Kowloon Generic Romance Vol.1 - Actualité manga
Kowloon Generic Romance Vol.1 - Manga

Kowloon Generic Romance Vol.1 : Critiques

Kowloon Generic Romance

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 21 Mai 2021

Elle nous avait enchantés entre 2017 et 2019 aux éditions Kana avec la magnifique tranche de vie Après la pluie, et la voici de retour, toujours dans la collection Big Kana, en ce mois de mai: l'éditeur nous invite à découvrir la nouvelle série de Jun Mayuzuki, Kowloon Generic Romance, oeuvre en cours au Japon depuis 2019 dans le magazine Young Jump de Shûeisha, et qui s'est distinguée ces derniers mois en étant nommée pour quelques récompenses, en finissant ainsi 3e meilleur manga "pour garçons" au Kono Manga ga Sugoi ! 2021, et en étant parmi les finalistes du Prix Manga Taishô 2021.

La série démarre par des premières pages posant efficacement le cadre, avec une héroïne vaquant à ses occupations sans un mot dans son appartement, puis profitant de son plus grand plaisir (pastèque + cigarette) sur une chaise, tandis que la "caméra" s'éloigne à l'extérieur afin de nous présenter l'imposant immeuble vieillissant où elle vit, au coeur de Kowloon. Pas de doute: tout comme dans Après la pluie, on sent déjà que tout l'art du découpage et de la mise en scène de la mangaka va être là.

Kowloon, c'est un lieu existant bel et bien dans notre réalité, mais dont la "citadelle", pack d'immeubles rectangulaire où se déroule le manga, n'est plus. Le lieu avait un statut très particulier, en tant qu'enclave chinoise au sein-même de Hong Kong, à l'époque où cette dernière était encore une colonie anglaise. Restée dans les mémoires pour son énorme densité de population et pour son côté toujours plus mal-famé au fil des années car l'endroit était laissé à l'abandon, cette citadelle fut finalement démolie au début des années 1990 pour être remplacée par un parc.

C'est, toutefois, bel et bien dans cet amas d'immeubles vieillots, sales et grouillant de monde que Mayuzuki pose son histoire, en reprenant à sa sauce la citadelle de Kowloon. L'architecture typique est bien là, si bien qu'on devine une certaine documentation de l'autrice pour retranscrire les immeubles longilignes tels des HLM et tous collés les uns aux autres, les rues étroites où les passages "coupe-gorge" peuvent côtoyer les endroit bardés de néons et de bouis-bouis, la population pas bien riche et peut-être un peu marginale mais bien vivante et parfois haute en couleur... Au travers des décors ultra réalistes et immersifs à souhait, Mayuzuki se fait un plaisir de nous y balader, de rue en rue, de lieu en lieu (parfois désuet, à l'image d'un petit cinéma pour adultes), jusqu'à nous en faire ressentir le charme tout à fait unique.

Et c'est donc en ce lieu que vivent Reiko Kujiraï et Hajime Kudo, deux agents immobiliers dans la trentaine, travaillant tous deux pour la même agence, mais dont les personnalités sont quelque peu opposées. Tandis qu'ils sillonnent jour après jour ce très dense dédale de béton qu'est Kowloon, on apprend à les découvrir, principalement par deux moyens.
Tout d'abord, par leurs paroles, qui nous permettent de voir leur vision bien différente des lieux. Elle pose souvent un regard curieux sur les dernières nouveautés, sur les choses modernes. Tandis que lui ne jure que par la sympathique nostalgie que lui évoque ce lieu vieillissant, ses gargotes, son bruit, ses habitants typiques, ses endroits qui semblent parfois issus d'un autre temps... Une opposition d'intérêt des deux personnages qui, bien sûr, permet de confronter l'ancien et le moderne, entre autres.
Ensuite, par toute la capacité qu'a Mayuzuki, tout comme dans Après la pluie, à régulièrement minimiser les mots pour laisser place à notre observation des visuels, de leurs détails, afin de nous laisser tout naturellement comprendre ce qui se trame discrètement. On observe en Kudô un homme un peu "à l'ancienne", correspondant bien à Kowloon finalement, quitte à même sembler régulièrement un brin rustre et mufle avec sa partenaire, même si ce n'est pas méchant. Quant à elle, les petits détails subtils (un regard, une réaction...) ne trompent pas quant à ce qu'elle ressent réellement pour lui, des sentiments que toutefois elle devra accepter.

Et c'est au travers de ce même genre de petits détails, aussi bien des visuels que des petites paroles minimes, que l'on sent se mettre en place quelque chose d'encore plus intrigant au fil des pages, jusqu'aux toutes dernières pages du tome qui accentueront pleinement notre curiosité. L'évocation par Kudô d'une personne qu'il fréquentait et qui avait des gimmicks similaires à ceux de Kujiraï, certains silences du jeune homme comme s'il fuyait certaines conversations, un bar où la jeune femme serait apparemment déjà venue avec son collègue sans en avoir le moindre souvenir, une photo particulièrement surprenante pour elle... Qu'est-ce qui unit exactement ces deux personnages ? Peut-être y aura-t-il un rapport avec l'étrange chose en forme de losange voguant dans le ciel de Kowloon...

Et il s'agit là du dernier élément intrigant de ce premier volume: Gene Terra, le fameux "losange flottant", nouveau quartier ultramoderne de Kowloon en cours de construction, qui vient alors distiller une part de science-fiction dans le récit. Ce futur lieu déplaît à Kudô autant qu'il rend curieuse Kujiraï. Les produits dérivés (notamment à l'effigie de la mascotte de ce futur quartier) sont déjà en vente un peu partout jusqu'à parfois devenir omniprésents, tandis que l'on se demande s'il y a un rôle là-dedans de l'apparemment gigantesque société Hebinuma qui semble avoir des billes partout... Tout en suivant le spas de nos héros, on se surprend alors plus d'une fois à distinguer ce futur quartier dans le ciel, de loin ou de moins loin.

Portée par tout le talent de Mayuzuki qui n'a pas son pareil pour narrer et nous faire comprendre les choses par l'image et parfois par le minimalisme des textes, Kowloon Generic Romance séduit et intrigue toujours plus au fil des pages de ce premier volume. Tout en mettant en exergue cet ancien quartier à part de Hong Kong, la mangaka se le réapproprie à sa façon y distille ses propres ingrédients et pique à vif notre curiosité de lecteur.

Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs