estbien simple, notre héroïne, autrefois suiveuse qui se contentait de nager entre les vagues pour ne plus avoir de problèmes, continue d'avoir un impact plus bénéfique sur son entourage, par exemple en voulant pardonner à Haru qui aimerait alors parvenir à prendre son exemple, en sachant s'excuser auprès de Kamiya au point de peut-être commencer à la faire sortir de son côté individualiste... Elle est désormais celle qui véhicule le plus des idées d'entraide où il faudrait bien compter les unes sur les autres pour que tout le monde s'en sorte, et c'est aussi dans cette optique qu'elle est la première à vouloir s'élancer à la poursuite de la pauvre Usui pour s'expliquer et lui faire entendre raison.
C'est précisément lors des recherches d'Usui par Mizuki qu'a lieu l'autre rebondissement de premier plan de ce tome, à savoir l'entrée en scène d'un autre personnage sur qui nous allons essayer d'en dire le moins possible afin de ne pas spoiler. Contentons-nous, alors de souligner deux choses à son sujet.
Tout d'abord, la réaction d'effroi qu'il suscite en Morishige, en réveillant alors en elle ses démons qui viennent enfin expliquer, lors d'un flashback bref, prévisible mais convaincant car grave dans son sujet, pourquoi elle est comme ça, pourquoi elle refuse de rentrer, pourquoi elle ne sait réagir que par la violence et se montre incapable de faire confiance à autrui. Car comment réagir autrement, quand on a soi-même été élevée en permanence dans un climat de violence où il est impossible de s'épanouir?
Ensuite, la personnalité bienveillante beaucoup trop forcée de ce nouveau personnage, à tel point que l'on devine largement qu'il cache forcément quelque chose. Reste à voir quoi exactement...
A l'arrivée, malgré une écriture rarement très subtile et le côté un peu trop excessif du style de Keiko Suenobu pour une histoire de ce type (alors que ce style collait très bien à sa précédente série Life), ce troisième volume nous maintient accroché grâce à certains développements (notamment au sujet de Morishige), aux thématiques sous-jacentes autour des relations humaines, et à ses principaux rebondissements dont des toutes dernières pages qui ont de quoi glacer le sang, en relançant de plus belle la curiosité et l'inquiétude.