Levius Est Vol.1 - Actualité manga
Levius Est Vol.1 - Manga

Levius Est Vol.1 : Critiques

Levius Est

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 10 Février 2017

Critique 2

Après la pimpante-badass et première partie « Levius », le gladiateur des temps futurs à crinière blonde s’en revient dans l’hexagone pour une nouvelle et attendue saison intitulée « Levius Est ». Le premier volume de ce second cycle, derrière des apparences faussement sobres, se voudra assez prometteur…

Ladite précédente trilogie « Levius » narrait l’épopée de ce jeune garçon nommé Levius Cromwell à qui la guerre avait emporté son bras droit, arrachée son père à la vie et plongé sa mère dans le coma. Guerre après laquelle émergea le nouveau sport mondial à la mode : la « boxe mécanique ». Au sein des arènes grandiloquentes, les gladiateurs s’affrontent de leurs corps mécanisés à la « grande vapeur », cette dernière révolution scientifique qui bouleversa la société tout entière. Levius, champion jusqu’alors invaincu, faisait feu de tout bois pour accéder au premier rang de la boxe mécanique : cette catégorie qui rassemble les treize plus grands athlètes-guerriers considérés tels des sortes de mythes de surpuissance. Cependant, pour accéder au fameux conglomérat de prestige, Levius trouvera sur son chemin une jeune demoiselle sur-cheatée, réduite à l’esclavage et sponsorisée par une société militaire secrète responsable des affres de la précédente guerre… des exactions commises jusque dans les quartiers d’enfance dudit Levius… de son traumatisme…

Pour ainsi dire… il conviendra de lire « Levius » avant de s’abreuver de « Levius Est » : et cela tombera à pic puisque l’éditeur vient de sortir un coffret « Levius » rassemblant cette haletante trilogie. Aussi, le cas échéant, vous serez invités à ne point prendre lecture de la présente chronique afin d’éviter un éventuel vilain spoil.

Ce premier tome de « Levius Est » débute par un flashback : le quartier de jeunesse de Levius assiégé par les armées d’Amethyst… Une mise en abîme qui déterre le passé afin de meilleurement propulser le lecteur dans le futur : un saut jusqu’à une année après le dantesque affrontement qui aura opposé Levius Cromwell à A.J. Rangdon… oui… depuis la fin du match de qualification pour le rang « un » de la boxe mécanique, Levius demeure, à l’instar de sa maman, plongé dans le coma… En dépit d’une ellipse annuelle, se premier volume de « Levius-Est » se lira néanmoins comme la suite directe du tome troisième de « Levius » dont il aurait pu être, sans nul doute, le volume quatre.

Le rythme de la narration est moindrement rapide, plus posé : l’auteur semble adopter une nouvelle mue afin de livrer un scénario davantage étoffé, des personnages plus profonds encore et faire des bons gros creux bien romanesques. Il y aura encore des planches stupéfiantes de beauté, comme pourra l’être la double page contemplative avec A.J. de dos, à travers les branches d’un arbre, et courbant l’échine sur un vulgaire banc : superbe ! Haruhisa Nakata s’imposera dans le quatuor de tête des plus grands artistes-dessinateurs d’aujourd’hui, aux côtés d’Inio Asano, de Hirohiko Araki et de Hiroaki Samura.

Une sorte d’ouvrage de transition par lequel l’auteur consolide la base avant de semer les nouvelles pousses. Une consolidation donc : Jack Cromwell, l’oncle et père de substitution de Levius, s’affirme dans sa personnalité et son rôle à tiroirs ; Bill Wayneberg prend de l’épaisseur dans ce monde des ingénieurs de classe « A » ; Levius et A.J. semblent porteurs d’une sorte de destin commun ;… Puis, l’auteur esquissera les fondations des évènements à venir : la reprise du flambeau de Hugo ; les mutations de l’écurie Stratus ; l’apparition d’une adolescente aux allures néo-otaku, revendiquant porter le nom de famille Cromwell ; des enjeux géopolitiques nouveaux où les gladiateurs grands vapeur de catégorie « un » occupent une place de choix ;… Bref, cela pullule…

A noter que la cause de la scission en deux parties – « Levius » & « Levius Est » – serait le changement de magasine de prépublication nippon : la série sera désormais prépubliée dans les colonnes du, tout à la fois classieux et inégal, Ultra-Jump, et dans la mesure où la parution de Gekkan Ikki a cessée. Pour rappel, Gekkan Ikki fut notamment le creuset de remarquables mangas tels que Blessures nocturnes, Dorohedoro, Sunny, Le Monde selon Uchu, ou encore Freesia.

