Kanon au bout du monde Vol.1 : Critiques

Ageku no Hate no Kanon

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 26 Août 2019

Chronique 2

Kyô Yoneshiro est une mangaka ayant quelques titres à son actif depuis 2013, année de lancement de sa carrière professionnelle. Jusqu'à ce jour, nous n'avions pas encore eu la chance de la lire en France, mais c'est désormais chose faite grâce aux éditions Akata qui nous proposent l'un de ses titres : Kanon au bout du monde.

Le manga fut initialement publié sous le titre japonais Ageku no Hate no Kanon entre 2015 et 2018 dans le magazine seinen Spirits des éditions Shôgakukan, et totalise 5 tomes. Une série assez courte donc, et qui a le mérite de nous amener sur un terrain original dès son premier volume.

Il y a quelques temps, des extraterrestres ont attaqués le pays, une catastrophe qui a divisé la population en deux catégories distinctes : d'un côté les privilégiés qui peuvent vivre sous terre loin des assauts, et de l'autre les petites gens condamnés à vivre à la surface. Mais grâce aux interventions du SLC et aux progrès scientifiques, les assauts de l'envahisseur sont maintenant repoussés.

Jeune adulte modeste qui vit à la surface, Kanon a toujours été très amoureuse de Sôsuke Sakai, ancien camarade de lycée qui est désormais un soldat aguerri du SLC. Elle qui s'est prise un râteau par ce dernier il y a quelques années, la voilà qui le retrouve en tant que simple client de la pâtisserie où elle travaille. Dans ce monde qui a bien changé, son amour pour Sôsuke aurait-il finalement une chance de se concrétiser ?

Les éditions Akata aiment nous proposer des romances qui sortent du lot, et cette description ne pourrait pas si bien concerner Kanon au bout du monde dont le pitch n'a rien de très habituel par rapport à ce qu'on a l'habitude de trouver dans nos librairies françaises. Une tranche de vie sentimentale, certes, mais dans un monde de science-fiction où le Japon est en lutte permanente face à un envahisseur, et où la population est clairement scindée en deux catégories sociales. L'idée est excellente, et ce premier tome l'aborde de manière assez convaincante dans sa globalité.

Ainsi, le cœur de ce premier opus (sur les cinq qui composent la série au total) insiste énormément sur la relation entre Kanon et Sôsuke, à tel point qu'on en oublierait parfois presque tout le cadre dans lequel évoluent les personnages. Presque, car Kyô Yoneshiro trouve toujours le moyen de lier les péripéties amoureuses du binôme à différents pans de l'univers, notamment le travail de soldat de Sôsuke qui amènera des pistes de progression plus qu'intéressantes. Assez subtilement, la mangaka inclut donc des éléments de SF à cette relation entre deux jeunes adultes, qui se détache alors peu à peu de ce qu'on a l'habitude de voir. Une déception amoureuse qui tourne vers l'espoir et le potentiel amour entre une femme ordinaire et un homme célèbre, certes, mais qui prendront de la consistance avec quelques éléments bien précis, apportant un relief original à l'ensemble. Sans trop en dire, le fait que Sôsuke soit voué à changer en permanence du fait des avancées scientifiques de l'univers aura un impact non négligeable, et pourraient expliquer bon nombre de choses à l'avenir...

A ceci s'ajoute un sous-texte sentimental intéressant, comme la manière d'intérioriser des sentiments qui ne peuvent se concrétiser, ou la possibilité de murir après une déception amoureuse adolescente. Ces thèmes trouvent une place pertinente dans le récit sous le regard de Kanon que certains comme inquiétante, tandis que d'autres pourront amèrement comprendre son comportement.

Le tout et servi par le style plutôt intéressant de la mangaka, hésitant par moment, mais qui fait le juste milieu entre la dimension romantique et l'orientation SF du récit. Kyô Yoneshiro rend très bien une Kanon sans cesse rougeoyante de part son amour pour Sôsuke, tandis que son trait sur l'homme vient rendre crédible son statut de soldat en sans cesse mutation. Un style particulièrement expressif donc, et qu'on est curieux de voir dépeindre une suite qui s'annonce totalement imprévisible.

