Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 28 Décembre 2022
Quelques mois se sont écoulés depuis les tragiques événements de Karuizawa, véritable guerre causée par l'héritage que l'"appât" Masaru a reçu de son père. Après une assez longue hospitalisation, le petit garçon a finalement accepté d'être adopté par son infâme oncle Zenji, mais celui-ci n'est clairement plus une menace: clairement traumatisé par les événements où il a frôlé la mort, l'homme a désormais une peur panique dès qu'il est question de son neveu ou de Shirogane. Ashihana et son subalterne Hazama, de leur côté, finissent par s'éclipser après avoir fidèlement accompli la mission pour laquelle ils ont été payés. C'est dans ces conditions que Masaru s'apprête à reprendre l'école, où il retrouve notamment la déléguée Orie ainsi que la petite bande de Kajiyama qui entreprend déjà de reprendre ses brimades sur lui. Quant à Shirogane, elle fait le premier choix par elle-même de son existence: continue de protéger le jeune garçon, et pour cela elle s'arrange pour intégrer le lycée adjacent à son école primaire où elle risque bien de ne pas passer inaperçue alors qu'elle essaie justement de rester discrète... C'est ainsi que se déroule un début de troisième volume en forme d'entracte, où Kazuhiro Fujita s'applique à reposer un contexte où ses deux personnages ont bien changé.
D'un côté, il y a éventuellement de quoi s'amuser en voyant Shirogane essayer de rester discrète au lycée alors que tout le monde la remarque, entre sa beauté fulgurante, ses origines françaises intriguant les autres, ses comportements parfois décalés (comme quand elle sèche dès le premier cours pour aller voir si tout va bien pour Masaru), et ses nombreuses qualités ainsi que son sérieux qui finissent de conquérir tout le monde, y compris ses possibles rivales en gymnastique, pour un ensemble qui apporte un petit peu de légèreté. Et de l'autre côté, il y a surtout un Masaru qui, à l'école, se montre sous un jour désormais bien différent, à la grande surprise de la déléguée Orie qui lui reprocher autrefois de trop se laisser faire, et de son harceleur Kajiyama: après tout ce qu'il a vécu, le jeune garçon ne pleure plus face à des brimades qui lui passent totalement au-dessus, tant il a mûri, ce qui va même lui ouvrir la voie vers une meilleure intégration en classe. En somme, on voit bien, dans ce début de volume, que Shirogane et Masaru ont évolué: l'une essaie d'affirmer tout doucement des choix qui lui sont propres pour ne plus être une simple marionnette humaine, tandis que l'autre a pris la décision de ne plus être le pleurnichard qu'il fut autrefois. Et cette évolution, elle trouve évidemment sa source dans celui qui leur a tant apporter: Narumi, qui n'est désormais plus là, brutalement disparu à l'issue du premier acte en apothéose de la série. Narumi reste en permanence dans la mémoire de Masaru, pour qui il reste un mentor, et de Shirogane, qui regrette toujours de ne pas avoir réussi à sourire quand il en avait besoin, au point d'être devenue incapable de sourire désormais. Et ces évolutions de l'inséparable binôme auront encore de quoi se faire bien sentir dans la suite du tome, où le danger et l'action reprennent vite leurs droits.
En effet, si un ennemi est tombé, il en reste encore d'autres, car la fratrie de Masaru ne compte sans doute pas laisser le garçon s'en tirer ainsi avec l'argent ! Cet argent que Masaru se met à détester, quand il voit à quel point il rend les gens fous... C'est ainsi que surgissent les derniers survivants du gang des tueurs, toujours prêts à accomplir leur mission, quitte à ne reculer devant aucune bassesse et à prendre en otages d'autres enfants qu'il seraient prêts à tuer. Et même si le rendu de l'action reste assez simple ici, le rythme frénétique dont est capable l'auteur, ainsi que les quelques petits moments stratégiques de Masaru pour piéger l'ennemi ou encore la course-poursuite aussi improbable que tonitruante, sont autant d'éléments qui nous happent sans mal, pour en réalité mieux porter la cristallisation de toute l'évolution de Masaru: toujours porté par le souvenir de Narumi, le jeune garçon ne pleure plus et ne recule plus devant les dangers, affiche même un côté plus empathique quand il faut sauver son harceleur... Il est devenu quelqu'un sur qui on peut compter, comme le montreront bien la confiance de Shirogane à son égard bien sûr, mais aussi le comportement nouveau qu'auront Orie et Kajiyama envers lui à l'issue de cette nouvelle petite bataille. Et pourtant, à l'arrivée, ce sont encore de nouvelle décisions cruciale que devront prendre Masaru et Shirogane, autant pour eux-mêmes que pour éviter de mettre encore en danger leur entourage...
C'est la qu'intervient, au cours du récit, un nouveau trio qui aura son importance: le patron du crique Nakamachi, malheureusement sur le déclin et endetté, et ses deux fils Nori et Hiro, ces trois-là étant voués à se retrouver mêlés, un peu par hasard, aux dangers pesant sur Masaru et Shirogane. Et même si l'on pourra trouver la ficelle un peu grosse (comme par hasard, un cirque en perdition se retrouve sur la route de Shirogane dans un contexte propice), elle se révèle assez prenante, ne serait-ce que pour le comportement rigolo des deux jeunes hommes du cirque qui seraient bêtement prêts à tout pour essayer de séduire (dans leurs rêves) la sublime Shirogane. De fil en aiguille, une voie nouvelle se dessine alors pour nos deux personnages principaux, en les confrontant déjà bien vite à une nouvelle menace très animale dans les derniers chapitres. restera à voir, parla suite, ce que ces nouveaux dangers donneront, me^me si l'on peut déjà dire que l'ambiguë Lieselotte intrigue assez.
Après l'intensité folle et pleine d'impact de la fin de la première partie de sa série, Kazuhiro Fujita prend soin de faire redécoller petit à petit son récit, au gré d'épreuves plus classiques mais assez rondement menées et ayant surtout pour vocation de cristalliser les évolutions de Masaru et de Shirogane, avant de les placer de plus belle face à de nouvelles perspectives. Un volume plus standard mais efficace et essentiel, en somme.