Encore une fois, l’édition se voudra tout à fait délectable – merci bien l’éditeur, car, pour une telle œuvre, il ne pouvait en être autrement – : le format servira à merveille ces planches singulières, éthérées et immersives. Le sens de lecture se veut toujours occidental, ainsi que Haruhisa Nakata put le souhaiter. Les pages couleur en début d’ouvrage sont tout autant évocatrices avec ces colorations de brun.  Les jaquettes amovibles furent troquées par des rabats cartonnés. La traduction est particulièrement fluide. S’il est permis de chipoter, sans doute des pages davantage épaisses auraient été les bienvenues. L’éditeur exécuta la bonne idée de commercialiser le volume sous plastique ; résultat des courses ? Le tome est impeccable.

Dans le genre, probablement et d’ores et déjà, Levius apparaitra comme l’une des plus remarquables productions contemporaines du marché manga. Il n’y aura pas eu de boxe mécanique dans ce tome, mais quel bonheur que de pouvoir se replonger dans cet univers lyrico-steampunk ; d’autant qu’un de ces duels dantesques attendra le gentilhomme dès le prochain volume. Voilà Levius désormais sorti de sa convalescence annuelle ; les choses ont bien changé depuis…  il ne restera plus qu’à patienter pour  que la suite de l’épopée veuille bien arriver…


Critique 1

L'année dernière, Levius nous charmait pour la mise en place d'un univers européen uchronique, ainsi que pour le style visuel personnel et addictif de Haruhisa Nakata, jeune auteur qui y affichait des ambitions peut-être un peu grandes voire pompeuses, mais aussi une verve prodige et un style résolument original. Sur un fond dystopique dominé par des combats de boxe mécanique, l'oeuvre promettait beaucoup... mais dût faire face au Japon à l'arrêt de son magazine de prépublication, l'Ikki de Shôgakukan, en 2014, condamnant Levius à s'arrêter après trois volumes. Cela devait-il sonner le glas de l'ambitieux projet de l'auteur ? Heureusement non : c'est l'année suivante, dans le magazine Ultra Jump de Shûeisha, que l'oeuvre a pu trouver une deuxième vie avec Levius Est, suite directe. Et l'heure est enfin venue pour le public français de pouvoir découvrir cette suite, toujours grâce à Kana.

Insistons bien sur ce point : le tome 1 de Levius Est est en tous points la suite directe du tome 3 de Levius, si bien que l'on peut le considérer comme un volume 4. Si vous envisagez donc de découvrir Levius Est sans avoir lu Levius auparavant, laissez tomber l'idée.

On retrouve donc les personnages là où nous les avions laissés... mais un an plus tard. Dans son combat contre la mystérieuse A.J. pour atteindre le niveau I des affrontements de boxe mécanique, le prodige Levius a entendu l'appel à l'aide de cette jolie jeune femme manipulée par Amethyst, mettant ainsi en exergue les méfaits sur le monde de cette société privée spécialisée dans l'art de la guerre. La meilleure solution pour sauver la pauvre demoiselle était encore de la battre, mais personne n'en ressortit indemne : au bout d'un affrontement d'une rare intensité, A.J. fut vaincue, mais Levius tomba dans le coma, et son entraîneur et oncle Zack finit lui aussi en piteux état, échappant de peu à la mort après une utilisation trop intense de son oeil gauche...
Un an plus tard, Zack s'est à peu près remis de ses blessures, tout comme A.J. qui a toutefois perdu la mémoire. Quant à Levius, il est toujours plongé dans le coma, et sa place dans le niveau I chèrement gagnée l'attend toujours...