Car il semble impossible de deviner l'orientation du second tome de la série étant donné le twist final qui vient bousculer les quelques acquis que nous avons du manga. L'autrice nous prend à contrepied et apporte une conclusion violente qui donnera immédiatement envie de lire la suite. Et si Kanon au bout du monde ne démarrait véritablement que maintenant ?

Du côté de l'édition, on saluera le joli travail d'Akata avec un papier de bonne facture, la jaquette colorée qui s'étend au dos et à la quatrième de couverture, et la traduction très juste de Ryoko Akiyama.


Chronique 1

Kanon, 25 ans, est employée à temps partiel dans une pâtisserie de Tôkyô. Eternelle célibataire n'ayant jamais eu de petit ami, elle voue depuis 8 longues années un amour sans failles à son ancien camarade de classe Sôsuke Sakai, beau garçon qui l'a pourtant éconduite à l'époque du lycée. Son amour n'a jamais été entaché, c'est pour elle toute sa raison de vivre, à tel point que pendant toutes ces années et encore aujourd'hui elle a continué d'entretenir secrètement son amour par divers moyens, au risque de parfois passer un peu pour une stalkeuse ou une monomaniaque auprès de son entourage. Mais rien n'y fait: son amour est toujours là. Aussi, elle est forcément aux anges ces derniers temps, car voici quelque temps que Sôsuke fréquente la pâtisserie où elle travaille, et elle a donc l'occasion de le voir régulièrement, et même de lui parler et de se rapprocher un peu de lui dès lors que le jeune homme l'aborde de lui-même ! L'éternel amour inassouvi de Kanon serait-il sur le point de se concrétiser ? En réalité, la jeune femme ne se fait aucune illusion. Sôsuke est marié à une sublime femme de l'élite, ils ne vivent pas dans le même monde, et il est un véritable héros national dans le pays, car il combat quotidiennement des envahisseurs extraterrestres. Car oui, dans ce monde, voici quelques années qu'une nuée d'extraterrestres s'est abattue sur le Japon et que la pluie s'abat quasiment en permanence, si bien que les plus privilégiés se sont réfugiés sous terre tandis que le reste du peuple est resté en surface...

Après Dernière heure ou, plus anciennement à l'époque de leur collaboration avec Delcourt, Larme Ultime, les éditions Akata nous proposent ici une nouvelle oeuvre de science-fiction quelque peu atypique, dans la mesure où elle accorde la première place à la tranche de vie et au quotidien dans un univers SF pourtant sombre. Prépubliée au Japon de 2015 à 2018 dans le magazine Big Comic Spirits de Shôgakukan sous le nom Ageku no Hate no Kanon, Kanon au bout du monde est une oeuvre en 5 tomes qui est la toute première série longue de Kyo Yoneshiro, une mangaka qui a commencé sa carrière en 2013 avec des récits plus courts, et qui, au fil de ses premières années en tant que mangaka, a été joliment remarquée et complimentée par d'autres artistes, comme les mangakas Keiko Nishi, Takako Shimura et Shuzo Oshimi, ou encore les romanciers Fuminori Nakamura et Sayaka Murata. Autant dire que pour un début de carrière, cette jeune autrice s'offre déjà un beau pedigree qui donne très facilement envie de découvrir ses oeuvres.

Dès le début, la mangaka nous offre une construction assez maligne, installant d'emblée une tranche de vie au premier abord classique, entre la découverte de Kanon et celle de ses seuls passe-temps: son job et son amour inconditionnel mais impossible pour Sôsuke. Ce n'est d'abord que par petites touches, au fil de quelques détails intrigants, que l'on comprendre qu'il y a autre chose, avant que le contexte quasiment post-apocalyptique ne se dévoile plus en détails. Si Sôsuke apparaît si inaccessible aux yeux de son amoureuse transie, ce n'est pas pour rien: il est adulé par tout le pays pour sa lutte contre les entités extraterrestres, il est beau, il fait partie des privilégiés vivant sous terre tandis que notre héroïne est une modeste employée à la surface, et surtout il est déjà marié à une femme ravissante et faisant partie de l'élite. Pourtant, Sôsuke reste étonnamment un homme très abordable: il n'est aucunement élitiste, fréquent des boutiques de la surface dont la pâtisserie où travaille Kanon, parle facilement à notre héroïne... Rien de mieux pour déstabiliser toujours plus Kanon !

Une Kanon qui, il faut bien le dire, s'avère facilement attachante, malgré ses côtés un peu "freaks". Kanon, si on ne la connaît pas, peut très facilement passer pour une fille dans son monde, décalée tellement rien ne compte pour elle à part Sôsuke, voire un peu stalkeuse sur les bords puisqu'elle passe sa vie à épier son cher amour et à collection des choses sur lui, ce qui lui vaudra même des remarques de son entourage ou des amis de ses amis (qui ne la connaissent pas). Mais derrière cette façade, lectrices et lecteurs ont surtout très vite le loisir de voir que Kanon est surtout une fille qui a peu confiance en elle, qui est un peu inadaptée, qui a conscience de cela, mais qui ne peut s'empêcher d'aimer l'homme qu'elle a toujours aimé. Quel que soit son physique et son caractère.

Car oui, il y a une autre petite particularité concernant le travail et le statut de Sôsuke: sa capacité de "régénération". A chaque affrontement contre les entités extraterrestres il peut ressortir gravement blessé, jusqu'à perdre un membre par exemple, mais au bout d'un certain temps il se régénère grâce à une technologie de pointe. Seulement, cette régénération s'accompagne de changements physiques et psychologiques, un fait que l'autrice installe aussi très bien au début autour de l'intrigante petite affaire d'un grain de beauté présent sur l'oreille de Sôsuke puis qui n'est plus là à sa rencontre suivante avec Kanon. On touche là l'un des éléments les plus intrigants de ce premier tome: au fil de ses régénérations, Sôsuke peut changer un peu physiquement, peut complètement changer de goûts voire de personnalité, mais malgré tous ces changements étranges Kanon continue de l'aimer comme une folle. Est-ce l'amour véritable ? Jusqu'où cet amour pourra-t-il aller ? On peut se demander si c'est un sujet que la mangaka va continuer de développer par la suite, mais en attendant de voir ça elle referme surtout ce premier volume sur un événement-choc qui donne foncièrement envie de lire la suite.

Visuellement, notons avant tout que Kyo Yoneshiro privilégie clairement le quotidien à la SF. La science-fiction est omniprésente dans le récit, mais on ne voit jamais les combats, tout au plus quelques bribes à la toute fin, car la dessinatrice, tout comme le faisait la regrettée Yû dans son manga Dernière Heure, préfère largement se focaliser sur ses personnages, qu'elle parvient à dessiner de façon émotionnelle et sensible (enfin, surtout Kanon, que l'on oit sous tous les aspects), voire à sublimer dans certains moments de mise en scène excellents (comme en page 149). Pour le reste, Yoneshiro offre un rendu somme toute assez posé, servant bien l'ambiance de tranche de vie, entre les dessins où elle fait attention aux décors et à certains détails (ne serait-ce qu'un oeuf qui cuit), et la narration qui passe très souvent par le ressenti intérieur de notre héroïne.

Ce premier volume de Kanon au bout du monde pique donc la curiosité comme il se doit, avec son ambiance assez unique, ses idées intrigantes et son héroïne déjà passionnante à suivre autant dans ses tares que dans ses côtés plus attachants. Il ne reste plus qu'à voir ce que Kyo Yoneshiro nous réserve sur la longueur, mais pour le moment tout ceci part bien !

Qui plus est, Akata nous offre une édition satisfaisante, qui attire d'abord l'oeil par sa jaquette au titre "double, l'un écrit normalement et l'autre écrit en rouge de façon déstructurée. A l'intérieur, le papier s'avère bien épais et assez souple, l'impression est très honnête, et la traduction de Ryoko Akiyama est très limpide et ne souffre d'aucune coquille.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

15.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.25 20
Note de la rédaction