Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 14 Juillet 2023
Bien connu pour des séries comme Spriggan, Arms ou encore Peacemaker, Ryouji Minagawa fait son retour en France en ce mois de juillet, après quelques années d'absence chez nous, grâce aux éditions Vega-Dupuis qui ont décidé de publier dans notre langue l'une de ses plus récentes séries, Kaioh Dante. Prépublié au Japon de 2015 à 2021 dans le magazine Gessan des éditions Shôgakukan, ce shônen d'aventure en 13 tomes voit plus précisément Minagawa mettre en images une histoire de Fukuro Izumi alias Eri Oka, un auteur déjà connu chez nous pour la courte série Shimba Ra Da qui fut publiée par les éditions Tonkam il y a une dizaine d'années.
Kaioh Dante nous plonge sur les mers du globe en 1765, deux ans après la fin la Guerre de Sept Ans qui opposa les grandes puissances européennes et aboutit à une victoire de l'Angleterre, alors décidée à explorer les voies maritimes afin de conquérir le plus de nouveaux territoires possibles dans le monde. Quelque part sur les eaux de l'Arctique, l'Angleterre et la France se livrent une rivalité sans merci pour être le premier pays à poser son drapeau au Pôle Nord, mais le navire anglais Seahorse mené par le capitaine J. Eliot Garnam est bloqué depuis plus de deux semaines dans la banquise, en suscitant de plus en plus le désespoir de ses hommes qui pensent leur dernière heure venue entre le froid et les vivres qui s'amenuisent. C'est alors que, sur la glace, ces hommes ont la surprise de voir arriver vers eux un adolescent, seul, avançant lui-même vers le Pôle Nord avec un but bien précis: trouver quelque chose qui lui permettra de sauver la vie de son amie d'enfance. Comment diable ce garçon, prénommé Dante, a-t-il pu avancer si loin sur les glaces de l'Arctique en solitaire ? Il s'avère rapidement qu'il a en sa possession un mystérieux grimoire qui appartenait à son grand-père aventurier et qui lui permet d'avoir toutes les connaissances qui lui sont nécessaires pour avancer sans trop de risques, ainsi qu'une amulette surnaturelle lui octroyant aussi un étrange pouvoir pour faire face aux dangers, cependant en échange de certains "sacrifices" corporels. En s'alliant à la marine anglaise, Dante atteindra-t-il sont but ?
C'est un véritable volume de mise en place que nous proposent les auteurs, avec l'intégralité d'un premier arc simple mais assez efficace qui aurait presque pu se suffire à lui-même sans les toutes dernières pages intrigantes, au fil duquel sont installés les principaux personnages et les concepts de la série, celle-ci nous immergeant déjà dans une vraie aventure sur les mers avec une teinte de fantastique bien présente et qui se développera sûrement autour des origines des objets surnaturels, le tout sur un fond historique largement revisité. Avec ses dessins dotés de designs de personnages bien marqués pour certains, de décors glaciaux bien présents et immersifs, de navires et autres machines surprenantes bien rendues (mention spéciale au "bateau qui marche"), et de brefs élans d'action assez rythmés et clairs, Minagawa n'a aucune difficulté à nous maintenir accroché dans l'ensemble, au vu des différents dangers auxquels Dante et ses alliés du moment doivent faire face en comptant sur les nombreuses connaissances de l'adolescent en matière de survie: le froid, la glace, les tempêtes, les animaux sauvages comme les ours polaires... et, aussi, la marine française où Dante va retrouver une vieille connaissance en la personne de Napolio, ami d'enfance ayant lui aussi un livre magique et possédant de beaux talents de construction. C'est pourtant sur ce dernier point que le début de cette histoire montre sa plus grande faiblesse au niveau scénaristique: pourquoi ces deux idiots, qui plus est amis d'enfance, se mettent en concurrence au lieu de s'entraider, alors que leur but est exactement le même, à savoir sauver la vie de leur amie commune Emma ? On pourra aussi trouver Napolio très couillon vers la fin de tome en faisant si facilement confiance en José, alors qu'il dit lui-même qu'il n'est pas digne de confiance.
A l'arrivée, malgré quelques limites ce volume d'introduction fait plutôt bien son office, plus encore au vu des dernières pages qui semblent réellement lancer les choses, au vu de l'identité réelle de Dante et de Napolio ainsi que des ambitions assez dingues de José. Et le tout est servi par une qualité éditoriale bien présente avec une traduction soignée de Satoko Fujimoto, un lettrage appliqué, un papier souple et suffisamment opaque, une impression convaincante, quatre jolies premières pages en couleurs sur papier glacé, et une jaquette sobre et stylisée qui reste très fidèle à l'originale japonaise.