Avec cette reprise de la série sous un nouveau nom et cette ellipse d'un an, inutile de dire que ce premier volume de Levius Est cherche avant tout à reposer les bases. Et quelque part, on pourrait considérer le sort de l'oeuvre de Nakata et celui de son héros éponyme comme portés par une même chose : la renaissance après un "coma".
Le volume commence par revenir sur une importante facette du passé de Levius, avec le fameux débarquement de Green Bridge qui lui a coûté son bras quand il a voulu se précipiter pour sauver sa mère hospitalisée dans l'aire de combat, avant qu'il ne soit sauvé par un boxeur de niveau I. Des premières pages redonnant très bien le ton et rappelant à notre mémoire les blessures et ambitions du personnage. La suite, qui est donc placée un an après le tome 3 de Levius, s'applique, à travers la quête de vérité et de mémoire d'A.J., de resituer les choses. Ce qui est arrivé à certains autres personnages comme Hugo ou le petit frère de la demoiselle transformé en arme de destruction massive par Amethyst... mais aussi l'état du monde, où les combats de boxe mécanique ont encore pris en importance, en devenant un moyen premier d'atténuer voire de régler les tensions internationales. A cela, il faut ajouter des mises au point sur des éléments du passé (les découvertes de l'explorateur Douglax Drake au 18ème siècle...), et de nouveaux concepts comme "l'eau des étoiles", une eau se transformant systématiquement en épaisse vapeur dès qu'elle est en contact avec un dérivé présent dans le sang, cette vapeur pouvant être contrôlée librement par le porteur du sang, mais révélant son plein potentiel en étant régulée par les mécanismes. Autant dire que les enjeux se font encore plus grands et ambitieux, autant sur le plan géopolitique que sur le plan des combats... mais aussi sur le plan personnel, car au niveau des relations aussi cela bouge autour de Levius, que ce soit à travers son lien avec A.J., ou via l'arrivée de Natalia, jeune demoiselle animant considérablement la dernière partie du tome. Cette jeune combattante, qui s'affiche comme une rivale amoureuse potentielle d'A.J.), est une combattante populaire dans la région de Rozaria mais très peu connue du grand public, cela dit elle pourrait toucher les passionnés du monde entier à l'avenir... On découvre une fille énergique et un peu gamine, à la fois un brin agaçante et envahissante, mais visiblement portée par des motivations nobles : elle souhaite devenir riche pour aider les gens des bidonvilles. Nakata s'applique aussi à reposer la question de la condition des boxeurs, via les citations de certains. Pourquoi s'entraînent-ils si durement ? Pour réaliser un rêve ? Par résignation ? Pour connaître leurs limites ? Pour s'apaiser ?

Voila, en somme, pour le scénario d'un tome qui prend le temps de relancer les choses autour de nouvelles donnes qui s'annoncent passionnantes. Il ne faut donc pas encore s'attendre ici à un retour des combats enragés dont est capable le mangaka. Ce qui ne l'empêche pas d'étaler à nouveau sa fougue visuelle, avec ce qu'elle implique de petites expérimentations et de maîtrise. Les effets de flou numérique sont pour l'instant moins présents qu'auparavant, et laissent plutôt place à une technique d'encrage toujours aussi particulière, à un trait dégageant beaucoup de verve... Nakata épate surtout ici pour certaines perspectives audacieuses, et pour son jeu sur la grandeur des cases, cette grandeur variant beaucoup pour attirer régulièrement l'oeil sur certains éléments en particulier. On sent l'artiste libre dans un découpage dont il est maître.

Au bout de ce tome de recontextualisation, tout est bien en place autour d'un univers et de personnages enrichis, et il ne reste plus qu'à attendre que l'oeuvre redécolle pleinement, ce qui devrait se faire dès le deuxième volume.

Concernant l'édition, on note quelques changements. Fini la jaquette amovible, ici nous avons une couverture avec rabats bien épaisse. Le livre est beau, bénéficie toujours de quelques pages couleurs et d'une traduction soignée de Thibaud Desbief. La petite postface sur la rencontre entre Nakata et Guarnido (l'auteur de Blacksad) est sympathique, tout comme la petite carte offerte par Kana avec le tome.

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs